Le gouvernement Zida a rendu le tablier ce 28 novembre 2015, après treize mois d’exercice. Des ministres ont conduit avec brio, les missions à eux confiées, tandis que d’autres se sont négativement illustrés.
Les plus malchanceux d’entre eux, rattrapés par leur passé, n’ont pas eu la chance de prendre véritablement service. En effet, les Organisations de la société civile (OSC) se sont vite mobilisées pour dénoncer leur nomination.
Le premier à subir les tirs de barrage des OSC est Moumouni Djiguemdé. Il a démissionné quelques jours seulement après sa nomination, le 8 janvier 2015. Il a été précédé par le ministre de la culture, Adama Sagnon, qui a démissionné le 25 novembre 2014.
Pour rester dans le gouvernement, il fallait avoir des mérites; il fallait avoir été zain toute sa carrière durant; il fallait avoir été aux côtés du peuple tout ce temps.
C’est à priori ces critères que remplissaient les 26 ministres du gouvernement Zida. A l’épreuve du feu, il est apparu que ces hommes n’étaient pas réellement ce que le commun des mortels pensait. Sauf trois qui se sont, à notre sens, bien illustrés.
Joséphine Ouédraogo, première de la classe Zida
Le premier des membres du gouvernement Zida est la ministre en charge de la Justice. Elle aurait pu avoir la note de 9/ 10, si elle était scolaire. Elle, c’est Joséphine Ouédraogo. C’est une femme bien discrète, au caractère bien trempé, avec un grand volume de travail. En 13 mois, elle a réalisé de grands chantiers. Ce que Blaise Compaoré et cie n’ont pu faire en 27 ans d’exercice.
Les dossiers pendants de Norbert Zongo et Thomas Sankara ont connu des avancées comme jamais. Il a été décidé de la réouverture des dossiers, de la désignation de nouveaux juges d’instruction, de la mise à la disposition de juges d’instruction et de moyens conséquents pour la conduite des dossiers. En mai 2015, le tribunal militaire, institué, a ordonné l’exhumation des restes du président Sankara. Près d’une dizaine de personnes ont été inculpées, avec la mise en examen du général Diendéré. Comme si cela ne suffisait pas, un mandat d’arrêt international a été émis contre l’ex-président burkinabé, Blaise Compaoré.
Joséphine Ouédraogo est talonnée par le ministre René Bagoro. Il est jeune, mais brillant. Disponible et brillant, il est apparu, en quelque sorte, comme la caution morale du gouvernement. Il était présent à presque toutes les sorties officielles du chef du gouvernement. Pas seulement, les ministres du gouvernement se l’arrachaient. Il se multipliait sans cesse pour accompagner qui dans une province, qui à l’ouverture d’un colloque, qui pour aller rendre visite au Mogho Naaba, qui d’autres encore au traditionnel point de presse du gouvernement, quand bien même il n’avait pas de dossiers à l’ordre du jour. On comprend dès lors qu’il ait été arrêté, toute suite par les éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) qui craignaient qu’il ne fasse barrage à leur forfaiture. Toutes ces sollicitudes et sa détention forcée ne l’ont point ébranlé. Il est resté lui-même, cool, ouvert et déterminé. C’est ainsi qu’il est parvenu à faire voter, avec brio la loi « Bagoro », pardon le projet de loi portant bail d’habitation privée au Burkina Faso. Une loi qui encadre le bail locatif et le coût du loyer. Désormais, le prix de la maison sera estimé à 7% du coût total variant entre 7 et 8 millions de francs CFA. Il aurait pu avoir 8 / 10. Il est l’un des rares ministres de la transition à qui l’on a rien à reproché et qu’on aimerait encore et encore revoir dans le gouvernement à venir.
Colonel David Kabré, un homme de mission très efficace
A l’image de Bagoro, un homme de tenue, le ministre en charge des sports, le colonel David Kabré. C’est un homme de mission, très efficace; c’est un homme de devoir et de compromis. Il a aussi souvent servi de tampon entre la base et le sommet de l’armée. De même, entre les hiérarchies des différentes composantes des forces armées. Il était au four et au moulin entre le RSP et les autres composantes de l’armée, au lendemain de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. C’est avec le même dynamisme qu’il est parvenu à juguler les crises qui secouaient le monde du cyclisme et du karaté do burkinabè. Pour en arriver là, il a dû multiplier les rencontres de conciliation, avant de passer au besoin par des votes de confiance.
Le colonel David Kabré est aussi un homme d’avenir. Le président élu peut compter sur lui pour la gestion du sport et de l’armée.
Cependant, il en est pas de même pour tous les militaires qui ont pris part au gouvernement de transition. Le premier d’entre eux, Yacouba Isaac Zida a été au centre de toutes les polémiques. Les vrai-faux coups d’état, jusqu’à ce que n’arrive le putsch manqué du 16 septembre 2015. Sorti plus fort que jamais de cette épreuve, il a multiplié les frasques, se faisant bombarder général de division, alors qu’il n’était que lieutenant-colonel. Plus grave encore et difficilement supportable, une rumeur de plus en plus persistante et persiflant argue qu’il a contracté un deal avec les nouvelles autorités du pays qui le nommeraient au poste d’ambassadeur du Burkina Faso aux Etats-Unis. Si cela venait à se réaliser, ce serait une prime à l’impunité. Car l’homme se serait rendu coupable de crimes économiques et de malversations graves. Après analyse des délibérations des conseils des ministres du 03 décembre 2014 au 25 novembre 2015, il apparait, tout sauf erreur, que 24 777 841 742 F CFA ont été débloqués pour des marchés passés par la procédure de gré-à-gré ou par entente directe.
Ce n’est pas tout, un montant de 5 195 202 743 F CFA a été dégagé pour des marchés passés par la procédure exceptionnelle d’appel d’offres restreint et accélérée.
Au total, on a un montant total de 29 973 044 485 F CFA pour des marchés ayant fait appel aux procédures exceptionnelles. C’est incompréhensible, dans la mesure où pour des montants de moins d’un milliards vendangés de gré à gré en 2009, des ministres de l’ancien régime sont poursuivis. Et les plus malchanceux sont déjà écroués à la MACO par ses soins. Pour tous ces faits, il aurait eu pas plus de 1/ 10. D’aucuns pensent même que c’est le mauvais Premier ministre que le pays ait connu depuis l’ère de Kadré Désiré Ouédraogo. En tout cas, il ne vaut pas aussi mieux que Roch Marc Christian Kaboré, Paramanga Ernest Yonly, et Tertius Zongo.
Barry entraîné par Zida ou vice-versa
Le Premier ministre aura entraîné avec lui ou se serait laissé entraîner par un autre militaire, Auguste Dénise Barry, à tort ou à raison, présenté comme son maître à penser. Toujours est-il que ‘homme fut accusé de collusion avec les OSC et de fomenter des coups fourrés pour couler ses vis-à-vis. Son nom était cité en boucle dans le coup avorté de juin qui visait Zida à son retour de Taïwan. Vrai ou faux!
Ce qui est sûr, le président de la Transition, Michel Kafando fut obligé de le renvoyer le 19 juillet 2015 et de scinder son puissant ministère en deux. Cette évolution était du goût des OSC anti-exclusion qui avaient encore donné de la voix, le 30 avril 2015 à Ouagadougou, pour exiger sa démission. A côté de ces OSC, des formations politiques pensent que c’est lui qui fut le chef d’orchestre du nouveau code électoral à caractère exclusif. Lui aussi aurait eu une note pas vraiment reluisante, 3 pour être généreux.
Dans le sillage du premier ministre, une dame, Amina Billa, réputée sa proche. Elle s’est négativement illustrée. Comme par enchantement, elle fut bombardée ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire du Burkina Faso auprès du Royaume du Danemark, alors qu’elle n’est pas diplomate, comme l’a reconnu le chef du gouvernement lui-même. De fait, par ses agissements, son département ministériel a été plongé dans la plus longue et sévère crise qu’il n’a jamais connu. Le SYNAFY a observé un sit-in au sein dudit ministère, depuis le 6 août. Puis, il est revenu à la charge du 7 au 25 septembre pour amener le gouvernement à respecter le protocole d’accord obtenu en 2011. Contre toute attente, ce sont les éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) qui ont assiégé le ministère, faisant usage de gaz lacrymogène.
4/10 pour Moussa Nébié
A en croire le SYNAFI, la répression du vendredi 11 septembre 2015 a occasionné des blessés parmi ses militants dont certains graves ont été évacués d’urgence à l’hôpital Yalgado Ouédraogo.
Amina Billa aurait obtenu également 3/10.
1 point de plus seulement pour le très longtemps ministre délégué, Moussa Nebié, devenu entre-temps ministre des Affaires étrangères. Ses agents sont sortis pour dénoncer des actes et pratiques qu’ils ont qualifiés d’intolérables et scandaleux. Ils ont avancé que le ministère des Affaires étrangères ne serait pas mieux géré sous la transition qu’il ne l’était sous le régime chassé par la rue. « Les mauvaises pratiques, le népotisme, l’affairisme, le favoritisme, le copinage, l’abus de pouvoir et la gabegie n’ont jamais été aussi répugnants, surtout dans un climat où les gens ont une soif immodérée de changement », avait alors estimé Rasmané Congo, le secrétaire général du SAMAE qui a fait une révélation sur le ministre qui se serait rendu coupable de fautes abjectes en complicité avec son secrétaire général. « Jacob Pasgo a été nommé Secrétaire général (SG) en décembre 2014 alors qu’il était consul général à Libreville au Gabon. Il a pris fonction le 09 décembre sans avoir cessé service en tant que consul général. Jusqu’en juillet 2015, Jacob Pasgo continuait de bénéficier de sa rémunération de consul général puisqu’étant largement plus consistant que le salaire de SG. Ce n’est que le 03 juillet 2015, suite aux actions du SAMAE qu’il a été tenu de signer sa cessation de service en tant que consul général et le 15 octobre dernier le ministre des affaires étrangères lui-même a signé un certificat de prise de service au nom de Monsieur Jacob Pasgo indiquant que celui-ci a effectivement pris service en tant que SG le 06 juillet, ce qui est absolument faux. Toute chose qui finit de nous convaincre que le ministre lui-même est complice de cette situation qui a scandalisé tous les agents du ministère », a-t-il expliqué. Curieusement, c’est cet homme qui a été nommé ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire près la Confédération helvétique ; ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, représentant permanent près l’Office des Nations Unies et institutions spécialisées à Genève, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, représentant permanent près l’Organisation mondiale du commerce. Dans quel monde sommes- nous ?
Les espoirs déçus et les no comment
Par ailleurs, il y a des ministres dont les noms suscitaient tant d’admirations que d’espoirs. Mais hélas, ils se sont rendus auteurs de fautes pour le moins pardonnable. Il s’agit du ministre de la Fonction publique, du travail et de la sécurité sociale, Augustin Loada. Certaines de ses nominations ont été décriées, parfois même remises en cause. Ce fut le cas du directeur général de la Fonction publique. De plus, des fraudes ont été enregistrées lors des concours, session 2015. Des personnes ont été jugées et condamnées et des concours ont été annulés. Une grande première dans ce pays vérolé par la corruption. Le ministre Loada, qui a l’habitude de corriger, aurait eu justement la moyenne, 5/10.
Son collègue, Salifou Dembélé, une des plus grandes déceptions, aurait eu certainement moins. Peut-être 4/10. Il ne pouvait pas en être autrement; tant il répétait à tue-tête le jour de la prise de contact gouvernemental et de passation de charge qu’il ne savait pas qu’il deviendrait ministre, un jour. Eh bien, il l’est devenu et n’a pas su saisir la chance à lui tendue par le destin. Il est le seul des ministres à avoir eu le don de nommer des gens et de les défaire un mois après, sans véritables raisons. C’est les cas de la Directrice de l’Orientation pédagogique et des normes de formation. Plus grave encore, il a recouru aux services d’un cabinet de formation aux dépens des cadres et les agents de la Direction générale de la Promotion de l’Emploi pour assurer la formation des formateurs régionaux. Derrière cette manœuvre, l’argent.
Quant aux autres ministres, ils ne méritent pas tout simplement qu’on parle d’eux. Tout simplement parce qu’ils ne voulaient pas qu’on en parle et ils sont allés de la prudence de serpent. Ce sont les cas des ministres des Mines, de la Communication, de l’Environnement, de l’Agriculture, etc. Pour eux, c’est no comment.
Anderson Koné
Burkinademain.com