Farhat Bouazza, ambassadeur du Maroc au Burkina

L’actualité africaine reste encore dominée par le grand retour du Maroc à l’Union africaine, après 33 ans d’absence. Pour en parler, nous avons rencontré Farhat Bouazza, ambassadeur du Maroc au Burkina Faso. Pour Son Excellence Bouazza, le Roi Mohammed VI a su si bien camper, lors de son intervention à la tribune de l’Union africaine, les enjeux et la portée de l’événement. Car, dit-il, «Sans l’Afrique, le Maroc peut aller vite, mais avec l’Afrique, le Maroc peut aller loin». Sur la question sahraouie, le diplomate chérifien estime que l’on devrait faire confiance aux Nations-Unies qui traitent déjà du dossier. Dossier pour lequel le projet marocain d’autonomie élargie au Sahara Occidental semble  une «meilleure solution» à ce «conflit artificiel».  Son Excellence Bouazza nous apprend aussi que le Maroc va également ouvrir au Burkina une usine de fertilisants, comme au Nigéria ou en Ethiopie et que le giga projet de gazoduc Maroc-Nigéria via les autres  pays ouest-africains devrait à terme permettre à l’Afrique d’exporter de l’énergie vers l’Europe. Entretien exclusif.

Farhat Bouazza, ambassadeur du Maroc au Burkina
Farhat Bouazza, ambassadeur du Maroc au Burkina

Burkina Demain : Le Maroc est redevenu depuis lundi 30 janvier dernier membre de l’Union africaine (UA), à la faveur du 28e sommet de l’organisation. Et ce 31 janvier à la tribune de l’UA, Sa Majesté, le Roi Mohammed VI a exprimé toute sa joie et celle du royaume de retrouver la famille africaine.Pourquoi ce retour au sein de l’UA était si important pour le Maroc ?

Ambassadeur Farhat Bouazza : Beaucoup de changements sont intervenus dans le monde et sur notre continent. Les raisons qui avaient poussé le Maroc à sortir en 1984 ont fait que nous avons été  éloignés de la famille africaine pendant si longtemps. Mais, on peut dire également que le fait de sortir de la famille institutionnelle africaine n’a pas empêché le Maroc, au contraire,  de se rapprocher davantage au niveau bilatéral de la quasi-totalité des pays du continent. Le Maroc aujourd’hui dispose d’une trentaine d’ambassades en Afrique. Le Maroc, comme l’a souligné sa Majesté dans son discours, a signé depuis 1999 plus de 1 000 accords et conventions au cours de 40 visites qu’il a effectuées  dans 25 pays, ce qui fait que le Maroc a beaucoup renforcé ses relations bilatérales avec les pays du continent.

Burkina Demain : Les pays africains par l’entremise de leurs chefs d’Etat présents au 28e sommet ont approuvé massivement cette réintégration du Maroc au sein de l’UA. Qu’est-ce qui explique cet engouement de la part des pays africains ?

Farhat Bouazza :Pour la simple raison que c’est le seul pays du continent qui n’en faisait pas partie. Et on peut dire aujourd’hui que le Maroc a beaucoup apporté au continent. D’ailleurs, les entreprises marocaines sont présentes dans 30 pays en Afrique. Le Maroc participe à la formation de quelques 35 000 étudiants sub-sahariens. Sur le plan social, le Maroc a régularisé un nombre incalculable de ressortissants qui étaient en situation irrégulière. Ce qui fait que c’est important pour nous et c’est important pour l’Afrique, c’est-à-dire ce que nous apportons à l’Afrique et ce que l’Afrique nous apporte. Comme l’a si bien dit Sa Majesté, nous sommes revenus chez nous, à la maison.

Burkina Demain : A vous entendre, l’Afrique a beaucoup profité de cette absence-présence du Maroc à l’Union africaine. Mais, est-ce qu’il n’y a pas le risque avec ce retour dans la famille africaine que le Maroc se désintéresse un peu de l’Afrique ?

Farhat Bouazza : Pas du tout. Ce que nous faisons au niveau bilatéral est très important et nous continuerons à le faire. Mais, on va s’inscrire aussi dans la démarche institutionnelle de l’Union africaine. Il y a beaucoup de domaines où le Maroc peut apporter un plus.  Il y a le savoir-faire marocain dans un certain nombre de domaines. Le côté multilatéral n’empêchera en rien la poursuite du renforcement des relations bilatérales. Au contraire, c’est un plus qu’on va faire ensemble.

Burkina Demain : Justement, pour l’avenir, qu’est-ce qui va être fait concrètement dans les différents domaines de coopération avec les pays africains?

Farhat Bouazza :Pour l’avenir, quand nous sommes seuls à agir c’est-à-dire seuls à agir avec un pays tiers, c’est le  niveau de coopération bilatérale. La collaboration, le partenariat est établi entre deux partenaires égaux. Quand nous sommes dans une structure, une institution comme l’Union africaine, c’est le niveau multilatéral. A ce niveau, le Maroc peut jouer un rôle et ce rôle peut être important mais il n’est pas seul. Nous avons une vision commune, nous avons des actions communes, nous avons des fonds communs. Comme on dit, seul, on peut aller vite, ensemble on peut aller loin.

Burkina Demain : L’autre question que posait cette réintégration du Maroc à l’UA, c’est le Sahara Occidental. Sa Majesté n’en a pas fait cas ouvertement lors de son intervention. Est-ce pour le Maroc, cette question de la présence du Sahara occidental au sein de l’Union africaine est définitivement close ?

Farhat Bouazza : La question du Sahara Occidental  était à l’origine de la sortie du Maroc de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) qu’il a contribuée grandement à fonder. Le Maroc était parmi les pays fondateurs, il a été  même celui qui était l’initiateur de l’idée de rassembler les Etats du continent. Ceci dit, la question est aujourd’hui traitée au niveau des Nations-Unies. La traiter au niveau de l’Union africaine, consisterait à juste  retarder l’avancée du continent, à retarder l’avancée de l’Union africaine dans un certain nombre de domaines. Nous devons faire confiance aux Nations-Unies qui sont en train de traiter la question. Et le Maroc sur cette question-là, a un projet d’autonomie élargie pour le Sahara occidental que nous avons présenté et qui nous semble la meilleure solution à ce conflit que nous considérons comme artificiel.

Burkina Demain : Comment avez-vous apprécié dans l’ensemble l’intervention de Sa Majesté Mohammed VI à la tribune de l’Union africaine ?

Farhat Bouazza : C’était un discours vraiment complet. Il  a d’abord expliqué ce que le retour à l’Union africaine signifiait pour nous et pour sa Majesté. La deuxième chose dont il  a parlé, c’est ce que le Maroc a fait en matière de contribution à la paix et à la sécurité. Sa Majesté a dit que le retour du Maroc ne visait nullement à diviser l’Union africaine  mais plus à renforcer sa cohésion. Il a parlé également de ses visites, des projets. Nous avons par exemple des projets économiques extraordinairement structurants. Quand il a parlé de création d’unités de fertilisants au Nigéria et en Ethiopie, la même chose va également se faire au Burkina Faso. Un accord va être entre l’OCP et les autorités burkinabè pour la construction d’une unité de fertilisants. Il y a le grand projet de gazoduc entre le Maroc et le Nigéria qui va passer par l’ensemble des pays de l’Afrique qui vont tous profiter de cette manne gazière. Cela va vraiment profiterà l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, au Nigéria, au Maroc et nous pouvons, quand je dis ‘’nous’’, c’est l’Afrique, exporter de l’énergie vers le continent européen.

Entretien réalisé par Grégoire B. Bazié

Burkina Demain

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.