Un étudiant burkinabè en France, Thomas Diabré, à travers cet écrit, revient sur les derniers dérapages des autorités de la transition. Puis, il appelle les nouvelles autorités démocratiquement élues à revenir courageusement sur les nominations fantaisistes, arbitraires et « népotistes ».
Isaac-Zida

Jusqu’à leur échéance, Les Burkinabè tiennent aux organes de la transition comme à la prunelle de leurs yeux. Les généraux Diendéré, Bassolé, l’ex-RSP et leurs ouailles l’ont appris à leurs entiers dépens. Eux qui, après nombre de velléités, ont fini par franchir le Rubicon en décidant formellement et vainement d’y mettre fin le 16 septembre 2015.

En effet, l’avènement de ce régime, fruit de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, a coûté à ce peuple le prix le plus fort en sueur, en larmes et en sang de ses fils et filles. Mais les dirigeants de cet inter-règne savent plus que quiconque que cette confiance et la protection dont ils bénéficient ne sont pas synonymes d’un chèque en blanc. Au contraire, ils doivent constamment rendre compte à leur mandant souverain qu’est ce vaillant peuple du Burkina Faso. Les épisodes Sagnon à la Culture et Djiguemdé aux Infrastructures sont là pour le rappeler à toutes fins utiles.

Étant donné qu’en politique, peut-être plus qu’ailleurs, nul n’est parfait, le tandem Kafando-Zida s’achemine vers une sortie jugée globalement honorable. Cela dans la mesure où l’essentiel de leur agenda était, on le sait, d’offrir au pays des hommes intègres, de nouvelles autorités politiques en organisant des élections transparentes, justes et démocratiques. Ce qui est désormais chose faite.

Malheureusement, au regard des travaux des derniers conseils des ministres, l’on observe comme un air de dérapage. En effet, que peut-on dire d’autre en examinant, par exemple, les délibérations de leur séance du mercredi 9 décembre dernier. Ainsi, à moins de deux ou trois semaines environ de leur passation des charges avec l’équipe Kaboré, Michel Kafando et son équipe sont comme pris d’une boulimie gouvernementale en déphase avec leur fin de mandant : rien moins que 53 marchés y ont été attribués, trois ambassadeurs nommés, entre autres nombreuses promotions.

Notons que, curieusement, lesdits diplomates en chef ont été choisis parmi eux-mêmes ou leurs proches : le ministre des affaires étrangères et de l’intégration régionale promu en Suisse, son ancien secrétaire général nommé à l’ambassade stratégique de Bruxelles, tandis que le poste de chef de la mission diplomatique du Burkina au Danemark échoit tranquillement à la ministre déléguée chargée du budget. Comme quoi, ici, charité bien ordonnée commence et s’arrête à soi. On peut observer, en passant, comme des primes aux responsables qui ont le plus de problèmes avec leurs administrés pendant leurs présents mandats.

Au sortir d’un tel constat, sans préjuger de possibles autres décisions de ces gouvernants en fin de mission, l’on est plutôt animé d’une fâcheuse impression et de nombreux questionnements : ces gens semblent penser et agir sans tenir compte de l’avènement des nouvelles autorités élues au suffrage universel direct du peuple souverain.

Quand on sait par exemple qu’un ambassadeur, c’est le représentant personnel du chef de l’Etat mandant, on est pertinemment en droit de se demander en quoi ça urgeait tant d’imposer au président Roch Marc Christian Kaboré ses plus proches collaborateurs sur la scène internationale . Ne pouvait-on vraiment pas attendre que la nouvelle équipe vienne conclure, en dernier ressort, des attributions des marchés dont on lui impose pourtant le règlement de l’ardoise salée et le suivi de l’exécution de ces travaux ? Véritablement, les autorités de la transition auraient d’énormes difficultés à convaincre nombre de gens de leur bonne foi quant à l’extrême urgence des dossiers qu’ils ont ainsi dénoués. Des attributions et des promotions qui ont lieu seulement à quelques encablures de leurs adieux au peuple burkinabè.

En somme, on se demande quel incendie il y a en la demeure. En effet, à moins de vouloir en abuser, la continuité de l’administration ne devrait pas être seulement comprise dans le sens étriqué de tout décider, voire précipitamment et massivement, en lieu et place de ses successeurs et de leur refiler les patates chaudes à tout va, avec obligation de résultats sans murmures ni contestations. A notre humble avis, cette disposition administrative devrait aussi exprimer la confiance et l’aménagement d’espaces de décisions ultérieures pour les continuateurs de la mission d’Etat.

C’est de la sorte, avons-nous la faiblesse de penser, qu’on peut laisser à la nouvelle équipe, la latitude de prendre en compte leur idéologie et leur programme de gouvernement pour lesquels le peuple a jeté son dévolu sur eux et attend d’eux des résultats probants.

Certains observateurs sont tellement surpris par cette ultime boulimie gouvernementale de la transition finissante qu’ils n’hésitent pas à affirmer, de plus en plus ouvertement, que le président Kaboré serait non seulement au courant de ces actes, mais aussi qu’il a été associé. Ils prennent notamment pour preuve, le tête-à-tête qu’il y a eu, le mercredi 9 décembre 2015, entre lui et le président du Faso sortant. Ce à quoi des voix s’élèvent autour du nouveau chef de l’Etat pour démentir catégoriquement de telles allégations en martelant que : « Roch n’est mêlé ni de près, ni de lion à de telles prises de décisions ».
Fort heureusement, les autorités de la transition oublient peut-être qu’elles offrent elles-mêmes une porte de sortie à leurs successeurs.
En effet, il nous paraît opportun de se souvenir qu’en sa séance du mercredi 07 janvier 2015, le conseil des ministres a pris un décret important. Ce dernier porte « modalités de désignation et de révocation des Directeurs généraux des établissements publics, des sociétés d’Etat, des sociétés d’économie mixte à participation majoritaire de l’Etat, des fonds rattachés aux départements ministériels et des projets/programmes de la catégorie A. Ce décret habilite le Conseil des ministres à nommer et à révoquer directement, durant la période de la Transition, les directeurs généraux, sur proposition des ministres de tutelle technique, sans requérir l’avis des conseils d’administration ou du Comité interministériel de sélection des candidats. »

D’une part, comme on le voit, ce décret lève une restriction qui existait. S’il peut se justifier pleinement au regard des circonstances dans lesquelles il a été promu, il convient néanmoins de vérifier, à présent, qu’il n’y a pas eu, dans sa mise en œuvre, quelque dérapage grave çà ou là. C’est l’une des raisons qui peut militer à ce que le nouveau pouvoir puisse éventuellement envisager la prolongation de sa durée de vie afin d’apporter, où que de besoin, les correctifs nécessaires.

D’autre part, la mesure vient rappeler tout simplement toute l’actualité de cette pratique en vigueur dans l’administration centrale de tous les pays du monde selon laquelle le conseil des ministres reste souverain pour nommer ou décharger de ses missions tout agent de l’Etat.

Il s’ensuit de ce qui précède que la transition lègue, au pouvoir entrant, en même temps que quelques patates chaudes, un véritable boulevard pour mettre en œuvre sa politique managériale des agents de l’Etat. En somme, dès sa prise de service, le président élu du Faso et ses camarades doivent ouvrir l’œil et le bon. Cela leur permettrait de ne pas traîner comme des boulets aux pieds, une cohorte de canards boiteux nommés sur l’une ou l’autre des bases suivantes : l’amicalisme, le népotisme, le régionalisme, l’affairisme, confessionnels et/ou le canapé. Dès sa prise de fonction, le nouveau pouvoir doit rapporter ces nominations fantaisistes et inélégantes. Bref, sans sentimentalisme aucun, tous ceux-là qui ont bénéficié de promotion sur des bases étrangères à la compétence, au dynamisme au sens élevé de la responsabilité et d’une probité irréprochable en phase avec la soif de changement de gouvernance exigée par notre peuple, doivent pouvoir passer leur chemin, appelés à d’autres fonctions.

Il y va de la réussite du quinquennat présidentiel, lequel ne devrait pas pouvoir être contrarié dès son entame par des desseins inavoués parce qu’inavouables. En un mot, autant le régime entrant devrait tirer avantages des nombreux acquis de la transition, autant il devrait tirer toutes les conséquences face à ses éventuels passifs et autres dérapages.

Thomas Diabré

Etudiant en France (thomasdiabre@gmail.com)

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