Pour Drissa Sanou, la réforme de la justice militaire burkinabè s'impose

L’écrit ci-après de Drissa Sanou traite des problèmes de la justice militaires burkinabè. Face à ces problèmes, M. Sanou appelle à une réforme structurelle de la grande muette.

Pour Drissa Sanou, la réforme de la justice militaire burkinabè s'impose
Pour Drissa Sanou, la réforme de la justice militaire burkinabè s’impose

«JUSTICE MILITAIRE DU BURKINA : UNE REFORME STRUCTURELLE S’IMPOSE
INTRODUCTION
Les juridictions militaires comprennent l’ensemble des juridictions composées de magistrats civils ou militaires qui, en temps de paix ou de guerre, ont vocation à connaître des infractions commises par des militaires ou des militaires assimilés, y compris des civils, que ces infractions soient de nature militaire ou relèvent du droit commun, dès lors qu’une compétence spécifique leur a été reconnue et qu’elles obéissent à des règles matérielles ou procédurales dérogatoires du droit commun, justifiées par la « spécificité militaire » du contentieux.
La justice pénale militaire a longtemps été synonyme de législation particulière et de juridictions spéciales. Sa légitimité se fondait sur la spécificité du métier des armes, la discipline qu’exige son exercice, l’absolutisme du principe hiérarchique et l’indivision des droits de punir et de juger qu’elle consacrait.
Cependant, depuis au moins un quart de siècle, un vent de réforme souffle sur la justice militaire à travers le monde. Dans plusieurs pays, les tribunaux militaires ont été abolis, du moins en temps de paix, ou alors ils n’existent que pour traiter les entorses disciplinaires des soldats, pas leurs crimes. La France, la Belgique, les Pays-Bas, la République tchèque et l’Allemagne sont du nombre. D’autres États, dont le Royaume-Uni, le Danemark et la Finlande, ont maintenu un système de justice parallèle pour les soldats, mais ont placé des civils aux postes les plus importants.
La justice militaire de notre pays est régie essentiellement par deux textes que sont la loi n°24-94/ADP du 24 Mai 1994 portant Code de justice militaire et la loi n°013/99/AN du 07 juin 1997 portant statut des personnels de la justice militaire.
Si ces textes existent depuis longtemps, c’est leur mise en application récente qui a révélé leurs caractéristiques dérogatoires du droit commun.
Loin de nous la volonté de dénier à la justice militaire la légitimité de s’occuper des infractions d’ordre militaire.
Mais l’inculpation de civils et la gestion de leurs dossiers étale la réalité de cette juridiction que nous devons tous contribuer à améliorer.

I- LES GARANTIES INSTITUTIONNELLES DES JURIDICTIONS MILITAIRES
Les garanties institutionnelles des juridictions militaires apparaissent insuffisantes à plusieurs égards. Deux aspects peuvent être retenus. Le premier, de nature générale, concerne le dispositif de mise en place des juridictions militaires et leur fonctionnement. Le second concerne plus particulièrement l’indépendance, et partant l’impartialité de la juridiction ainsi que le respect des principes directeurs de la procédure pénale en ne perdant pas de vue que la matière est pénale et que les textes font référence au Code de procédure pénale.

• Mise en place contrôlée et dépendance du personnel
Tout l’artifice de la justice militaire est construit autour du Ministre de la défense que l’article 3 de la loi n° 24-94/ADP portant code de justice militaire désigne comme le chef suprême et premier responsable de la justice militaire, investi de pouvoirs qu’il peut déléguer à certaines autorités militaires désignées par décret.
Pour pourvoir au personnel de la justice militaire, l’article 18 dudit Code dispose que « …….. Tous les membres du tribunal militaire sont nommés par décret pour une durée d’un an. »
Ainsi nommés, l’article 24 du Code dispose que « Les magistrats militaires ne relèvent que de leurs chefs hiérarchiques et du Ministre chargé de la Défense. Ils sont soumis aux règles de la discipline générale dans les Forces Armées.
Ils ne peuvent, toutefois, être traduits devant une juridiction militaire ou un Conseil d’enquête, en tout temps, que sur ordre du Ministre chargé de la Défense…. »
De façon redondante, l’article 8 de la loi n°013/99/AN du 07 juin 1997 portant statut des personnels de la justice militaire ajoute que « les magistrats militaires ne relèvent que de leurs chefs hiérarchiques et du Ministre de la défense dans l’exercice de leurs fonctions. »
La légitimité de la subordination du ministère public à l’exécutif est déjà fort discutée ; qu’en est-il d’une double subordination?
En outre, c’est l’administration centrale du ministère de la Défense qui décide du maintien ou du renouvellement d’un magistrat à son poste. Or, le rôle de l’administration centrale du ministère de la Défense semble difficilement compatible avec une relative indépendance du personnel militaire, surtout du procureur aux armées.
Tenaillés dans cette double dépendance, et confrontés aux soucis du bon déroulement de la carrière, les juges militaires peuvent difficilement rendre une décision libre de toute interférence hiérarchique.

• Dépendance structurelle et fonctionnelle
La dépendance structurelle de la justice est doublée d’une dépendance fonctionnelle. Ainsi, l’article 71 du Code de justice militaire dispose à ce propos que : « S’il s’agit d’une infraction relevant de la compétence des tribunaux militaires, le Ministre chargé de la Défense apprécie s’il y a lieu ou non de saisir la justice militaire.
Aucune poursuite ne peut avoir lieu, à peine de nullité que sur ordre de poursuite délivré par le Ministre chargé de la Défense.
Toutes les fois que l’infraction a été dénoncée par un juge d’instruction civil, un procureur du Faso ou un procureur général, le Ministre chargé de la Défense est tenu de donner l’ordre de poursuite.
L’ordre de poursuite est sans appel ; il doit mentionner exactement les faits sur lesquels porteront les poursuites, les qualifier et indiquer les textes de Loi applicables. »
C’est au Ministre de la défense que sont transmis les actes et procès-verbaux dressés par les Officiers de Police Judiciaire Militaires, par les soins du Commissaire du Gouvernement, pour apprécier de l’opportunité des poursuites. (article 69).
L’on en déduit par exemple que les mandats d’arrêts qui auraient été délivrés sans l’ordre exprès du Ministre de la défense et dont il a été abondamment question, sont effectivement frappés de nullité pour le cas où cela s’avèrerait fondé.
L’article 72 ajoute que « L’action publique est mise en mouvement par le Commissaire du Gouvernement sur ordre de poursuite à lui adressé par le Ministre chargé de la Défense. »
Au regard des dispositions de l’article 72 ci-dessus cité, il ne vient à l’esprit de personne de penser que le Commissaire du gouvernement puisse engager des poursuites sans ordre formel. Autrement, des procédures de sanction seront engagées à son encontre par les voies légales prescrites.
Dans le courant de ce mois de mai, suite aux décisions relatives à la non-annulation puis à l’annulation du mandat d’arrêt contre Monsieur SORO, le Président du Faso a mis fin aux fonctions d’un juge d’instruction civil et du commissaire du gouvernement du Tribunal militaire.
L’on peut présumer qu’il s’agit d’une sanction de fait dès lors que l’autorité n’a pas voulu saisir le conseil de discipline pour prononcer des sanctions conformément aux textes.

• Possibilités d’allègement de procédures
L’article 48 du Code de justice militaire dispose que « Lorsque les militaires, poursuivis pour des infractions de la compétence des juridictions militaires ont comme co-auteurs ou complices des individus non justiciables de ces tribunaux, tous les prévenus ou accuses sont traduits devant les juridictions militaires. »
C’est le seul article qui donne compétence au tribunal militaire pour engager des poursuites contre les civils.
S’il est vrai que les fonctions du Commissaire du Gouvernement et de Juge d’instruction du Tribunal militaire sont remplies par des magistrats militaires, l’article 20 du Code de Justice militaire dispose que « Toutefois dans les affaires ou sont impliquées des personnes étrangères à l’armée, des magistrats de l’ordre judiciaire peuvent être délégués pour remplir les fonctions du Ministère Public ou de l’instruction dans les conditions prévues par le (…) code. »
Cette disposition est d’autant plus importante qu’un juge civil peut avoir un regard différent de celui d’un juge militaire pour une même infraction.
Mais malgré le nombre élevé de justiciables civils de la justice militaire actuellement détenus à la MACA et les niveaux de présomption de responsabilité différents dans les faits à eux reprochés, l’application de ces dispositions d’allègement de procédure ne semble pas avoir été envisagée.
Cette délégation de compétence est tout naturellement de la compétence du Ministre de la défense qui se trouve être le Président du Faso, garant de l’Etat de droit.
Bien plus, ces justiciables civils sont apparemment soumis aux règles intégrales d’instruction appliquées aux militaires en période de guerre si l’on se réfère bien sûr aux dispositions de l’article 8 du Code de justice militaire disposant que « Les tribunaux crées en temps de guerre sont soumis aux dispositions prévues pour le fonctionnement des services des tribunaux militaires en temps de paix. »

• Problématique d’indépendance et d’impartialité
Rares sont les textes du domaine dans lesquels la question de l’indépendance et de l’impartialité des juridictions militaires n’ait pas été posée, au moins implicitement, preuve que le débat sur l’indépendance de cette justice n’est pas encore clos.
Ainsi, l’article 9 de la n°013/99/AN du 07 juin 1997 portant statut des personnels de la justice militaire dispose que « les magistrats militaires sont indépendants. Aucun compte ne peut être demandé aux juges des décisions qu’ils rendent ou auxquelles ils participent. »
Cependant, une telle disposition n’aurait de sens que si des textes subséquents y donnaient un contenu. Mais à notre connaissance, aucun texte complémentaire ne garantit l’indépendance de la justice militaire.
A titre comparatif, les magistrats de la justice civile bénéficient de garanties statutaires résultant notamment de l’intervention du conseil supérieur de la magistrature en matière de nomination, d’avancement et de procédure disciplinaire.
Ainsi, l’article 134 de la Constitution tel que modifié par la loi constitutionnelle n°072-2015/CNT du 05 novembre 2015 dispose que : « Le Conseil supérieur de la magistrature décide des nominations et des affectations des magistrats. »
L’article 135 de la Constitution dispose également que : « Une loi organique fixe le statut de la magistrature dans le respect des principes contenus dans la présente Constitution. Elle prévoit et organise les garanties et l’indépendance de la magistrature. »
Cette indépendance est concrétisée par la loi organique n°049-2015/CNT du 25 août 2015 portant organisation, composition attribution et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature et la loi organique n°050-2015/CNT du 25 août 2015 portant statut de la magistrature.
Ces dispositions d’indépendance ne trouvent nulle part leur répercussion dans l’organisation et le fonctionnement de la justice militaire. Or, nous le savons bien, c’est au regard des velléités d’interférence et d’immixtion de l’exécutif dans les questions judiciaires que la demande d’indépendance de la justice est poignante.
Lorsque la loi décide que cet exécutif (représenté par le Ministre de la défense) est l’autorité décisionnaire unique de la juridiction militaire, des doutes ne peuvent que subsister sur son indépendance et son impartialité, pas en raison de la personne de l’autorité tutélaire, mais de la concentration des pouvoirs entre ses mains.

• Non-respect des principes directeurs de la procédure pénale
La procédure pénale se fonde sur des principes : elle doit être équitable et contradictoire ; elle doit préserver l’équilibre des droits des parties, garantir la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement.
Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles.
Or, dans la justice militaire, l’application de ces principes est pratiquement laissée à la discrétion du Ministre de la défense de par les dispositions de la loi.
Rappelons qu’au regard des articles 71 et 72 du code de justice militaire, aucune poursuite ne peut avoir lieu que sur ordre de poursuite délivré par le Ministre chargé de la Défense et l’action publique ne peut être mise en mouvement par le Commissaire du Gouvernement que sur ordre de poursuite à lui adressé par le Ministre chargé de la Défense.
Il s’en suit que 2 personnes poursuivies pour la même infraction par la justice militaire peuvent être jugées différemment selon le bon vouloir du Ministre de la défense.
Or, le droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice ainsi que le droit à un procès équitable est un élément clef de la protection des droits de l’homme et constitue un moyen de procédure pour préserver la primauté du droit : cette égalité ne semble pas déterminante devant la justice militaire.
En outre, et il est important de le rappeler, les droits du justiciable sont à ce jour érigés en Droits de l’Homme, objet de l’attention soutenue des textes et instruments internationaux portant promotion et protection des garanties fondamentales.
L’Etat du Burkina a souscrit à l’essentiel de ces instruments internationaux et accepté le principe de la hiérarchie des normes qui en découle.
L’on comprend donc difficilement que les Avocats conseils étrangers du Général BASSOLE ressentent des difficultés pour se constituer à ses côtés. Cela constitue une atteinte aux droits de la défense parce que les dispositions subsidiaires de l’article 31 du Code de justice militaire évoquées à cet effet par la juridiction militaire ne peuvent pas être priorisées au détriment des dispositions pertinentes de l’article 7 du règlement de l’UEMOA sur la liberté de circulation et d’établissement des avocats dans les Etats membres.
Enfin, les décisions du Tribunal militaire sont insusceptibles d’appel, la Cassation étant la seule voie offerte contre lesdites décisions. Le justiciable se trouve privé du bénéfice du double degré de juridiction pour faire réexaminer sa cause.
C’est cela la réalité de la justice militaire burkinabè telle que les textes l’organisent. Et c’est en cela que réside le doute sur l’indépendance et la partialité de cette juridiction.

• Aperçu de la justice militaire à travers le monde
L’affaire DREYFUS est un cas emblématique qui a révélé la partialité et la sévérité de la justice militaire en France en 1894. En l’espèce, Monsieur Alfred Dreyfus fut condamné par le Conseil de guerre de Paris aux travaux forcés à perpétuité avant d’être innocenté et gracié 11 ans après sa condamnation.
Cela a conduit entre 1894 et 1926 à l’élaboration de plus d’une trentaine de propositions de loi ayant pour objet la suppression ou la réorganisation de la justice militaire. Les réformes actuelles de la justice militaire française sont redevables en partie à cet intermède douloureux mais décisif.
Autres pays, autres mœurs. Ainsi, dans une entrevue exclusive datée de Janvier 2016, le juge-avocat général des Forces armées britanniques de la justice martiale du Royaume-Uni, Jeffrey Blackett, a déploré le manque d’indépendance et d’impartialité de l’appareil de justice des Forces armées canadiennes et appelé le Canada à le moderniser. De son avis, tant que les juges seront des officiers militaires, tous les garde-fous qui seront mis en place seront insuffisants pour rendre le système réellement indépendant et impartial.
Il a déploré le fait que la Cour suprême du Canada confirme la validité de ce système sur toute la ligne, ce qui augure que l’armée pourra continuer à juger (et camoufler) elle-même les actes criminels de ses soldats, peu importe que l’acte soit survenu dans une caserne ou un bar du centre-ville, en mission à l’étranger ou en sol canadien, que la victime soit militaire ou civile. Il s’agit là de l’avis d’un connaisseur.
Ainsi, la justice militaire a été et continue d’être décriée à travers le monde. Mais le souci du respect des principes de droit par la justice militaire a progressivement amené les décideurs politiques soucieux de la construction d’un Etat de droit à procéder à des réformes de la juridiction militaire dans leurs pays repectifs.
C’est vers cette excellence que nos démarches doivent tendre.

II- DES AXES DE REFORME DE LA JUSTICE MILITAIRE
La compétence des tribunaux militaires pour juger les personnels militaires ou assimilés ne doit pas constituer une dérogation de principe au droit commun correspondant à un privilège de juridiction ou à une forme de justice par les pairs. Elle doit rester exceptionnelle et répondre aux seules exigences de la fonction militaire lorsque le juge civil territorial ne peut exercer sa compétence.
Quant aux civils, les juridictions militaires doivent, par principe, être incompétentes pour les juger. L’Etat doit veiller à ce que les civils accusés d’une infraction pénale, quelle qu’en soit la nature, soient jugés par les tribunaux civils.
Dans un système indépendant, les juges ne doivent être révoqués que pour des motifs graves, pour faute ou incompétence, conformément à des procédures équitables assurant l’objectivité et l’impartialité, fixées dans la Constitution ou par la loi.
La révocation d’un juge par le pouvoir exécutif, par exemple avant l’expiration du mandat qui lui avait été confié, sans qu’il soit informé des motifs précis de cette décision et sans qu’il puisse se prévaloir d’un recours utile pour la contester, est incompatible avec l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Il en va de même lorsque le pouvoir exécutif révoque des juges supposés être corrompus sans respecter aucune des procédures légales.
C’est en cela que les prises de position récentes du comité intersyndical des magistrats trouvent toute leur importance.
En effet, suite au dessaisissement de juges du Tribunal militaire de Ouagadougou lié aux décisions relatives aux mandats d’arrêt, le comité intersyndical des magistrats du Burkina a, dans une déclaration datée du 11 mai 2016, condamné avec fermeté cette grave atteinte à l’indépendance de la justice, et exigé :
« – l’annulation pure et simple de la décision mettant fin aux fonctions du juge civil délégué au Tribunal militaire et à celles du commissaire du gouvernement près ledit tribunal. ………
– l’extension à la justice militaire des réformes pour plus d’indépendance récemment faites ou simplement la fusion de celle-ci dans la justice civile pour éviter ce genre de situation. »
Cette déclaration remet en selle la question cruciale des garanties institutionnelles des juridictions militaires qui paraissent insuffisantes à plusieurs égards aux yeux des praticiens du droit.
Loin de nous la tentation de méconnaitre la nécessité de la justice militaire ou la pertinence des pouvoirs du Ministre de la défense en matière de défense nationale.
En revanche, nous sommes d’avis que l’existence de la juridiction militaire en temps de paix doit être revue, parce que l’indépendance, et partant l’impartialité des juridictions statuant en matière militaire en temps de paix peut paraître relative du fait de la procédure et de de l’omnipotence du ministre de la Défense.
L’idéal serait soit de supprimer la justice militaire en temps de paix, soit d’adopter des règles procédurales de droit commun pour les juridictions militaires, puisque la Cassation est la juridiction supérieure de la juridiction militaire et que le Code de justice militaire se réfère de manière générale au Code pénal et au Code de procédure pénale pour les poursuites, l’instruction et le jugement.
Cela reviendra à limiter la spécificité du droit militaire en temps de paix à ce qui est strictement nécessaire à la vie des armées, en y incorporant, dans toute la mesure du possible, les garanties nouvelles offertes à l’ensemble des justiciables et en répondant aux exigences de l’Etat de droit.
Ainsi, en France, la loi du 21 juillet 1982 a supprimé les tribunaux permanents des forces armées et a confié, dans le ressort de chaque cour d’appel, à une chambre spécialisée d’un tribunal de grande instance l’instruction et le jugement des infractions militaires et des infractions de droit commun commises dans l’exercice du service par les militaires en temps de paix sur le territoire national. La Loi du 10 novembre 1999 a aligné, en temps de paix, la procédure pénale applicable à la matière militaire sur celle du droit commun. La refonte du code de justice militaire de 2006 a harmonisé la terminologie du code de justice militaire avec celle du code pénal et du code de procédure pénale pour faciliter son application.
Au Royaume-Uni dont il dit avoir été un témoin privilégié et un acteur de cette révolution, le juge-avocat général Monsieur Jeffrey Blackett disait dans son entrevue en Janvier 2016 que sont révolus les temps où les cours martiales où les militaires se jugent entre eux, à l’abri du regard des autorités civiles.
Il a ajouté que la justice militaire est plus indépendante au Royaume-Uni tout d’abord, parce que la poursuite est indépendante. Le directeur des poursuites militaires est un civil, c’est lui qui décide d’engager ou non des poursuites judiciaires, sans en référer à la chaîne de commandement militaire. Les procureurs qui travaillent pour lui sont des avocats militaires, mais dans la majorité des cas graves, des procureurs civils sont également affectés au dossier.
Ensuite, il estime que la justice militaire est indépendante parce que tous les juges de la Cour martiale sont des civils, bien qu’ils aient toujours une expérience militaire, parce que depuis 2003, les officiers militaires ne sont plus admissibles à cette fonction. Les membres du jury sont à juste titre des militaires, ce qui les rend plus aptes à comprendre le contexte dans lequel les infractions ont été commises.
Cette organisation propre au Royaume-Uni est indicative des orientations procédurale que les décideurs peuvent donner aux institutions de leur pays. Du reste, c’est cette réorganisation institutionnelle qui est en cours dans notre pays depuis l’avènement de la Transition.

CONCLUSION
Dans un Etat de droit, et surtout en construction, il n’est pas rare de trouver des textes inapplicables pour diverses raisons. Il revient aux décideurs de les revoir en la forme ou de les exclure du corpus juridique.
L’évolution du droit pénal militaire doit être rattachée à l’évolution générale du droit moderne et au poids nouveaux des droits octroyés à la personne humaine. La suppression de la justice militaire en temps de paix nous parait pour cela être la voie raisonnable de construire un Etat de droit autour de cet idéal.
Les pays d’Europe centrale connaissent les plus grands progrès, liés semble-t-il, à la consolidation d’une démocratie tant politique que sociale, acceptée par tous. Ces progrès consistent, de façon linéaire, à la subordination des Forces armées au pouvoir civil. Ces évolutions ont diminué l’importance de la justice militaire, principalement pour juger les conduites des civils, et surtout les crimes politiques. L’élimination de la justice militaire en temps de paix est en partie l’expression de cette soumission du militaire au civil.
Les réformes peuvent prendre du temps. Mais pour l’heure, des dossiers sont en cours d’instruction devant la justice militaire. Il est de droit pour les inculpés de bénéficier des dispositions d’allègement de procédure et surtout de l’application juste de la loi. Il est également de la responsabilité des décideurs au plus haut niveau, de veiller à assurer aux citoyens burkinabè le bénéfice des dispositions légales.
Certes, il se trouvera des personnes réticentes à ce légalisme. Mais pour un gouvernant, il est plus facile devant l’histoire de défendre l’application de la loi au détriment de l’incitation populaire, que de justifier l’arbitraire populaire face à la disposition légale clairement établie. »

Drissa SANOU
sanoudris@gmail.com

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