Le Syndicat autonome du personnel de l’administration parlementaire (SYNAPAP) a publié une déclaration dans laquelle il exige, entre autres, un audit du Conseil national de la transition (CNT). Lisez plutôt!
Depuis l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, une transition politique s’est ouverte dans notre pays et a donné lieu à la mise en place d’institutions démocratiques. Fondée essentiellement sur la Charte du 27 novembre 2014 et sur la Constitution du 11 juin 1991, cette transition devait, principalement, conduire le pays vers des élections démocratiques tout en moralisant la vie politique, économique et sociale.
C’est dans ce contexte qu’a été mis en place le Conseil national de la transition (CNT), comme organe législatif, en remplacement de l’Assemblée nationale désavouée.
Le rappel de cette parenthèse importante de l’histoire de notre peuple s’avère important pour le Syndicat autonome du personnel de l’administration parlementaire (SYNAPAP). C’est dans ce contexte national que les quatre-vingt-dix (90) députés du CNT furent désignés pour « voter la loi, consentir l’impôt et contrôler l’action gouvernementale ».
Dès les premiers instants de la Transition, le SYNAPAP s’est investi, dans un esprit patriotique, à mobiliser les travailleurs du Parlement en vue d’accompagner les nouveaux députés pour une œuvre législative de qualité. Ainsi, durant les treize (13) mois de transition, de laborieux agents du CNT ont accompagné les autorités du CNT ainsi que l’ensemble des députés d’une part, en les initiant au travail parlementaire et d’autre part en les conseillant en vue d’éviter tous obstacles de nature à entraver leur mission.
Toutefois, les autorités du CNT ont paradoxalement opposé à la bonne foi et au sens élevé du patriotisme des agents, un mépris sans précédent quant au respect des droits les plus élémentaires des travailleurs.
Le SYNAPAP prend l’opinion nationale et internationale à témoin quand à la dégradation sous l’ère CNT des droits du personnel parlementaire et un profond recul de l’effort de construire une véritable Fonction publique parlementaire. Ainsi, par la présente déclaration, il entend dénoncer le mépris affiché par les autorités du CNT face aux préoccupations du personnel ainsi que des vagues de recrutements faits par ces autorités que le SYNAPAP qualifie d’irrégulières.
• Des vagues de recrutements irréguliers
En rappel, le CNT est une institution publique de l’Etat dotée d’une Fonction publique à l’instar du gouvernement et des collectivités territoriales. Ces trois fonctions publiques obéissent, dans leur fonctionnement, à des règles de recrutement fondées sur l’égalité d’accès aux emplois publics en vue de promouvoir la méritocratie.
C’est justement cette vision qui est consacrée à l’article 11 de la Résolution n°2011 qui dispose sans ambiguïté que : « L’accès aux emplois de la Fonction publique parlementaire est ouvert à égalité de droit, sans distinction aucune, à tous les Burkinabè remplissant les conditions requises pour chaque emploi postulé».
Or, pendant les treize mois de transition, les autorités du CNT ont procédé à des vagues de recrutements en violation totale des règles en la matière. En effet, l’article 14 de la Résolution précitée précise que :« L’accès à la Fonction publique parlementaire se fait sur concours ou sur test. L’admission sur titre est exceptionnelle. » Et l’alinéa 3 d’ajouter que : « Il ne peut être dérogé au principe de recrutement par concours que de façon exceptionnelle et en application des textes en vigueur »
Au regard de ces dispositions, le SYNANAP émet des inquiétudes légitimes sur le recrutement de la trentaine d’agents publics, par le CNT, qui n’a respecté aucune des dispositions prévues à cet effet.
Du reste, ses inquiétudes sont d’avantage justifiées car il y a là le risque d’ériger des précédents dangereux en règles de recrutement préjudiciables à l’intégrité des agents et de l’institution parlementaire dans son ensemble.
L’admission sur titre qui est l’exception ne saurait être la règle compte tenu du nombre d’agents recrutés par le CNT. Pire, ces agents sont irrégulièrement recrutés et sont nommés à des emplois sans respect des principes du stage probatoire ni de leurs obligations vis-à-vis du service national pour le développement (SND).
Comment un Parlement, né sur les cendres chaudes de l’injustice du régime déchu et sensé consacrer de bonnes pratiques, peut-il astreindre toute une nation aux lois dites emblématiques qu’il adopte tout en se dérobant lui-même à leur application notamment en matière de recrutement ? Cette situation est inacceptable au regard de l’esprit qui a prévalu lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Pour le SYNAPAP, les autorités du CNT auraient pu procéder à la publication des emplois à pourvoir et ouvrir une compétition à travers des concours afin de recruter les candidats les plus méritants.
Le CNT a recruté en un an, et sans concours ni test, plus qu’une législature de cinq ans et ce, depuis 1992. Le SYNAPAP est d’autant plus surpris de ce comportement paradoxal des autorités du CNT qui, dès leur arrivée avaient jugé pléthorique l’effectif des agents publics du Parlement. De plus, l’administration parlementaire compte tenu de son étroitesse et donc d’une perspective de carrière réduite, méritait que les autorités « révolutionnaires » du CNT valorisent ses compétences internes.
• Du mépris sans précédent des droits les plus élémentaires des agents publics du CNT
Pendant ce qui est convenu d’appeler désormais l’ère CNT, les agents ont vu leurs droits élémentaires foulés au sol sans coût férir. Au nombre de ces droits, il y a le droit au congé administratif, à la formation et la nécessité de relire la Résolution qui régit le statut du personnel parlementaire.
Concernant le droit au congé administratif des agents. Les autorités du CNT ont opposé un niet catégorique à ce que le personnel puisse jouir de son congé au titre de l’année 2015. En effet, elles avancent comme raison « les exigences de la session unique parlementaire » et ont obligé tous les agents à travailler douze (12) mois plein sans congé.
Le SYNAPAP pense que si la session unique parlementaire était pressentie être plus laborieuse pour les travailleurs compte tenu des contraintes particulières auxquelles ceux-ci feront face en cette période, il appartenait à l’administration d’établir un calendrier clair de jouissance du droit au congé des agents en tenant compte des nécessités de service.
Il n’appartient pas aux autorités du CNT, de prendre la décision de refuser arbitrairement et unilatéralement un droit constitutionnellement reconnu aux travailleurs.
De plus, la Résolution n°2011-02/AN/BAN/PRES du 22 juin 2011 portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents de la Fonction publique parlementaire se veut on ne peut plus claire en ses articles 44 et 45 qui respectivement disposent que : « Les agents de la Fonction publique parlementaire ont droit à un congé administratif de trente jours consécutifs avec traitement ou salaire, pour onze mois de services accomplis. » « Le congé administratif est obligatoire pour l’agent de la Fonction publique parlementaire. Il constitue un droit qu’aucune sanction encourue par l’agent ne peut remettre en cause ».
A l’évidence, les autorités du CNT se sont illégalement refugiées derrière des arguments funestes d’« exigences de la session unique parlementaire » pour royalement et méprisamment violer le droit au congé administratif des travailleurs au titre de 2015.
En outre, la situation de transition dans laquelle se trouve notre pays ne saurait être un motif pour refuser le congé aux seuls agents de l’administration parlementaire.
S’agissant du droit des agents à la formation, le SYNAPAP tient d’emblée à rappeler les principes en la matière. En effet, la formation des agents publics en cours d’activité est prévue pour permettre à l’administration de recycler, spécialiser ou perfectionner ses agents en vue de relever les défis qui se présenteraient à elle.
C’est dans cette optique que l’article 43 de la Résolution précitée dispose que : « Les agents de la Fonction publique parlementaire bénéficient de promotions dans les conditions précisées par le régime juridique spécifique, qui leur est applicable. Ils ont droit, dans les mêmes conditions, à la formation, à la spécialisation et au perfectionnement en cours d’emploi. »
Dans le but de rendre effective la formation des agents du Parlement, un crédit est ouvert chaque année à cet effet. Pour l’exercice 2015, il a été ouvert dans le budget du CNT, un crédit d’un montant de cent millions (100 000 000) francs CFA.
Contre toute attente, et curieusement, jusqu’à nos jours les autorités du CNT n’ont consenti la moindre formation sur cette ligne au profit du personnel malgré l’existence d’un Plan de formation.
Le SYNAPAP s’insurge contre le sabotage de la capacité opérationnelle des agents du Parlement par les autorités du CNT et demande des justificatifs sérieux sur la destination de ce crédit destiné à couvrir la formation du personnel au titre de 2015.
Quant à la nécessité de relire la Résolution n°2011-02/AN/BAN/PRES du 22 juin 2011 portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents de la Fonction publique parlementaire, le SYNAPAP réitère son engagement dans ce sens pour deux (02) principales raisons :
La première est relative à la relecture récente de la loi n°013/98/AN du 28 avril 1998 portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents de la Fonction publique gouvernementale. En effet, cette relecture a consacré de nombreuses innovations et avantages au profit des agents publics.
Or, la Résolution n°2011-02/AN/BAN/PRES du 22 juin 2011 portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents de la Fonction publique parlementaire qui a été fortement inspirée par la loi n°013 mérite d’avantage une relecture ne serait-ce pour prendre en compte les différentes évolutions et avantages consacrés au niveau de la Fonction publique gouvernementale au profit des agents du parlement qui sont des agents publics de l’Etat.
Malheureusement, depuis la relecture de la loi n°013 par le CNT lui même, ses autorités ne se sont guère souciées du sort des agents qui les accompagnent dans leurs tâches quotidiennes. Quand on sait que la nouvelle loi qui consacre le statut général de la Fonction publique d’Etat produira ses effets à partir du 1er janvier 2016, il paraît plus qu’urgent pour les autorités du CNT d’initier cette relecture par la mise en place d’une commission dont les travaux seront entérinés par les autorités parlementaires à venir.
La deuxième raison qui milite en faveur de la relecture de la Résolution n°2011 est la précarité et l’insécurité des emplois de la Fonction publique parlementaire. En effet, compte tenu des soubresauts et contingences sociopolitiques auxquels est confrontée l’institution parlementaire, de façon plus directe, le SYNAPAP estime nécessaire de sécuriser les emplois de la Fonction publique parlementaire par voie législative.
En clair, le régime juridique des emplois et des agents doit être régis par une loi et non par une résolution. Cette dernière est purement interne au Parlement et ne saurait survivre à lui en cas de dissolution par exemple. Cette vision devrait utilement être prise en compte par la commission qui sera mise en place pour la relecture.
De tout ce qui précède, le SYNAPAP :
• exige un audit de la gestion administrative et financière du CNT ;
• exige l’octroi des congés administratifs aux agents au titre de 2015 ou l’autorisation par l’administration de jouir de ce congé en janvier 2016 à défaut, le versement de l’équivalent d’un mois de traitement net pour compenser le refus ;
• exige la mise en place de la commission de relecture de la Résolution n°2011-02/AN/BAN/PRES du 22 juin 2011 portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents de la fonction publique parlementaire afin de sécuriser les emplois des agents publics du Parlement ;
• exige des justificatifs sérieux et pertinents sur le manque de formation du personnel au titre de 2015 malgré la prévision de ressources à cet effet.
Le SYNAPAP appelle ses militantes et militants à rester mobiliser pour la satisfaction complète des préoccupations du personnel du parlement.
« Plus rien ne doit être comme avant », même pour ceux qui estiment qu’ils sont venus corriger les dérives de l’ancien régime.
Ouagadougou le 28 décembre 2015
Pour le SYNAPAP
Le Bureau exécutif
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