L'ambassadeur de France au Burkina, Gilles Thibault, souhaite que l'exemple burkinabè fasse tâche d'huile sur le continent et ailleurs

C’est fini pour le colloque international de Ouagadougou tenu, les 14 et 15 mars 2016, à l’initiative de la Société burkinabè de droit constitutionnel (SBDC), sous le thème des alternances politiques en Afrique. La clôture est intervenue ce mardi soir. En attendant de revenir sur cette cérémonie présidée par le parrain du colloque, l’ambassadeur de France au Burkina, Gilles Thibault ; nous vous proposons l’exposé du rapport de synthèse des travaux du colloque présenté de façon magistrale par le Pr. Dodzi Kokoroko.

Le Pr. Dodzi Kokoroko, à l'extrême gauche, présentant le rapport de synthèse du colloque de Ouaga sur les alternances politique en Afrique
Le Pr. Dodzi Kokoroko, à l’extrême gauche, présentant le rapport de synthèse du colloque de Ouaga sur les alternances politique en Afrique

«Le temps d’un colloque sur une notion, une pratique, répond généralement au temps de St Augustin : le présent du passé, le présent du présent et le présent du futur. Cette temporalité semble respectée par le colloque international de Ouagadougou, de la SBDC sur les «Alternances politiques en Afrique : défis démocratiques et enjeux constitutionnels».

Le colloque s’est en effet déroulé en six panels avec des interventions plurielles sous des présidences magistrales et d’échanges nourris. Il a été précédé par la cérémonie d’ouverture placée sous l’autorité du Président du Faso et au cours de laquelle le Pr El Hadj MBODJ s’est illustré par ses propos introductifs.

Au total, il a connu plusieurs communications d’une richesse incontestable non seulement de par la qualité des informations fournies, mais également et surtout au regard des propos qui y ont été tenus. Dans ces conditions, le travail du chargé de la synthèse devient périlleux, à l’image de celui d’un promeneur dans une galerie d’art qui admirera variablement les toiles, dans leurs beautés et contrastes. L’assistance est donc avertie sur la faillibilité de l’œuvre du rapporteur.

 

Je voudrais avant tout porter un regard circonstancié sur la problématique du colloque. L’on peut tout d’abord relever la confusion entretenue entre les expressions «alternances démocratiques», «alternances politiques», «alternances constitutionnelles» qui ne véhiculent pas nécessairement la même signification, sauf à en admettre une différence de degré et non de nature dans certains cas. A preuve, une alternance démocratique est une alternance politique mais l’alternance politique n’est pas que/toujours démocratique. Ensuite, l’alternance politique retenue par la SBDI semble de nos jours dans la Constitution et en dehors de la Constitution avec des figures et acteurs internes et externes.

Les accords politiques négociés sous les auspices de la communauté internationale déverrouillent parfois l’arlésienne-alternance politique tout autant que l’irruption des armées sur la scène politique ou l’alternance réalisée dans le cadre de la démocratie en réseaux au sens de Pierre Rosanvallon.

Dans ce prolongement, au-delà des textes et des pratiques politiques qui irriguent l’alternance politique marquée par la figure tutélaire du chef de l’Etat à qui l’on pensait mettre une camisole de force avec les Constitutions du renouveau démocratique, l’on s’interrogera davantage sur les stratégies de conservation et d’accession des partis politiques de l’opposition et des partis majoritaires, la place de l’environnement politique qui accrédite les ratés alternatifs des années 1990, la légitimité de l’Etat en Afrique devant la monarchisation des Républiques dans l’analyse des alternances politiques.

 

Certes, l’alternance politique ou les alternances politiques reste(nt) une réalité et une quête politique pour la consolidation démocratique en Afrique, sauf si le colloque de la SBDI est un requiem déguisé des alternances politiques.

Quoi qu’il en soit et au regard des thèmes qui ont guidé les différentes communications, l’analyse des alternances politiques en défis et enjeux constitutionnels empruntera un cœur à deux voix. Il s’agira tour à tour d’analyser, d’appréhender les alternances politiques au pluriel (I) et en repensé (II).

 

I-Les alternances politiques plurielles

Il importe de saisir l’alternance politique en mode accepté (A) et en mode discuté (B).

A/L’alternance politique en mode accepté

La/les dites alternances politiques repose(nt) sur des prérequis et acquis politiques, normatifs et institutionnels. Dans cette optique, les Pr ESAMBO et SOMA, tout en rappelant les résistances à l’alternance politique ou les hypothèques pesant sur les alternances réalisées ont proposé des remèdes au tour des institutions fortes et des normes consensuelles. Cette idée retient aussi l’attention du Pr Joël AIVO dans le cadre de sa communication. La politique étant terre d’élection de l’élégance devant la défaite électorale, il a invité la classe politique à une meilleure organisation des élections dans un environnement politique apaisé. Si la vitalité de l’alternance politique passe des réformes audacieuses non moins discutées selon M. KIEMDE au sujet du Burkina Faso, il semble tout aussi nécessaire de repenser la nature et le mandat des CENI et des juridictions constitutionnelles. Si certaines réformes sont consolidantes à l’image de celles par le Pr YONABA, d’autres semblent déconsolidantes en prenant appui sur les communications des Pr ESSAMBO et SY.

Le salut peut-il alors venir de l’externe pour la réalisation de m’alternance politique. Le Pr GADJI semble dubitatif sur ce concours en prenant exemple sur la situation politico-électorale en RCI. Si l’assistance électorale est souhaitée, elle ne saurait prendre le pas sur l’ordre constitutionnel ivoirien par le mécanisme de la certification. Dans la même veine, le Pr TALL est revenu sur les alternatives, les aléas et les altérations des organisations internationales devant les alternances politiques… En se plaçant sur le terrain des rapports entre créature et au-delà des jeux d’intérêt, n’est-on pas en train de surestimer le rôle des organisations internationales et régionales dans la promotion de l’alternance politique, en tenant compte des rapports de force politique à l’interne ?

Somme toute, le changement semble amorcé avec le développement des infrastructures de paix et de sécurité, la revitalisation des mécanismes d’alerte précoces et surtout la redéfinition du mandat des missions d’assistance électorale, d’observation des élections et autres. Il reviendra certainement aux organisations africaines de prendre le train de réforme pour un meilleur accompagnement démocratique au service de l’alternance politique.

 

B/L’alternance démocratique en mode discuté

Quand les alternances politiques semblent bloquer dans les urnes, la solution de contournement peut se réaliser en arme, en insurrection ou de façon provocatrice en consanguinité ou en ADN comme l’attestent un certain nombre d’exemples sur le continent rappelés par M.M SAIDOU, AIVO et ANDZOKA. Il reste que le recours au coup d’Etat tout autant que l’insurrection populaire n’en sont pas moins critiques au nom de la civilisation des mœurs démocratiques. On y débusque d’ailleurs toute l’ambiguïté des Constitutions sur la cohabitation entre ordre et liberté ! Il reste que Mme OUEDRAOGO trouve un certain charme au phénomène insurrectionnel sans lequel le Burkina Faso serait rangé dans le jurassik park des sociétés politiques. Face à l’alternance politique finalement obtenue par la rue, l’on se doit de procéder à des réformes constitutionnelles qui consolideront l’alternance aux dires de Mme SOMA et M. AIVO. Cependant, n’est-il pas surabondant de convoquer le peuple en contrepouvoirs dès lors qu’il est le fondement de la théorie de la représentation politique. Devant le peuple presque introuvable ou épouvantail des politiques suivant l’analyse du doyen WODIE, on y préférait des correctifs tels que les démocraties d’autorisation, d’exercice, voire en réseaux, etc.

D’autres voies d’accès à l’alternance politique existent. En ce sens et loin de faire école, M. TOURE a passé au crible le modèle malien de coup d’Etat… Toutefois, comment expliquer une telle situation devant un pays jadis présenté comme un modèle de démocratie ? Le Pr MANDJEM y débusque dans une perspective générale un élément explicatif : le parlement contre le peuple ou l’alternance confisquée…Si la démonstration est soluble dans la théorie de l’évaluation concomitante et d’une brulante actualité, la séparation des pouvoirs n’est-elle pas de nos jours un serpent de mer d’autant que les Constitutions célèbrent les techniques orthopédiques de la rationalisation arrimées au fait majoritaire qui font que l’exécutif et le législatif font presque corps…. L’évolution pourrait plutôt se trouver dans la Constitution avec la montée en puissance du juge constitutionnel sur la théorie de la «structure basique» des Constitutions à minima en dehors de la Constitution avec la démocratie en réseaux.

 

 

II-Les alternances politiques repensées

Il importe de relever d’abord les maux qui gangrènent la réalisation des alternances politiques et ensuite proposer des solutions.

A/Le temps des résistances

Les maux qui pèsent sur la réalisation des alternances politiques sont variés. Au titre de l’institutionnel, on relèvera la communication de Me KOSO qui est revenu sur les heurs et malheurs du juges constitutionnel en Afrique.

Que peut-il toutefois dans un environnement hostile à l’alternance et abandonner à lui-même ? Au titre du normatif, s’inscrivant à rebours dans les prescrits des Pr ESAMBO, SOMA et SOKENG, M. ANDZOKA est revenu sur les bizarreries constitutionnelles qui semblent bien connues que le continent africain et qui bloquent la réalisation des alternances politiques. Les exemples du Congo-Brazzaville, du Togo, du Burundi, du Niger ou du Rwanda ont été passés au crible.

 

B/Le temps des solutions

L’alternance politique n’est pas un rêve en Afrique. Au-delà des ratés qui s’expliquent aussi par des conjonctures politiques particulières sur fond de patrimonialisation des Républiques et l’instrumentalisation du fait ethnique, le Pr SOKENG, propose, aux termes d’une dissociation discutée de la République et de la démocratie, des solutions innovantes si ce n’est déjà essayé ailleurs avec plus ou moins de bonheur, tels que le verrouillage de la limitation du mandat présidentiel, l’élévation de la limitation au rang de principe régional de la démocratie en Afrique, le recall à l’africaine, l’adoption du statut des anciens chefs d’Etat ou le renforcement de la culture démocratique. Dans la même optique, le Pr GUEYE sort l’artillerie lourde aux termes de la théorie du mandat présidentiel unique qui serait long avec à la clé la consolidation démocratique et la bonne gouvernance.

Il reste que pour qu’il y ait alternances politiques, il faut des démocrates. En ce sens, le Pr BATCHOM nous propose une démarche originale qui reposerait sur des démocrates fortifiés par des institutions fortes. Toutefois, l’homme fort n’est-il pas consacré par les Constitutions en vigueur ? Le ver est déjà dans le fruit, dira-t-on…Enfin, dans une démarche de sage politique, le Pr SOMA en appelle à des réformes constitutionnelles consensuelles et démocratiques sur fond d’équilibre partisan. Au-delà de l’absence d’automaticité entre réformes constitutionnelles et alternances politiques, l’on s’interrogera en réaliste politique et scientifique sur la neutralité ou le consensus dans l’écriture des Constitutions.

Mesdames, Messieurs, Distingués invités en vos grades et qualités,

Notre responsabilité devant les alternances politiques est grande et va au-delà même de nos pays respectifs au nom du droit constitutionnel régional.

Alors plus qu’un désir de réussir, c’est un refus catégorique d’échouer qui est lancé aux Politiques et surtout aux citoyens dont on oublie souvent qu’ils sont les premiers acteurs concernés.»

Bazomboué Grégoire Bazié

Burkina Demain

 

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