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Le Burkina Faso a officiellement lancé son système des Trésors Humains Vivants. C’est une recommandation de l’UNESCO visant à identifier les hommes et femmes représentatifs de la culture nationale dans les domaines de la maitrise et de la transmission des savoirs et savoir-faire des communautés ethnoculturelles. Ils seront des remparts contre le rouleau compresseur de la mondialisation qui broie les identités locales. C’est le président du Conseil National de la Transition, Moumina Shérif SY, qui a présidé la cérémonie de lancement, en compagnie d’autorités coutumières, religieuses et administratives, ce 21 juillet 2015 à Ouagadougou.

Le patrimoine immatériel que l’on sait fragile, fugace, est en péril. Il l’est davantage dans les pays au sud du Sahara. Les langues et autres cultures endogènes ne résistent pas au rouleau compresseur de la mondialisation. Selon le Pr. Albert Ouédraogo, plus des 50% des 6000 langues du monde sont en danger de disparition. 96% des 6000 langues du monde sont parlées par 4% de la population mondiale. Une langue disparait en moyenne toute les deux semaines.
Le Burkina Faso n’est pas à l’abri. Certaines langues comme le Silanka, le Bwamu sont menacées de disparition. D’autres comme le Nionioré, le Ninssi, la langue des Yarcés ont déjà disparues. De l’avis du ministre de la culture et du tourisme, « insidieusement, nos savoirs locaux, nos compétences et nos savoir-faire traditionnels s’effritent de jour en jour, érodant du même coup notre mémoire collective déjà fragilisée ».
Cela arrive le plus souvent, parce que des bibliothèques brulent sans avoir eu le temps de transmettre ce qu’elles regorgeaient comme richesse. « Il est de notre devoir de faire en sorte que nos anciens, « ces détenteurs de techniques et connaissances endogènes ne connaissaient point la mort spirituelle », a poursuivi Jean Claude Dioma.
C’est pour arrêter le péril des cultures que l’UNESCO a mis sur pieds en 1998, la proclamation chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité. Depuis 2004, le Burkina a entrepris de faire suite à la recommandation de l’UNESCO demandant aux Etats de créer des systèmes nationaux des Trésors Humains vivants (THV).
« Les THV sont des personnes ou des groupes de personnes détenant des savoirs ou des savoir-faire et qui incarnent, au plus haut point, les compétences et techniques nécessaires à la mise en œuvre de certains aspects de la vie culturelle des populations du Burkina Faso et à la pérennité de leur patrimoine culturel immatériel ».
Des THV, pour éviter des médailles à titre posthume
Le Burkina est donc invité, à travers ce programme THV, à faire l’inventaire de son patrimoine et distinguer les personnes ou les groupes de personnes en tant qu’icone de certaines pratiques et certains savoir-faire endogènes. A en croire le Pr. Albert Ouédraogo, ce sera une marque de reconnaissance et le Burkina « rompra avec une tradition qui consiste à ne reconnaitre que les mérites des défunts et à leur donner des médailles à titre posthume ».
En plus, la désignation des THV pour un pays comme le Burkina, constitue un acte de résistance culturel face à la mondialisation, a dit l’homme de lettres.
Son avis a été partagé par le président du Conseil national de transition. « Avant de subir l’impérialisme occidental, avant d’être pris au piège des pseudos valeurs modernes qui le dépersonnalisent, l’africain était détenteur de sciences, de technologies et de techniques qui lui ont permis de mériter la convoitise dont sa culture a été l’objet à travers la colonisation ».
Moumina Shérif SY a ainsi pris l’exemple du peuple dogon dans les falaises de Bandiagara. Ce peuple, a dit le président du CNT, n’a ni télescope, ni ordinateur astronomique et pourtant son savoir-faire contient des connaissances sur l’astronomie.

Un processus de désignation appelé à être objectif
Le président du comité de pilotage du système des THV, le ministre Jean-Claude Dioma a rassuré de la bonne conduite et du succès du processus. Son département et toutes les parties prenantes s’investiront pour cela. Le comité de pilotage qui a la charge de retrouver et de proclamer comme Trésors Humains vivants les détenteurs de savoirs et savoir-faire, doit faire l’objet d’une étude « systématique en vue de les formaliser et d’assurer leur transmission à de jeunes disciples… ».
Le Pr Albert Ouédraogo a souhaité que le processus de désignation soit objectif et conduit de façon impartiale de manière à ce que les populations se reconnaissent et s’identifient dans les étoiles culturelles qui seront promues.
Quant au président du CNT, il a apprécié l’initiative et marqué l’engagement de l’institution qu’il dirige à accompagner le système.
A travers le monde, 213 personnes ont été élevées au rang de THV. Le Burkina Faso attend, après ce lancement national, ses premiers Trésors Humains vivants.

Tiga Cheick Sawadogo
Photos : Lawasselea Bonaventure Paré
Lefaso.net

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