Les leaders du CFOP lors de leur rentrée politique du 10 mars 2016

Comme annoncé, le Chef de file de l’opposition politique (CFOP) a animé ce lundi à Ouagadougou un point de presse au cours duquel il a fait le bilan des élections municipales du 22 mai 2016. Le CFOP note dans son bilan de ces municipales, «un grave recul démocratique, avec les violences… et des tentatives de fraudes massives». Nous vous proposons l’intégralité de la déclaration liminaire de l’opposition à cette conférence.
« Déclaration liminaire de la conférence de presse du 30 Mai 2016

Mesdames et Messieurs les journalistes,
Une fois de plus, merci d’avoir honoré de votre présence cette conférence de presse de l’Opposition politique burkinabè.
Au sortir des élections municipales du 22 Mai dernier, il est tout à fait indiqué que l’Opposition échange avec vous sur le déroulement du scrutin, de la campagne aux résultats en passant par le vote à proprement parler. Par ailleurs, comme il est de coutume à chacune de nos rencontres avec la presse, nous évoquerons quelques sujets relatifs à la situation nationale.
Au chapitre des élections municipales, l’Opposition politique note tout d’abord qu’il y a eu un grave recul démocratique, avec les violences qui ont émaillé le scrutin, et des tentatives de fraudes massives. Parlant des violences, le Président du Faso, a même déclaré que nous avions franchi le rubicond. Il a tout à fait raison, sauf qu’il a oublié de reconnaitre que ces violences sont le fait de son parti, le MPP, et qu’il doit commencer par mettre de l’ordre dans sa propre maison. En effet, dans toutes les localités ou il ya eu violence, tout est parti soit de l’invalidation de la liste MPP, soit d’une bagarre entre militants du MPP et de son allié le NTD. Le MPP a mis en place une stratégie, qui consiste par tous les moyens, à empêcher le vote là où ses listes sont hors course. C’est très grave pour un parti au pouvoir et qui est supposé donner l’exemple des bonnes pratiques démocratiques.
L’Opposition prend acte de la décision de la CENI de reporter l’élection dans ces communes, mais prévient que lors de cette reprise, seules les listes qui avaient été déjà validées pourront concourir. L’opposition n’acceptera pas que l’on permette au MPP de revenir dans le jeu.
L’autre fait non moins frappant, c’est le faible taux de participation record, 47,93 pourcent selon la CENI. Pour l’Opposition, cette désaffection pour la consultation électorale découle de la grande désillusion des Burkinabè, qui ne croient plus en l’utilité du vote. C’est une interpellation forte pour le régime en place et pour l’ensemble de la classe politique.
Mais le plus grave, c’est la corruption électorale généralisée qui a marqué le scrutin. Le parti au pouvoir le MPP, a distribué de l’argent comme il ne s’en est jamais vu au Burkina Faso. Le Pr Etienne Traoré, dont le parti est membre de la majorité présidentielle, s’est même cru obligé de dénoncer ces faits dans un écrit publié hier dimanche. Comme il l’a dit si bien, le parti au pouvoir, en plus d’inonder les villages avec des billets de banques, a utilisé le chantage du boycott par le pouvoir, des communes qui ne voteraient pas MPP.
L’Opposition dans son ensemble a donc abordé ces élections dans une situation financière très difficile. Déjà naturellement handicapés par leur situation d’opposants, les partis de l’opposition politique ont été lourdement pénalisés par le fait que la subvention de l’Etat, servie par chèque le Jeudi 12 Mai, n’était disponible dans les comptes en banque que trois jours ouvrables plus tard, soit le Mercredi 18 Mai, quatre jours avant la fin de la campagne. Du coup, seul le parti au pouvoir a pu disposer de moyens financiers conséquents pour faire campagne, toute chose qui explique aussi la grande abstention que l’on a constatée.
L’opposition récolte à ces élections, un total de 6054 conseillers sur 19 152 sièges pourvus, et deux partis politiques d’opposition figurent parmi le trio de tête. C’est bien la première fois dans l’histoire des élections municipales sous la 4eme république, que l’Opposition engrange un tel nombre de sièges. Dans la ville de Ouagadougou, l’Opposition est même en passe de conquérir plusieurs arrondissements, du jamais vu sous la quatrième république. Toutefois, nous sommes conscients de l’immense travail que nous devons continuer d’abattre, notamment en termes de sensibilisation et de conscientisation des masses sur l’enjeu et l’utilité du vote.
Dans une directive sur la mise en place des conseils municipaux, le CFOP a invité ses élus locaux à refuser toute corruption, à travailler dans l’unité et la discipline, et à être d’honnêtes serviteurs de leurs cités.
Chers amis de la presse, cette conférence de presse se tient à un moment où l’évolution de la situation nationale n’est pas du tout rassurante. L’économie nationale ne fait que sombrer, et notre gouvernement y assiste de manière impuissante ou, tout au plus, se débat de façon maladroite. Il n’y a pas une ferme volonté d’éponger la dette intérieure, toute chose qui pourrait donner un bol d’air à l’économie, et rassurer les entreprises et les investisseurs. Malgré les diminutions de certains prix qui se révèlent en fait des effets d’annonce à visée électoraliste, les citoyens lambda, eux, peinent à joindre les deux bouts face à la flambée continue des prix des denrées alimentaires. Au même moment, la pénurie d’eau et les délestages deviennent criards, sans qu’une solution forte ne soit proposée.
Le comble, c’est quand le MPP démontre aux yeux de tous que l’éthique est le dernier de ses soucis. A titre d’illustration, le pouvoir a nommé à la tête de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), Lassané SAVADOGO, un individu incriminé dans divers rapports de contrôles d’Etat. Pour l’Opposition cette nomination traduit la volonté de ce régime de poursuivre une tradition de pillage de nos ressources publiques. C’est pourquoi elle continue d’interpeller fermement le Chef de l’état sur cette question. D’aucuns peuvent s’étonner que l’opposition s’intéresse à ce genre de questions. D’abord Ils doivent comprendre que pour nous, l’Opposition ne doit pas se limiter aux questions purement politiciennes comme elle l’a fait malheureusement dans le passé, mais s’intéresser à toutes les questions qui touchent à la vie quotidienne des Burkinabé. Ce sera d’ailleurs notre nouvelle manière d’agir, parce que nos militants nous disent haut et fort qu’ils veulent nous entendre sur les questions économiques, sociales et de corruption. Ensuite, si les OSC et les syndicats avaient pris le sujet en main, l’opposition allait applaudir et se mettre à l’écart, car eux au moins ne seront pas soupçonnés de manœuvre politicienne. Malheureusement, on assiste à un endormissement des OSC dont certaines se sont hélas soit compromises, soient inféodées au nouveau régime. L’Opposition lance un appel aux OSC sincères non compromises, et il en existe encore, pour qu’elles reprennent leur rôle traditionnel de vigie, pour surveiller la gouvernance nationale. Il y va de l’avenir de notre démocratie
Sur le plan sécuritaire, l’attaque terroriste de Koutougou dans le Soum montre que notre pays demeure toujours vulnérable. Mais alors qu’en Cote d’Ivoire on voit des résultats concrets avec l’arrestation des terroristes, au Burkina il n’ya aucun résultat dans les enquêtes. L’Opposition demande au gouvernement de redoubler d’efforts et de mettre tout en œuvre pour arrêter les terroristes qui ont endeuillé notre pays.
Concernant l’application de la loi 081, le Gouvernement joue avec le temps et fait dans le dilatoire. Cette mesure devait entrer en vigueur depuis Janvier 2016. Mais, même le nouveau délai de Juin risque fortement de ne pas être respecté. L’Opposition considère que la loi 081 est un acquis non-négociable de l’insurrection populaire. Par conséquent, elle apportera son soutien actif et sans faille au monde syndical si ce régime ruse une fois de plus avec les droits légitimes des travailleurs.
Sur le plan de la justice, l’Opposition s’indigne des procédures bâclées et des lenteurs suspectes qui entachent actuellement notre justice. Dans la cacophonie qui a entouré l’annulation des mandats d’arrêts dans l’affaire du putsch, le Commissaire du gouvernement, Norbert KOUDOUGOU, a été remplacé. On s’attendait à ce que, avec la nomination du nouveau Commissaire, la question de ces mandats soit réintroduite en bonne et due forme, comme du reste on nous l’avait promis. Quelle n’a été donc notre surprise d’apprendre, à travers la presse, que deux décisions contradictoires avaient été rendues le même jour ! Une déclaration conjointe du Syndicat national des agents de la Justice (SYNAJ) et du Syndicat des greffiers du Burkina (SGB) sur l’audience de la Cour de cassation, a confirmé le fait que le plumitif a été tripatouillé. Dans l’intérêt et sur ordre de qui ? Comme on le voit, ce pouvoir fait d’inacceptables immixtions dans ce dossier du putsch, tout en criant à l’indépendance de la justice. Dans le même ordre d’idée, l’Opposition se demande pourquoi les personnes incarcérées depuis longtemps dans le cadre de ce putsch ne sont pas jugées. En droit, la détention c’est l’exception. Or, on observe des détentions qui se prolongent et se renouvellent sans explication, alors qu’au dire de tous, les dossiers sont suffisamment murs pour qu’un procès puisse se tenir. L’opposition en appelle au gouvernement, qu’il mette en place les conditions pour que le procès se tienne le plus rapidement possible, afin que chacun puisse dire sa part de vérité, et que justice soit faite.
L’Opposition politique déclare ici solennellement qu’au nom des martyrs et au nom du droit du peuple burkinabè à la justice, elle ne permettra pas un déni de justice ou une justice bâclée sur les crimes de sang. Ni sur l’affaire du putsch de Septembre 2015, ni sur les crimes commis lors de l’insurrection populaire. L’Opposition est par ailleurs très vigilante sur la manière dont seront traités des dossiers hautement sensibles comme celui de Thomas SANKARA, Norbert ZONGO, Dabo BOUKARY et Salifou NEBIE. L’Opposition politique associe à sa quête de vérité, la question de l’audit sur la gestion de la transition .Elle souhaite que l’intégralité du rapport d’audit soit communiquée au parlement et au Chef de file de l’opposition et que, s’il le faut, les mises en accusation soient prononcées..
De ce qui précède, l’Opposition poursuivra son rôle de veille citoyenne, pour préserver les acquis démocratiques. Elle entreprendra toute action de nature à interpeller le pouvoir en place sur les fortes aspirations de notre peuple à une vie meilleure, à une vraie justice.
Mesdames et Messieurs les journalistes, c’était là la déclaration liminaire de la présente conférence de presse. Vos questions et vos précieuses contributions sont les bienvenues.
Nous vous remercions ! »

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