Adama Wya, chargé des projets, programmes et partenariat du RENAPEE, a participé activement à la COP21 à Paris

Secrétaire chargé des projets, programmes et partenariat du Réseau National pour la Promotion des Evaluations Environnementales (RENAPEE) et doctorant en gestion environnementale de Bircham International University en Espagne, Adama Wya totalise aujourd’hui plus d’une douzaine d’années d’expérience dans le domaine de l’environnement.

Adama Wya, chargé des projets, programmes et partenariat du RENAPEE, a participé activement à la COP21 à Paris
Adama Wya, chargé des projets, programmes et partenariat du RENAPEE, a participé activement à la COP21 à Paris

                     Ingénieur du génie de l’environnement pétri de savoir-faire théorique et pratique dans la conception et gestion des politiques, programmes/projets de sauvegarde environnementale et sociale ; c’est en homme averti qu’Adama Wya a participé à la vingt-unième Conférence des parties (COP21) à la Convention-cadre des Nations unies sur le climat. Sur sa participation, celle de la délégation burkinabè et les résultats de cette conférence de Paris, Adama Wya dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder avec ce regard d’expert de la société civile.

Burkinademain.com : Vous venez de rentrer de la vingt-unième Conférence des parties (COP21) à la Convention-cadre des Nations unies sur le climat qui se tenait à Paris. Comment se sont passées les choses à votre niveau ?

Adama Wya : Le séjour s’est bien passé. J’ai partagé l’expérience du Burkina sur les conséquences des changements climatiques, les expériences d’atténuation et d’adaptation du Burkina. J’ai pris part à plusieurs conférences/débats.

Lesquelles ?
Je peux citer :
-la conférence sur la mine et le changement climatique : Evaluation des émissions des gaz à effet de serre dans les industries minières au Burkina Faso ;
-la conférence sur les Solutions pour le financement d’une économie bas carbone : l’expérience européenne ;
-la conférence sur le système financier et la transition vers une économie bas carbone : trois axes d’action ;
-la conférence sur la technologie et innovation verte au service de la ville et des citoyens
-la conférence sur la RSE et COP21 en Afrique – enjeux et solutions des acteurs économiques quelles nouvelles solidarités inter-territoriales ;
-la conférence sur le cri d’un Tiers-monde du développement durable : l’appel caribéen de Fort-de-France ;
-la conférence sur la production de bioplastique à partir de carbone capté sur des fumées d’incinération de déchets ménagers.

Décidément, vous n’avez pas chômé à Paris…Oui, ce n’est pas tout. Permettez-moi quand même d’énumérer d’autres conférences aussi importantes auxquelles j’ai pu prendre part.

Allez-y, mais très rapidement pour qu’on puisse avancer…
J’ai donc pu également participer à d’autres conférences, notamment :
-la conférence sur le volontariat comme levier indispensable de la lutte contre le changement climatique ;
-la conférence sur la transition énergétique et les métaux stratégiques : une variable capitale ;
-la conférence sur les forêts, terres, océans, alliés des Hommes et du Climat ;
-la conférence dont le thème est promouvoir des voies de développement à faible intensité de carbone supportant l’égalité des sexes ;
-la conférence sur le thème Défier les stéréotypes : l’engagement innovant des femmes dans le changement climatique avec les TIC ;
-la conférence sur l’adaptation des populations les plus vulnérables : témoignages d’Afrique et d’Asie sur l’adaptation des communautés à travers la réduction des inégalités notamment de genre ;
Et enfin la conférence sur le thème de mobilisation des territoires pour accompagner l’évolution des emplois et des compétences en lien avec la transition énergétique

A quel titre avez-vous pris part à cette COP21 de Paris ?
J’y ai participé à la COP21 en qualité de représentant du RENAPEE auprès du cadre de concertation des organisations de la société civile du Burkina Faso sur les changements climatiques.

Quel était l’intérêt pour les pays comme le nôtre de prendre part à ce genre de rendez-vous ?
Cette conférence des Parties (COP) était une opportunité pour ses acteurs d’envoyer un signal fort à l’humanité sur la question des changements climatiques et météorologiques, afin de permettre aux Etats de construire des sociétés sobres en carbone. La COP21 ouvre des opportunités pour le développement durable des Etats en particulier des pays en voie de développement comme le Burkina Faso. Comme opportunité, on peut citer la finance climat qui est un des paquets techniques qui suscite au niveau des négociations, le plus d’engouement et de passion. Elle s’est traduite par la mise en place du Fonds Vert sur le Climat qui a constitué un gros enjeu de la négociation.
Les préoccupations du Burkina Faso sont orientées autour des questions liées à l’adaptation, au transfert de technologie, au renforcement des capacités et au financement pour faire face aux impacts des changements climatiques. Le Burkina Faso, a vocation d’initier des projets et de les soumettre à financement du fonds vert climat.

Le Burkina Faso a-t-il vraiment tiré profit de sa participation à cette COP21 ?
Nous pensons que le Burkina Faso a réellement tiré profit de cette COP. En effet, la COP a abouti à un accord dont l’objectif principal est de contenir la hausse de la température du globe bien en dessous de 2°Celsius et de poursuivre les efforts pour limiter la hausse de température à 1,5°Celsius d’ici à la fin du siècle. L’accord de Paris invite les Etats à s’inscrire dans une dynamique de réduction de leur consommation des énergies fossiles au profit des énergies renouvelables (solaires, éoliennes). Or, l’une des principales ressources abondantes du Burkina Faso est l’énergie solaire. Cet accord représente donc une opportunité que le Burkina doit saisir en vue de former des Burkinabé pour leur permettre de se positionner comme l’un des grands leaders de la production d’énergie solaire en Afrique. Le Groupe Afrique a par ailleurs été félicité pour ses initiatives tournées vers les énergies renouvelables.

Pour Adama Wya, les jeunes et femmes burkinabè ont été faiblement représentés à la COP21
Pour Adama Wya, les jeunes et femmes burkinabè ont été faiblement représentés à la COP21

Les membres de la délégation burkinabè étaient-ils réellement outillés pour peser dans les débats ?
Adama Wya : Je ne pense pas que tous les membres de la délégation burkinabé étaient bien outillés pour peser dans les débats. J’ai eu l’impression que la délégation burkinabé ne s’est pas préparée. A Paris, il y a eu une très faible représentativité des jeunes et des femmes dans la délégation burkinabé. Les médias burkinabè étaient quasiment inexistants. Ce qui est vraiment dommage.
Pour des questions qui traitent du Burkina de demain, il était souhaitable que les jeunes soient fortement représentés.
Pour la diffusion de l’information et l’appui conseil en matière de communication, les médias devaient être bien représentés.

Que retenez-vous globalement de votre participation à la COP21?
Je pense que mon bilan est positif dans la mesure où j’ai pris part à plus de 20 conférences, j’ai échangé avec des délégations de 147 pays, des acteurs du secteur privé, des acteurs de la société civile et des acteurs du monde de la recherche. J’ai partagé l’expérience de mon pays dans le domaine de l’atténuation et de l’adaptation. Le vendredi 11 Décembre 2015, j’ai contribué à l’animation du thème mine-climat de la conférence du cadre de concertation des organisations de la société civile burkinabé sur les changements climatiques. Par ailleurs, j’ai noué des contacts.

L’accord, qui a sanctionné la COP21, fixe des objectifs à atteindre en matière de réduction du réchauffement climatique. Ces objectifs sont-ils réalisables ?
L’accord de Paris valide une chose positive : les 195 Etats de la planète sont d’accord pour maintenir un cadre international et multilatéral qui devra permettre de contenir la hausse de la température du globe bien en dessous de 2°Celsius et de poursuivre les efforts pour limiter la hausse de température à 1,5°Celsius d’ici à la fin du siècle. Je félicite la COP pour la détermination de cet objectif ambitieux. Cependant, j’attendais de la COP21 qu’elle prenne des décisions courageuses et visionnaires devant se traduire par la prise des engagements forts, ‘’chiffrés’’ et contraignants de décarbonisation de la planète pouvant permettre de maintenir la hausse de la température moyenne globale bien en deçà de 2 degrés par rapport au niveau de l’ère préindustrielle. Ce n’est pas le cas à la COP 21, avec un accord constitué de la somme des égoïsmes nationaux, aussi bien en matière de financements que d’objectifs de réduction des émissions. L’accord comprend très peu d’éléments contraignants qui garantissent un climat sain et vivable pour les générations futures.

Pouvez-vous être plus explicite dans vos réserves vis-à-vis de l’accord de la COP21 ?
Oui. L’objet de l’accord de Paris sur le climat est de « maintenir la hausse de la température moyenne globale bien en deçà de 2 degrés par rapport au niveau de l’ère préindustrielle » et de « poursuivre les efforts pour limiter la hausse de température à 1,5 degré ». Cet objet est contrebalancé par la faiblesse de l’objectif à long terme de réduction des émissions mondiales des gaz à effet de serre. Il est seulement prévu «d’atteindre un pic d’émissions de gaz à effet de serre aussi rapidement que possible,…». Des versions antérieures retenaient un objectif de baisse de 40% à 70%, ou même de 70% à 95% d’ici à 2050. Ces mentions, jugées trop contraignantes par certains pays, ont été ‘’gommées’’.
Ensuite, dans l’accord, il est établi qu’« En vue d’atteindre l’objectif de température à long terme énoncé à l’article 2, les Parties cherchent à parvenir au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais, étant entendu que le plafonnement prendra davantage de temps pour les pays en développement parties, et à opérer des réductions rapidement par la suite conformément aux meilleures données scientifiques disponibles de façon à parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle ». Aucune date n’est mentionnée pour le pic (plafonnement) des émissions et, l’objectif de long-terme, attendu pour 2050, ne concerne que la seconde partie du siècle ; la formulation de l’objectif de long-terme ouvre la porte à l’utilisation massive de techniques inappropriées.
Aussi, en considérant les contributions prévues déterminées au niveau national, l’accord de Paris entérine un réchauffement climatique supérieur à 3°C, sans se doter des dispositifs pour revenir sur une trajectoire inférieure à 1,5°C ou même à 2°C. D’ailleurs, l’accord note avec préoccupation que « les niveaux des émissions globales de gaz à effet de serre en 2025 et 2030 estimés sur la base des contributions prévues déterminées au niveau national ne sont pas compatibles avec des scénarios au moindre coût prévoyant une hausse de la température de 2°C, mais se traduisent par un niveau prévisible d’émissions de 55 gigatonnes en 2030, » et note également que « des efforts de réduction des émissions beaucoup plus importants que ceux associés aux contributions prévues déterminées au niveau national seront nécessaires pour contenir l’élévation de la température de la planète en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels en ramenant les émissions à 40 gigatonnes ou en dessous de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels».

Y-a-t-il d’autres insuffisances dans l’accord ?
Bien sûr. Comme je soulignais tantôt, les mécanismes de révision des contributions des Etats (INDCs) sont faiblement contraignants. Des inventaires sont prévus tous les cinq (05) ans, mais la mise en œuvre des révisions à la hausse reste dépendante de l’interprétation des textes et de la bonne volonté des Etats. De même, de nombreuses contributions des Etats (INDCs), notamment des pays les plus démunis dépendent des financements additionnels pour mener à bien leurs transitions énergétiques et politiques d’adaptation. Ces financements ne sont pas disponibles et ne sont pas garantis pour le futur. En outre, aucun mécanisme de sanction n’est mis en œuvre pour sanctionner les Etats qui prendraient des engagements insuffisants, qui ne les mèneraient pas à bien ou qui refuseraient de revoir à la hausse leurs ambitions. Alors que les accords de libéralisation du commerce et de l’investissement sanctionnent les pays lorsqu’ils ne respectent pas les règles établies.
Il y a également l’absence des 100 milliards comme plancher de financement dans l’accord de Paris, renvoyé dans le texte de décision de la COP21 et donc soumis à de nouveaux arbitrages futurs, sans force contraignante et sans amélioration par rapport à Copenhague. Je n’oublie pas la non taxation du carbone qui permettrait de taxer les producteurs de charbon, de pétrole et d’orienter les initiatives vers les énergies renouvelables.

Et quid de la transparence dans les financements et les références aux droits humains ?
Oui. Il y a un manque de transparence et de prévisibilité des financements pour l’après 2020 : aucune mention des termes « nouveaux » et « additionnels » pour évoquer les financements futurs, en contradiction de la convention, pas plus que les termes « adéquats » et « prévisibles», absence de rééquilibrage au profit de l’adaptation.
Il y a également, la suppression des références aux droits humains et des populations indigènes et à la transition juste dans les articles de l’accord de Paris, références renvoyées dans les préambules qui montrent que l’accord comporte beaucoup d’insuffisances.
Par ailleurs, il faut signaler que l’accord pour entrer en vigueur en 2020, devra d’abord être ratifié, accepté et approuvé par au moins 55 pays représentants au moins 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. A l’image du Protocole de Kyoto, des pays pourraient bien se retirer avant même son application.

Bon nombre de pays parties dont le Burkina Faso ont fait de propositions de contribution à la réduction du changement climatique. Que faut-il retenir de la contribution du Burkina ?
L’Appel de Lima pour l’action sur le climat (Décision 1/CP.20) réitérait l’invitation à toutes les Parties d’élaborer et de remettre les Contributions prévues déterminées au niveau national (INDC) en tant que leurs « contributions » à la réalisation de l’objectif ultime de l’Article 2 de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) qui est de « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique». En réponse à cet appel, le Burkina Faso a retenu comme année de référence 2007 et années cibles 2025 et 2030. Ainsi, le Burkina s’engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 6% à 11%. Pour y parvenir le Burkina doit faire des efforts entre autres dans des projets d’agriculture, de production d’énergie électrique (centrales hydro électriques, mini réseaux à base d’énergie renouvelable et hybride, …), dans des projets relatifs au secteur du transport, au secteur de l’éclairage, dans des projets de boisement, reboisement, récupération du méthane à partir des eaux usées de la station d’épuration de la ville de Ouagadougou et de récupération du méthane à partir des déchets solides du centre d’enfouissement technique des déchets de la ville de Ouagadougou. Le coût total d’investissement à l’horizon 2030 s’élève à 1 840 953 571 dollars USD.

Avons-nous les moyens de réaliser ce qui est contenu dans notre document de contribution à la réduction du réchauffement climatique ?
Au regard des secteurs concernés pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et des priorités urgentes du pays (éducation, santé, eau potable, alimentation), il est évident que sans aide extérieure, sans contribution du secteur minier, il sera fort probable que le Burkina ne parviendra pas à la réduction de 6% à 11% dans les délais ci-indiqués.

Au sortir de cette COP21, quelles doivent être les priorités pour notre pays pour réussir le cap de la protection environnementale et de la transition énergétique ?
Le Burkina Faso doit se doter d’un budget de souveraineté nationale en vue de former chaque année plus de 5000 personnes (CAP, techniciens supérieurs, Ingénieurs) dans le secteur de l’énergie solaire. Il sera utopique pour le Burkina de fonder son espoir sur l’aide extérieure pour former sa population sur l’exploitation de l’énergie solaire. Une retenue de 10% à 20% par an des contributions minières au budget de l’état peut contribuer à la formation des jeunes sur l’exploitation de l’énergie solaire au profit des générations présentes et futures. L’Etat doit développer l’éducation relative aux énergies solaires aussi bien dans les systèmes d’enseignement formel que dans les systèmes d’enseignement non formel. Il faut aussi une coopération la plus large possible afin de mobiliser une action en faveur de l’énergie solaire plus forte et plus ambitieuse de la part de tous les acteurs, y compris la société civile, le secteur privé, des institutions financières, les villes et autres autorités coutumières, les hommes de médias et les communautés locales.

Quel pourrait être le rôle des organisations de la société civile dans ces défis de développement durable ?
La société civile a un rôle important à jouer dans la facilitation à l’accès à l’information climatique et dans le plaidoyer auprès du secteur privé, des institutions financières, des villes, des autorités coutumières, des hommes de médias et des communautés locales afin de parvenir à la prise en compte des technologies solaires et les mesures d’adaptation aux changements climatiques dans les politiques, programmes et projets au Burkina Faso.

Entretien réalisé par Grégoire B. Bazié
Burkina Demain

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