Les évêques du Congo

L’église catholique ne dissimule plus ses visées politiciennes. Dans un message publié le 10 mai dernier à Brazzaville, les évêques de l’Eglise catholique romaine du Congo, réunis en session extraordinaire du 8 au 9 mai, se disent inquiets de la situation socio-économique du pays et trouvent la Constitution du 25 octobre 2015 comme «origine du mal congolais». Ils suggèrent l’organisation d’un dialogue politique pour aboutir à un «modèle politique et institutionnel consensuel». L’Église catholique, un parti politique ?

Les évêques du Congo

A l’église catholique, le schéma politique est resté ancien, conservateur. Ce schéma est basé sur le Nord et le Sud politiques des premières heures de l’indépendance nationale. On entend souvent dire dans certains quartiers de Brazzaville que les 2/3 de la population congolaise habitent le sud et sont les Kongo. Malheureusement, selon ce que l’on dit dans ces quartiers, ils sont dirigés par un chef de l’Etat sortant d’une minorité, Mbochi, venant du Nord. A l’église catholique, c’est le contraire : l’église est dirigée par une minorité Kongo. Les 2/3 de ses fidèles viennent du Nord. Sur les 9 évêques de la Conférence épiscopale du Congo, 2 sont du Nord, 4 du Sud et 3  blancs qui apparaissent comme des observateurs dans le combat politique que se livrent en sourdine le Nord et le Sud. Cette guerre en sous-jacente fait que depuis la mort brutale du cardinal Emile Biayenda, le Congo n’a pas de cardinal.

Les évêques s’accusent mutuellement. Les natifs du Nord sont accusés à tort ou à raison de proches du pouvoir par leurs confrères du Sud, accusés d’être des opposants. Dans la prise de décision ou quand il s’agit des déclarations, la majorité faisant la loi, les évêques du Nord sont souvent écrasés et ne triomphent que les idées des évêques du Sud.

En demandant d’« ouvrir un  dialogue plus large en  vue de discuter du modèle politique et institutionnel  que nous voulons de notre pays, … », l’épiscopat congolais vient d’avouer sa sorcellerie. Il est à classer dans le lot des partis de l’opposition radicale ayant boycotté le référendum constitutionnel de 2015. Pour avoir reconnu la place des notabilités traditionnelles dans la gestion de l’Etat congolais, la Constitution du 25 octobre 2015 est plus proche du peuple. Elle a répondu enfin aux aspirations du peuple, réclamées depuis la deuxième conférence nationale tenue en 1991 et toujours oubliées par les rédacteurs de la Constitution de 1992, de l’Acte fondamental de 1997 et de la constitution de 2002. Est-ce parce que la constitution de 2015 est inadaptée que les évêques de l’église catholiques n’arrivent à relever les défis de leurs églises ?

L’église catholique congolaise et les dons de l’Etat

Les observateurs avertis de la vie politico-religieuse congolaise estiment que l’église catholique a mis la veste politique sur la soutane. Peut-on penser que les évêques du Congo sont désormais lassés de recevoir des dons de l’Etat congolais, dont la source principale de financement a pour nom, le pétrole ?

A travers leur dernière déclaration, les évêques affichent leur ingratitude face à l’Etat. En effet, l’église catholique s’interroge : « Comment comprendre, en effet, qu’après des années de fastes de boom pétrolier, le Congo soit en récession économique ?» Bonne question ! Sauf qu’une autre bonne question peut être retournée aux évêques congolais : « Comment comprendre que l’argent du contribuable congolais est toujours donné à une institution privée, qu’est l’Eglise catholique romaine ?».

Cette question vaut d’autant plus la peine d’être posée parce que l’Etat congolais représenté au très haut sommet fait des dons aux Eglises. Rarement, on entend les Kimbanguistes, la Salutistes, les Orthodoxes, ou les mouvements de Réveil. Par contre, l’Eglise catholique, parce qu’elle participe activement avec les gouvernants au gaspillage du pays. Trois illustrations suffisent pour le comprendre.

A Brazzaville : La paroisse Saint-Paul de Madibou dans le 8ème arrondissement de Brazzaville a bénéficié de l’investissement du chef de l’Etat pour achever ses travaux de construction. Les deux cloches du clocher de la Basilique Sainte-Anne de Brazzaville sont mâle et femelle et portent, gravés sur elles, les noms de leurs donateurs. Le mâle a pour nom Denis Sassou-N’Guesso et la femelle, Antoinette Sassou Nguesso.

Les deux exemples de Brazzaville ne suffisent pas à convaincre les catholiques sceptiques, la paroisse étant devenue une source de revenus pour son curé et non pour toute l’Eglise. Les fidèles ingrats diront que les curés des paroisses Saint-Anne de Poto-poto et Saint-Michel de Madibou sont les seuls bénéficiaires des dons du chef de l’Etat. Mais, ils ne doivent pas oublier l’université privée catholique de Liambou, près de Pointe-Noire. Cette université catholique n’est quand même pas publique, est privée. Si l’Etat n’a pas contribué financièrement aux travaux de construction de cette université, le chef de l’Etat ne serait parti poser la première pierre. Son financement vient des sociétés pétrolières, dont la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC), société publique.

Seulement voilà, le 3 septembre 2017, la société civile, à laquelle appartient l’Eglise catholique, exige dans une lettre déposée dans les locaux du FMI à Brazzaville, la dissolution de la SNPC et la délégation générale aux grands travaux. Ces deux entités qui, selon cette société, favorisent l’alourdissement de la dette congolaise.

Une Eglise au pouvoir qui joue au malin prenant le peuple est naïf, car les dons qu’elle reçoit du pouvoir, constituent la part du revenu national. L’Etat n’arrive plus à payer ses fonctionnaires, car son argent prend beaucoup de destinations parmi lesquelles l’église catholique. Est-ce pour entretenir un parti politique bouillant ? Il faut considérer l’Eglise catholique romaine congolaise comme un parti politique de l’Opposition. Dans quelle déclaration les évêques feront-ils et l’évaluation et le point sur ce qu’ils ont déjà reçu de l’Etat ?

Sur quoi réfléchir

L’épiscopat congolais a vraiment du travail. Il devrait s’inquiéter de la perte de vitesse actuelle de l’église catholique. Il assiste dans le pays à la montée du protestantisme, du mouvement de Réveil et même de l’Islam. L’église semble manquer de leader capable de faire l’unité des évêques et imposer son leadership à toute la communauté catholique en cassant la « haine paisible » de ses prêtres. Faire revenir les brebis égarées vers leur pasteur serait le premier défi.

Comment ne pas dire que l’église catholique romaine du Congo est un parti de l’Opposition ? Quant à la veille des plaidoiries d’un procès que certains qualifie de politique et d’autres de droit commun, ses pasteurs tiennent une réunion extraordinaire aux conclusions hautement politiques. Un jeu hasardeux des évêques du Congo.

Wilfrid LAWILLA/ Brazzaville

Burkina Demain

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