C’est parti pour le jeûne du mois de ramadan. A l’instar d’autres pays, les fidèles musulmans du Burkina Faso ont officiellement débuté le mardi 7 juin 2016 le jeûne du ramadan. Dans cette interview réalisée avec le Président de la communauté islamique ahmadiyya du Burkina Faso, Mahmood Nasir Saqib, découvrez la philosophie du jeûne, son importance, et les conseils à mettre en pratique, afin de mieux profiter des bénédictions de ce mois de miséricorde.
Burkina demain (BD) : A quoi consiste le jeûne musulman ?
Mahmood Nasir Saqib (MNS) : Après la Chahadah ou l’attestation de foi ; la Salah ou la prière quotidienne ; le jeûne est le troisième pilier de l’Islam. En Arabe, le terme Sawm signifie l’abstention. Du point de vue religieux, le jeûne consiste à l’abstention, de l’aube jusqu’au coucher du soleil, de toute nourriture, boisson ou relations conjugales, à condition que l’abstention soit faite consciemment avec l’intention d’adorer Dieu.
BD: Au sein de la communauté islamique ahmadiyya, commencez-vous le jeûne le même jour que les autres musulmans ?
MNS : Tous les pays dans lesquels la communauté islamique ahmadiyya est présente, elle respecte les lois de ces pays. En effet, si dans un pays le gouvernement annonce la date du début de jeûne, la communauté islamique ahmadiyya s’y conforme. Par exemple, au Burkina Faso, l’Etat annonce le début du jeûne et la fête de l’Eid-fitr en se référant au Comité national d’observation de la lune. Et c’est cette date qui est valable pour les musulmans ahmadis. Nous avons commencé le jeûne le mardi 7 juin. Maintenant, s’il se trouve que dans un pays, les autorités n’annoncent pas l’apparition de la lune, nous observons le croissant lunaire nous-mêmes et dans certains cas, on peut se référer aux technologies modernes pour commencer le jeûne.
BD : Quelle est l’importance du Jeûne ?
MNS : Le Ramadan offre au croyant la grande opportunité de se réformer. Il lui rappelle ses actes d’adoration ainsi que ses lacunes. Si le jeûne est observé selon les prescriptions et préceptes requises du Saint Coran, il expie les pêchés précédents du fidèle. En bref, le jeûne du ramadan permet au fidèle de se réformer et d’expier ses péchés précédents.
BD : Quels sont les actes à encourager pour mieux profiter des bénédictions de ce mois de miséricorde qu’est le ramadan?
MNS : L’objectif premier du Ramadan est d’établir le lien entre le croyant et Dieu. Ce lien s’établie par la prière, l’adoration. Donc, il faut multiplier les actes d’adoration durant le mois de ramadan. Effectuer les prières surérogatoires. C’est participer notamment à la prière de tarawih (la prière faite après isha). S’évertuer à la prière de Tahajjud (prière surérogatoire ou nawafil offertes au milieu de la nuit). Selon le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.), les bénédictions du Ramadan sont intimement liées avec la prière Tahajjud. Il faut également être beaucoup généreux durant le mois de ramadan. Il faut faire beaucoup de Charité. L’on rapporte d’ailleurs que durant le mois de ramadan, le Prophète (s.a.w.) faisait la charité plus rapidement encore que les vents puissants.
BD : Au regard de tout ce qui précède, qu’elle est la philosophie véritable du jeûne?
MNS : Allah a prescrit le jeûne aux musulmans, afin qu’ils acquièrent la Taqwa (la foi), afin qu’ils se protègent des faiblesses morales et spirituelles et pour qu’ils soient bien guidés. Le Coran souligne lui-même la raison d’être et la philosophie du jeûne en disant : « ô vous qui croyez, le jeûne vous est prescrit tout comme il avait été prescrit à vos devanciers, afin que vous adoptiez l’habitude d’apprendre la Taqwa (foi). » (Coran ch.2 verset 184). Celui qui jeûne abandonne les choses déclarées licites par la charia, seulement parce que son Seigneur ne les a pas autorisées durant cette période précise. Comment une telle personne pourrait-elle alors chercher à consommer ou boire des choses proscrites par la charia, ou encore chercher à assouvir ses passions dans l’illicite ? Le Ramadan offre donc au croyant la grande opportunité de se réformer, de renforcer davantage ses liens avec Dieu et d’expier ses péchés précédents.
BD : Hormis les avantages moraux et spirituels que vous énumérez, le jeûne du ramadan présente-t-il d’autres avantages ?
MNS : Si on doit parler des avantages du jeûne de façon générale, on finira la journée ici. Mais on peut résumer qu’en dehors même du jeûne du ramadan, les agents de santé prescrivent parfois le jeûne au gens. Ça veut dire que le jeûne est une pratique qui permet de purifier l’organisme ; qui permet à l’organisme de se débarrasser des déchets des surplus accumulés toute une année. Donc en un mois l’organisme va se reposer. Le jeûne c’est comme la fonction publique. Le fonctionnaire travaille pendant 11 mois et il se repose un mois. C’est pour récupérer. Et c’est exactement le même phénomène. Dieu nous a créé ce n’est pas à tue-tête. Tout ce qui nous faisons peut être involontairement mais nous imitons toujours Dieu dans Ses faits. Donc le système de 11 mois d’activités, un mois de repos. C’est à peu près la même chose. Douze mois de l’année, on jeûne un mois et mange régulièrement pendant 11 mois. Ça permet à l’organisme de récupérer et d’éliminer éventuellement les surcharges et décharges qu’on a pu manger par ci et là. Et même les animaux pratiquent le jeûne. On a vu dans les périodes ancestrales les animaux lorsqu’ils tombent malades, ils se privent de manger pendant 24 à 48 h. On a constaté que c’est un système de jeûne qui consiste à purifier leur organisme. Donc le jeûne pour la santé est une bonne chose, car ça permet à l’organisme de récupérer et de se débarrasser du surplus et des déchets accumulés au cours de l’année.
BD : Et quel peuvent être les avantages sociaux du jeûne du ramadan ?
MNS : Le mois du ramadan est une période de formation intensive en valeur bénéfique. L’abstention de nourriture, de boisson et de relations conjugales pendant un certain nombre d’heures chaque jour pour un mois est un précieux exercice d’endurance et de ténacité. Même si cela n’est que l’enveloppe extérieure, pour ainsi dire du jeûne, cela à une grande importance sociale. Il fait ressortir aux sections les plus fortunées de la société le sens de la faim et de la soif. La privation cesse, dans leur cas aussi, d’être une simple expression et devient une expérience partagée en commun avec tous. La conscience qu’un grand nombre de leurs semblables ont à souffrir la plupart du temps est exacerbée et il y a beaucoup d’engouement à partager avec ces derniers les bienfaits que Dieu leur a accordés par sa grâce. Et comme je l’ai dit auparavant, il est conseillé de multiplier les actes de charité pendant le mois de ramadan.
BD : Vous venez d’indiquer qu’il est conseillé de faire beaucoup de charité pendant le mois de ramadan. Dans la communauté islamique ahmadiyya, quelles sont les activités qui sont prévues dans ce sens ?
MNS : Pendant ce mois, la communauté islamique ahmadiyya organise une grande campagne d’opération gratuite de cataracte. Nous avons pour objectif d’effectuer l’opération de 400 personnes. Les dépistages ont déjà commencé. En plus de cela, la communauté islamique ahmadiyya collecte la charité de la fin du mois de ramadan de ses membres qu’elle distribue aux plus démunis. Et aussi comme acte de charité, nous avons imprimé plus 200 milles brochures sur le mois de ramadan que nous avons distribués sur tout le territoire burkinabè.
BD : Quel appel lancez-vous à l’endroit des fidèles musulmans durant ce mois de ramadan ?
MNS : Ne soyons pas comme celui qui s’excuse de ne pouvoir jeûner et prier au cours du Ramadan affirmant, dans le même souffle, qu’il n’est point fieffé mécréant au point de refuser l’Iftar. Nous ne devons pas délaisser le jeûne sans raison valable et devons accomplir, de notre mieux, nos actes d’adoration, qui sont les buts du Ramadan. Tous ceux qui jeûnent doivent se réveiller un peu plus tôt pour accomplir la prière Tahajjud (Prière nocturne observée entre minuit et l’aube). Lisez davantage le Coran durant le Ramadan, car c’était là la pratique du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.). Ne contraignez pas les enfants qui n’ont l’âge de la majorité à jeûner. Et multiplier les actes de charités.
Ibrahima TRAORE
Collaborateur