Makaiboo Gouintché Somah

Dans ce premier article de notre rubrique «Regard de l’Homme de la Diaspora», Makaiboo Gouintché Somah passe en revue les différents concepts patriotiques appliqués dans le contexte burkinabè. Lisez plutôt !

Makaiboo Gouintché Somah
Makaiboo Gouintché Somah

«Le patriotisme se définit comme le dévouement d’un individu pour un pays qu’il considère comme sa patrie. Pour cela, un patriote est celui-là qui est prêt à défendre la patrie et les intérêts de cette dernière. De 1960-2014, Le Burkina Faso connu divers régimes et diverses formes de république sans jamais parvenir au stade d’Etat-nation tant souhaité. Les différents régimes furent taxés à tort ou à raison de suppôts de l’impérialisme ou de régimes d’apatrides. Mais en réalité à quoi ressemble le patriotisme burkinabè de nos jours? Sommes-nous patriotes? Notre patriotisme n’est-il pas intéressé?
Ces différentes questions méritent qu’on s’y attarde. Si de 1983-1987, le patriotisme fut mis en exergue par un quatuor de révolutionnaires, cela ne fut peut-être plus le cas à la fin brutale de la révolution en 1987. La rectification sous Blaise Compaoré visait à instaurer un régime dit démocratique, mais en réalité, elle a plus instauré un pouvoir personnel et un culte de la personnalité.
Les supporteurs de Thomas I. Sankara verront en lui un patriote convaincu, tandis que ceux à qui le pouvoir de Blaise Compaoré a plus profité verront en lui aussi un patriote convaincu. Nous rentrons ici dans un imbroglio interminable. C’est pourquoi, il conviendra de faire la part des choses entre différents types de patriotismes pour éviter des emplois abusifs et inflationniste du terme « patriotisme ».

Plusieurs types de patriotismes

On distingue plusieurs types de patriotismes:
-Le patriotisme constitutionnel: ce concept fut développé par l’allemand Jürgen Habermas après l’ère nazie. Il prône le principe basé sur une séparation des niveaux d’intégration politique et éthique. Cette séparation fut promue par cet auteur comme norme directrice face à des défis aussi prégnants que le rapport à une histoire nationale problématique, le multiculturalisme ou la construction européenne. Au Burkina Faso, le patriotisme constitutionnel a été mis en exergue pour barrer la route au « dictateur » Blaise Compaoré, qui voulait éterniser au pouvoir. Si Blaise avait jugé bon de s’éterniser au pouvoir, c’est que certains Burkinabè et non des moindres poids politiques lui avaient donné cette conscience d’indispensabilité (lire mon article: http://www.burkina24.com/2015/05/07/opinion-des-erreurs-du-systeme-compaore-a-plus-rien-ne-sera-comme-avant/). Le patriotisme constitutionnel ne saurait être sans polémiques dans une société pluriethnique comme le Burkina Faso qui est en quête d’identité culturelle unifiée.

-Le patriotisme géographique: il prend sa source dans l’Empire Romain: Le patriotisme géographique (expression de Claude Nicolet) peut être vu comme la forme à la fois la plus ancienne et la plus naturelle d’un attachement communautaire qui dépasse le cadre de la famille, du clan, ou de la tribu. Il n’est pas non plus identique au sentiment qui se manifeste dans la défense d’un territoire perçu comme vital par un groupe d’individus solidaires. Il résulte plutôt d’un processus assez complexe dont les principaux moments se laissent styliser, par exemple, à partir de la reconstruction que propose Herwig Wolfram pour l’««Histoire des Goths» » Ce type de patriotisme a une forme guerrière et tend toujours vers l’annexion. Les populations mettant en exergue ce type de patriotisme sont généralement celles qui se disent oublier de l’Etat central et optent pour des actions visant à contraindre celui-ci à s’occuper plus d’elles. Il comporte plusieurs dimensions dont celle culturelle, ethnique, régionales…

-Le patriotisme historique (Lire Ernest Renan): il est un produit pur de la guerre franco-allemande 1870. Ce type de patriotisme est l’attachement au sentiment national et à l’unité nationale. On fédère là patria et natio en allant au-delà des diversités ethniques, culturelles, ancestrales etc.

-Le patriotisme juridique: il est toujours de Claude Nicolet et est adversité avec le patriotisme géographique. Pour ce patriotisme, la nation n’existe que par la personnalité juridique que lui confère sa Constitution Politique. Pour l’auteur, patriotisme juridique signifie l’attachement porté aux règles formelles de l’État de droit. Un tel attachement à la personnalité juridique d’une communauté politique peut cependant s’approfondir dans la visée d’une Constitution juste, d’une justice politique organisant, selon l’équité, les principes juridiques de la liberté et de l’égalité. Dans ce cas, le patriotisme juridique revêt une signification plus substantielle.

En interaction avec des champs conflictuels

Il faut noter que les différents types de patriotismes cités sont parfois en interaction avec des champs conflictuels et des zones d’ombres. Au Burkina Faso, le patriotisme juridique et historique ont été mis en branle lors de la suppression de la Haute-Volta en 1932. Sa reconstitution a nécessité la prise en œuvre des deux patriotismes. Qu’en est-il d’aujourd’hui et de maintenant?
Aujourd’hui, on peut distinguer au Burkina Faso plusieurs types de patriotismes aussi nuisibles les uns que les autres. Nuisible plus pour la patrie, car ils ne profitent plus qu’aux individus, aux régions, aux ethnies et aux politiques. Ces types de patriotismes sont des patriotismes calculés en vue d’une reconnaissance politique, d’une décoration ou d’une récompense personnelle. Depuis la chute de Blaise Compaoré, les Burkinabè restent divisés en « patriotes », ceux-là ayant chassé Blaise Compaoré et son CDP du pouvoir en offrant leurs poitrines aux kalachinokovs et aux canons, en « non -patriotes », ceux-là qui n’ont pas assisté en live à la chasse de Blaise Compaoré, en « apatrides », ceux-là qui ont soutenu Blaise Compaoré jusqu’au suicide politique, en (pro-) putschistes, ceux-là qui ont soutenu la félonie des généraux Diendéré et Bassolé. Voici un peu la cartographie macabre que présente notre cher pays, où le droit à la parole est soumis à une présentation de sa « carte de patriote ». Obnubilés par le concept de patriotisme, les Burkinabè ont confié leur transition après la chute de l’enfant dit terrible de Ziniaré à une horde de patriotes qui le lui a bien rendu. Aujourd’hui des casseroles trainent avec des bruits de parcelles, de milliards disparus, de marchés de gré à gré. Le doute semble planer partout et donne le courage « patriotique » aux défenseurs de « syphocantes grabataires » de défendre l’indéfendable. Le temps étant l’autre nom de Dieu, les masques ne cesseront de tomber dru pour laisser paraitre le visage hideux de certains « patriotes » mus par l’intérêt personnel.
Si le sens de la patrie pouvait intégrer et vite le système scolaire, le Burkina Faso gagnerait plus et son système scolaire arrêtera peut-être de produire « des apatrides » et des « aquoibontistes » plus prompts à prendre qu’à donner au pays.
(A bientôt pour un autre article sur le patriotisme dans le système scolaire Burkinabè et ses avantages)».
Makaiboo Gouintché Somah

Littératures:
– http://users.skynet.be/jean.marc.ferry/Patriotisme.doc
– Il s’appelait Sankara
– Sankara, le Rebelle
– La guerre franco-allemande de 1870
– Disours de Chérif Sy devant le CNT

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