L’ancien contrôleur financier Pamoussa kaboré n’est plus un homme à présenter. Il a servi à un haut niveau de responsabilité son pays; il a été contrôleur financier à la mairie de Ouagadougou et conseiller technique de la ministre déléguée de l’économie Drabo. Sans compter qu’il a enseigné à l’ENAREF et à l’ENAM. Il revient sur les malversations sous la transition et invite les nouvelles autorités à mettre fin à l’impunité visible des crimes économiques. Lisez plutôt!
Dans sa livraison du quinze janvier 2016, notre quotidien national que j’apprécie a rapporté les extraits du rapport 2014 de l’Autorité Supérieure de Contrôle de l’Etat et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC). A la page 19, il est écrit : « …les contrôles de 2014 ont révélé des malversations de 821 738 789 F CFA… ». Ces malversations sont constituées essentiellement de détournements et de manquant de caisse. Parmi les structures épinglées, on note
-l’Ambassade du Burkina Faso en Italie pour 400 millions F CFA;
– la Régie d’avances du district sanitaire de Dano pour 40 millions F CFA ;
-la perception de la ville de Kombissiri pour 11 millions F CFA.
Soit un total de 451 millions F CFA pour les trois (03) structures ci-dessus citées.
Des 821 738 789 F CFA, si j’extrais les 451 millions F CFA, il restera 370 738 784 F CFA comme malversations constatées en 2014 dans les autres structures contrôlées : du menu fretin quoi !!!
Quand j’ai lu cet extrait, j’ai immédiatement pensé à l’expression « douze cinq !!! » prononcée par un ministre de la IIIème république comme réponse à une question qui lui avait été posée par un juge. Ce ministre a donné l’explication suivante « monsieur le juge, depuis ce matin, nous ne parlons que de millions ». En français facile, l’unité de mesure, l’étalon en matière de malversation à cette époque, c’était le million.
Il me semble que la situation a nettement évoluée. Aujourd’hui, nous ne parlons plus de millions, mais de « guiros ».
Par contre à la page 6 de l’évènement n°296 du 25 janvier 2015, je lis ceci : « les détournements de fonds et autres malversations ont coutés 10 118 133 685 F CFA au cours de l’année 2013 » (rapport ASCE 2013).
Voilà qui correspond un peu à la réalité du terrain car je ne pense pas que les gouvernants soient devenus plus vertueux en 2014.
J’écris ce document pour que les audits en cours reflètent la réalité du terrain. Il faut que les élites surtout les politiques sachent que le peuple croit sincèrement au slogan « plus rien ne sera comme avant ». Les temps ne sont plus où, on pouvait berner le peuple par de belles promesses du genre « corruption-tolérance zéro ». Ça ne passera pas. Il faut un audit bien fait et des sanctions exemplaires.
Je rappelle que le Conseil des Ministres en sa séance du 16 mars 2015 a adopté un décret portant création et exécution d’un Programme Socio-économique d’Urgence de la Transition (PSUT) d’un coût global est de 25 milliards F CFA. Ce programme a été exécuté en violation flagrante du dispositif juridique mis en place pour assurer la meilleure qualité possible des ouvrages ou produits à un coût avantageux pour l’Administration. Même la Ministre Déléguée Chargée du Budget reconnaissait que le gré-à-gré coûte deux fois plus cher que l’Appel d’Offres Ouvert (confère les propos de ladite ministre dans le journal Le pays n°6007 du mardi 20 décembre 2015).
Si je suis en face d’un marché exécuté par la procédure gré-à-gré ou par entente directe, je dois me poser la question suivante : « quel aurait été le coût si le marché en question avait été exécuté suite à un Appel d’Offres Ouvert ? ».
En effectuant un audit approfondi, je vais découvrir que les prix ont été multipliés par deux, trois, quatre ou par …305 fois (cas relaté dans le journal courrier confidentiel n°74 du 10 janvier 2015). On y lit, à la page n°3, qu’un aérosol du 17 184 F CFA a été acheté à 5 248 000 F CFA au Ministère de la Sécurité.
Je vous rappelle la stratégie d’enrichissement de certains membres du gouvernement de la Transition.
Acte n°1 : Création du Programme Socio-économique d’Urgence de la Transition (PSUT) d’un montant global de 25 milliards F CFA.
Acte n°2 : Comme la Transition a décrété que c’est urgent, comment va-t-elle procéder ?
Le mode opératoire est décrit à la page n°7 du journal le quotidien du jeudi 07 janvier 2016, il est écrit : « la procédure d’entente directe a été retenue. Les directeurs des marchés publics des différents ministères concernés, ont été invités à faire des propositions d’entreprises pouvant être consultées ». Il semble évident que personne ne peut croire qu’en optant systématiquement pour la procédure de gré-à-gré ou par entente directe, des prix avantageux pour l’Administration seront obtenus. En fait, le scénario possible a été le suivant : chaque ministre concerné, a dû remettre à son Directeur des Marchés Publics, une liste d’entreprises à consulter. Ces entreprises ne sont pas choisies en fonction de leurs compétences techniques, mais probablement celle qui permettront aux ministres concernés de « terminer leurs chantiers ». Au pire des cas, ces entreprises pourraient appartenir aux ministres eux-mêmes (cas probable d’entreprise prête-noms ».
Comme vous constatez, l’intérêt général est loin des préoccupations de ceux qui agissent ainsi car celui qui poursuit l’intérêt général respecte les procédures.
Je vous rappelle aussi que le recours aux procédures de gré-à-gré ou par entente directe aboutissent toujours à des surfacturations, à des travaux mal exécutés et au pire, à des chantiers inachevés.
Je vous rappelle également, que les travaux qui se réalisent sur la place des héros ont coûtés 1 232 817 154 F CFA (Conseil des Ministres du 14 octobre 2015). Il s’agit d’un ensemble de marchés conclus par la procédure d’Appel d’Offres Restreint et Accélérée.
Un appel d’offres ouvert aurait permis à l’Etat d’économiser au moins 616 400 577 à supposer que les prix aient été multipliés par deux. Pour que vous me compreniez, faites un tour à la bourse du travail qui a coûté 1 200 000 000 F CFA. Vous-vous ferrez une idée des travaux qui sont en train d’être exécutés sur la place des héros.
Pour conclure, je suis heureux car certains hommes politiques commencent à percevoir l’ampleur des dégâts causés par la transition. Je cite par exemple, monsieur OUALI qui déclare à la page n°8 du journal l’évènement n°317 du 25 décembre 2015 : « …la Transition qui préfigurait le renouveau a totalement désillusionner les burkinabé par la praxis du pouvoir. Des gloutons totalement motivés par eux d’abord…»
Il faut que ceux qui nous gouvernent aujourd’hui sachent que le peuple a désormais les yeux ouverts et qu’il aura de plus en plus de mal à comprendre que les dirigeants crient au manque de moyens pour résoudre les problèmes cruciaux des centres hospitaliers, des écoles publiques, des universités …alors qu’au même moment, nos dirigeants s’enrichissent par le biais des procédures exceptionnelles de gré-à-gré ou par entente directe.
Quant à moi, je suis convaincu que le problème du Burkina Faso, ce n’est pas le manque de moyens, c’est plutôt l’utilisation très peu rationnelle et peu vertueuse de nos ressources. L’actuel pouvoir a vraiment intérêt à veiller à ce que:
– les audits sont bien conduits ;
– les fautifs soient sanctionnés à la hauteur de leurs forfaits.
Autrement, le peuple va se rendre compte bientôt que « tout est comme avant et peut-être… ».
Attention ! Je ne dis pas tout car je sais qu’il ne faut pas tout dire, mais quand on est face à des personnes qui ont spolié le peuple avec une telle avidité, il est utile d’attirer l’attention des gens bien afin qu’il soit mis fin à l’impunité visible des crimes économiques.
Pamoussa Joanny KABORE
Ancien Contrôleur Financier