Les dirigeants actuels du CDP

Après les jours tourmentés que vient de connaître notre pays, nos partis jugent nécessaire de faire connaître à l’opinion nationale et internationale leur point de vue sur les derniers développements de la crise qui secoue le Burkina Faso et sur les voies d’y remédier, durablement.

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Tout d’abord, nous tenons à réaffirmer solennellement que nos partis n’ont été, ni commanditaires, ni acteurs, ni pourvoyeurs de ressources du coup d’état du 16 septembre dernier. Pas plus que leurs dirigeants pris individuellement. Comme tous les burkinabè et les observateurs étrangers, nous avons constaté le fait accompli de cette opération à travers les communiqués qui ont été diffusés par les auteurs du putsch. A cette occasion, nous avons simplement noté que l’une des causes avancées par le défunt Conseil National pour la Démocratie (CND ), pour justifier son action était sa volonté de mettre fin à la politique d’exclusion, conduite de façon systématique par les organes de la transition, en dépit d’une large réprobation exprimée aussi bien dans le pays que sur le plan international. Victimes de l’exclusion, nous serions hypocrites de dire que cette question nous était indifférente. Pour autant, nous n’avons jamais pris part, ni à la préparation, ni à l’exécution du coup d’état. Nos partis, comme leurs dirigeants, sont prêts à répondre devant quelque instance, de toute accusation qui pourrait être portée contre eux à ce sujet. Nous nous refusons à toute fuite pour échapper à cette éventualité.

Comme tout justiciable burkinabè, nous demandons simplement que les poursuites qui viendraient à être engagées contre nos formations et leurs membres soient conduites dans le strict respect des règles de procédure et de droit applicables en la matière, suivant la législation en vigueur dans notre pays.

La mesure spectaculaire du gel des avoirs qui a été prise à l’encontre de certains de nos partis et de leurs dirigeants n’obéit pas à ce principe. Elle a été prononcée sans que aucun d’entre nous ait été entendu par un juge d’instruction pour connaître les faits qui lui sont reprochés, à titre individuel, qui pourraient être de nature à justifier une saisie préventive de ses biens. De toute évidence, cette mesure relève plus d’une sanction, prononcée avant jugement, que d’une décision destinée à garantir le bon déroulement d’une instruction judiciaire. De surcroît, jusqu’à ce jour, cette décision n’a été formellement et personnellement notifiée à aucune des personnes physiques ou morales concernées. Elle a été largement publiée sur les réseaux sociaux et dans certains organes de presse, sans aucun égard, ni pour le principe du secret de l’instruction, ni pour le préjudice qu’une telle publicité infamante pouvait causer aux personnes visées.
Nous avons donc de bonnes raisons d’être circonspects sur la régularité des procédures qui seront suivies dans cette affaire, en dépit des recommandations issues des Journées de la justice au Burkina, qui devaient marquer la consolidation de l’indépendance, de l’impartialité et du professionnalisme de l’appareil judiciaire de notre pays. Qu’importe, forts de la conviction de notre innocence face aux accusations plus ou moins ouvertes qui sont proférées à notre encontre par certains officiels du régime de la transition, nous sommes prêts à faire face à la justice de notre pays, dans les conditions où elle s’exercera. Nous voulons croire que tous les juges ne sont pas animés par un dessein de règlement de comptes politiques.
Mais plus que nos sorts individuels, ce qui est important aujourd’hui c’est le destin du Burkina, sa stabilité et sa cohésion, qui sont conditionnés par les prochaines élections. Au delà de tout calcul partisan, notre ambition commune, comme citoyens burkinabè, est que ces élections ouvrent une nouvelle page pour la démocratie et pour le développement de notre pays.

La question qui se pose n’est pas de savoir si le régime du Président Blaise Compaoré va ou peut revenir au pouvoir au Burkina. Le Président Compaoré a démissionné le 31 Octobre 2014. Le paysage politique de notre pays a été définitivement bouleversé par l’insurrection d’octobre 2014 et nul retour en arrière n’est possible. La question de la modification de l’article 37 de la Constitution est aussi définitivement réglée. Tôt ou tard, à la faveur de la prochaine révision constitutionnelle, le régime de limitation des mandats présidentiels sera rendu intangible. Dans l’intervalle, il ne viendrait à l’idée de personne de remettre ce sujet sur le tapis. Faut-il alors poursuivre l’acharnement, en pourchassant et en bannissant de la vie politique ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont été associés à ce projet, en soutenant ce qui n’est ni plus ni moins qu’une opinion politique ? Alors même que notre Constitution garantit à chaque citoyen la liberté de ses opinions politiques ? Si tel est le fondement de l’exclusion, que dire de ceux qui, les premiers, ont ouvert le processus de la révision de l’article 37, en défendant cette réforme avec un zèle et une véhémence qui n’ont jamais été égalés, allant même jusqu’à proclamer que le principe de la limitation des mandats présidentiels était anti démocratique ! Ceux à qui il est reproché aujourd’hui d’avoir soutenu cette réforme n’ont jamais poussé leur argumentation jusqu’à une telle outrance.

Si le but réel des adeptes de l’exclusion est d’éradiquer ce qui pourrait subsister du régime de Blaise Compaoré (à supposer qu’un tel objectif soit légitime), qui sur la scène politique burkinabè aujourd’hui incarne le plus ce système : les dirigeants actuels du CDP, ou ceux qui 25 années durant ont accumulé pouvoir, fortune et privilèges, en exerçant une main mise sans partage sur l’appareil et le patrimoine de l’Etat ?
Ces questions purement rhétoriques montrent que l’on essaie de vous tromper. L’exclusion n’est pas faite pour sanctionner des hommes ou femmes politiques qui auraient commis une erreur de jugement condamnable. Elle sert de prétexte à un groupe politique hétéroclite pour s’accaparer du pouvoir, en écartant ses adversaires par des subterfuges, avant même les élections, ce qui revient à usurper le suffrage du peuple burkinabè par la duperie.

Les adeptes de l’exclusion n’ont de cesse de clamer qu’ils expriment les aspirations du peuple burkinabè. S’il en est ainsi, pourquoi ne laissent-ils pas au peuple burkinabè le soin de choisir lui-même qui il élit et qui il n’élit pas ? La nouvelle démocratie qu’ils prétendent inaugurer, avec arrogance, sera-t-elle une démocratie dans laquelle certains pourront s’arroger le droit de faire leur propre présélection, arbitraire, sur les choix qui seront soumis au peuple ? Ce qu’ils veulent instaurer n’est ni plus, ni moins, que la formule aberrante d’une démocratie censitaire par le haut : à défaut de sélectionner les électeurs, sélectionnons les responsables politiques, les partis et les candidats.

Voici, chers compatriotes, la raison pour laquelle nous combattons l’exclusion. Pour défendre la démocratie contre l’obscurantisme, la démagogie et la tricherie. Ce qui nous importe ce n’est pas que tel ou tel d’entre nous soit déclaré éligible ou inéligible. Le véritable enjeu, c’est de fonder la démocratie burkinabè sur des bases saines. De telle sorte qu’à l’issue des élections, nous puissions, nous tous citoyens burkinabè, nous féliciter mutuellement d’avoir terminé cette transition difficile par un vote honnête, dans lequel nous nous reconnaîtrons tous, quel qu’en soit le résultat.
Pour qu’il en soit ainsi, nous devons instaurer ce qui a fait le plus cruellement défaut à ce processus de transition : le dialogue. Est-il concevable que depuis le début de la transition il n’y ait jamais eu de dialogue entre les membres de la classe politique burkinabè, en dehors des anathèmes et des invectives échangés par presse et réseaux sociaux interposés ? Nous reconnaissons notre part de responsabilité dans cet état de fait. Nous n’avons pas pris cette initiative, parce que tout a été organisé au long de la transition pour nous marginaliser, nous affaiblir. Mais sans doute aurions-nous pu être plus proactifs dans cette démarche de dialogue.
La feuille de route adoptée par le sommet extraordinaire de la CEDEAO, au sujet de la crise burkinabè préconise un dialogue inclusif entre toutes les parties prenantes de notre pays et notamment la classe politique. Nous sommes ouverts à ce dialogue, parce que nous pensons qu’après les épreuves tragiques que nous avons traversées et les risques qu’elles ont fait peser sur la cohésion nationale, il est nécessaire que nous prenions le temps de nous asseoir, de taire nos rancœurs et de nous parler, pour chercher les compromis dynamiques qui nous permettront d’avancer ensemble, de façon lucide, dans la voie d’un Burkina plus démocratique et plus fraternel.

Pour avortée qu’elle soit, la tentative de coup d’état du CND ne devrait pas être regardée comme un épiphénomène dans le cours de la transition. Elle est l’expression d’un profond malaise face à la partialité outrancière qu’ont montré les organes de la transition, à la fois sur les questions politiques et sur celles qui concernent la gestion de l’armée et singulièrement du RSP.
Nous avons pris note des déclarations du Gouvernement expliquant que le pilonnage massif à armes lourdes, des heures durant, de la caserne du RSP, n’a occasionné aucune perte en vie humaine. S’il a été possible que notre pays échappe au traumatisme de voir un conflit meurtrier et fratricide entre nos forces de défense et de sécurité, nous ne pouvons qu’en tirer un vif soulagement. En attendant d’être plus amplement informés, par des sources indépendantes, sur les circonstances et le bilan de cette opération.

Disant cela, nous ne jetons aucun discrédit sur notre armée nationale, dans toutes ses composantes. Nous souhaitons que , grâce à la clairvoyance que ses chefs ont su montrer jusqu’à présent, elle conserve son unité, sa cohésion et son professionnalisme, pour demeurer le rempart de la Nation contre les menaces extérieures et , notamment, les risques terroristes qui ne sont pas loin de nos frontières. Dans un Etat qui donne de nombreux signes de déliquescence, elle est l’une des dernières institutions solides, neutres, au seul service de la Nation.
C’est le lieu pour nous de saluer respectueusement Sa Majesté le Mogho Naaba Baongo, pour le rôle de pacificateur qu’il a joué dans la gestion du conflit militaire, qui constituait également l’un des aspects de la crise politique.

Conformément au vœu ardent, empreint d’un esprit de grande sagesse, qu’il a exprimé au lendemain de cette crise, nous avons espéré, comme beaucoup de nos compatriotes, que les autorités de la transition sauraient tirer leçon de cette tragédie pour redresser les erreurs du passé et amorcer une politique de réconciliation des burkinabè, en préparant des élections équitables, démocratiques et inclusives.
Tout au contraire, nous assistons à la mise en branle systématique d’un arsenal répressif destiné à intimider nos sympathisants et à saper les fondements de nos formations politiques à l’approche des élections.

Les choix qui se présentent à notre pays, à la veille de ces scrutins décisifs, sont finalement simples et clairs. D’un côté le dialogue, l’inclusion, la réconciliation. De l’autre, l’exclusion, le harcèlement, la répression aveugle et la fracture de la cohésion nationale. Le choix entre ces deux options ne dépend pas que des dirigeants de la transition, il dépend aussi de nous tous, citoyens burkinabè, quel que soit notre bord politique. Nous devons leur faire comprendre que nous avons une claire conscience de ce qui se trame et que nous aspirons à un Burkina pacifié, uni, tolérant, respectueux de la légalité et véritablement démocratique.

Ouagadougou, le 3 octobre 2015
PARTIS SIGNATAIRES
Le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP)
Les partis du Protocole d’Accord Politique (PAP, regroupement de 7 partis politiques)

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