L'ambassadeur Tulinabo S. Mushingi, lors de la célébration au cours de laquelle il a livré un discours historique

Hier, 4 juillet 2016, à l’occasion de la célébration du 240e anniversaire de l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique au Burkina ; son ambassadeur, Tulinabo S. Mushingi, a marqué l’auditoire réuni dans l’enceinte de l’ambassade américaine de Ouagadougou, pour la justesse, la profondeur et la portée de ses propos.
Pour qui a l’habitude d’être de la commémoration de l’Independence day à Ouaga, cela ne surprend guère. Mais, l’événement ici, c’est que Son Excellence Mushingi, qui sera bientôt en fin de mission, prononçait là sa dernière allocution officielle de 4 juillet en tant qu’ambassadeur du peuple américain auprès du peuple burkinabè. Et l’homme aux grandes convictions et idées en a profité pour livrer, comme il fallait s’y attendre, un discours testament que nous vous proposons in extenso.

L'ambassadeur Tulinabo S. Mushingi, lors de la célébration au cours de laquelle il a livré un discours historique
L’ambassadeur Tulinabo S. Mushingi, lors de la célébration au cours de laquelle il a livré un discours historique

« En ce 4 jullet, qui marque les deux cent quarantième anniversaire de la naissance de notre pays, permettez-moi de revenir sur les valeurs auxquelles nous croyons en tant qu’Américains, et que nous partageons avec les citoyens du Burkina Faso.
Notre pays a été fondé par des hommes qui ont commencé avec une idée, à savoir un gouvernement qui répondait à son peuple. C’était l’idée que les libertés personnelles comme la liberté de religion et d’expression étaient sacrées. C’était également l’idée que les institutions gouvernementales seraient toujours plus grandes que les individus.
Beaucoup de nos pères fondateurs étaient d’un certain âge. D’autres à l’image de Mr. Edward Rutledge de la Caroline du Sud qui n’avait que vingt-six ans, étaient jeunes. Mais ensemble, ils ont tous partagé une vision commune de la naissance d’un nouveau pays.
Nous pouvons trouver une similitude avec la situation actuelle du Burkina Faso. Oui, vous avez eu votre indépendance en tant que nation depuis plus de 55 ans. Mais entre les faux départs, les coups et les contrecoups, les révolutions, les rectifications, les stades pleins recto-verso, cette terre des hommes intègres a lutté pour asseoir les bases d’une démocratie véritable. Le succès de vos récentes élections, m’emmène à croire qu’il y a eu un «Té-kré» ou changement, ou tout simplement une attitude de «plus rien ne sera comme avant».
Aux Etats-Unis, nous avons rédigé une constitution faite ‘par et pour le peuple’. Ici au Burkina Faso, vous avez établi une charte de la transition ‘par et pour le peuple’.
La construction de la nation américaine a pris des décennies ; il a fallu après élection tous les quatre ans pendant les 228 dernières années. Nous n’en avons jusqu’à présent manqué aucune.
Les Etats-Unis saluent le parcours du Burkina Faso et félicitent le peuple burkinabè pour ce qu’il a accompli depuis 2014. Nous félicitons également les leaders des partis politiques pour leur attitude républicaine après les élections de 2015. C’est le moment de regarder vers l’avenir et se tourner vers la jeunesse du pays.
Dans un pays où 70% de la population a moins de 30 ans, les jeunes doivent faire partie de la réponse en vue de faire face aux défis actuels. Moderniser le gouvernement, créer des emplois, construire le capital humain, tout cela nécessite une nouvelle manière de penser.
J’ai entendu certains l’évoquer en parlant de ‘’Yam Pukri’’ ou «l’éveil de conscience» ou encore «nos yeux sont maintenant ouverts». Atteindre ses objectifs de développement exige que chaque pays compte sur sa ressource la plus précieuse, c’est-à-dire sa jeunesse.
Les jeunes ont suscité les changements les plus transformateurs dans l’histoire de mon propre pays :
Le mouvement pour le suffrage des femmes en 1848 avait à sa tête Mme Elisabeth Cady Stanton, une mère âgée de 33 ans.
Le mouvement des droits civiques dans les années soixante a été mené par des hommes et des femmes à peine dans leur trentaine, comme Martin Luther King, Jr qui avait 34 ans lors de son fameux discours «I Have a Dream».
L’élection du président Barack Obama a été menée par la génération du millénaire.
Et au fur et à mesure que les générations successives sont entrées en politiques, elles ont insufflé de la vitalité dans nos institutions gouvernementales. Nous avons essayé de tenir compte de cela dans notre décoration ce soir.
Ces jeunes ont osé imaginer le monde non pas comme il était, mais comme il devrait être. Bien évidemment, l’énergie, la motivation ou encore les revendications des jeunes doivent être canalisées dans des règles et animées d’un esprit de civisme. Il nous faut un partenariat gagnant/gagnant entre idéalisme et juvénile et expérience politique ou «sagesse qui vient avec l’âge».
Ce thème est récurrent tout au long de notre histoire. Nos dirigeants politiques ont été à leur niveau le plus élevé lorsqu’ils ont compris que le pouvoir vient du bas vers le haut ou à partir de la base. Un gouvernement doit non seulement investir dans sa jeunesse, mais il a aussi besoin de l’écouter.
Comme Mbah Michel l’a si bien dit en 2015 : «Avec les jeunes, oui, tout est possible. Sans les jeunes, attention ! »
A l’attention de Gildas de Ouaga Lab
Ce soir, nous avons tous écouté ce jeune entrepreneur Burkinabè parler de ses espoirs pour le Burkina Faso et des défis à relever pour valoriser le capital humain du pays. Ensemble, nous célébrons son ingéniosité. A travers Gildas, nous voyons ce qu’il est possible d’accomplir lorsque le patriotisme et l’innovation se croisent.
Une des parties les plus visibles de la coopération entre nos deux pays et dont nous sommes les plus fiers est la présence et le travail extraordinaire de nos 135 volontaires du Corps de la paix à travers le pays. Ils sont en majorité des jeunes qui sont venus au Burkina Faso pour s’investir pendant deux ans dans les collectivités locales.
Mais, notre coopération ne s’arrête pas là. En matière de sécurité, par exemple, nous travaillons en étroite collaboration avec les forces de défense et de sécurité du Burkina Faso pour assurer que ce pays soit un pilier de la paix dans un voisinage très complexe.
L’année prochaine je ne serai plus ici pour prononcer le discours du 4 juillet. Vous l’aurez deviné, il n’y a pas de «lenga » pour moi non plus !
Mais, je peux vous assurer d’une chose : l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique restera à vos côtés. Elle sera dotée d’un nouvel ambassadeur, de quelques nouveaux collaborateurs, mais notre travail restera le même parce que l’institution est forte. Nous allons continuer à aller de l’avant dans notre partenariat avec le peuple burkinabè.
En pensant à mes trois années passées au pays des Hommes intègres, j’ai cru bon prendre quelques minutes pour partager avec vous ce que nous avons appris en 240 ans de démocratie, et ce que cela pourrait signifier pour le Burkina Faso qui entame ainsi un nouveau chapitre de son histoire.
Premièrement, les institutions comptent. Nous savons que les pays ont toujours besoin d’hommes forts et de femmes fortes, mais ils auront encore plus besoin d’institutions fortes.
Deuxièmement, le renforcement des institutions ne se limite pas au gouvernement, il s’agit aussi de créer un secteur privé fort et des partis politiques forts. Les partis politiques devraient être plus qu’un navire pour les ambitions d’un seul homme ou d’une seule femme. Les partis politiques forts et les sociétés privées survivent au-delà de leurs fondateurs. Ils sont des institutions façonnées par les idéaux des militants et électeurs de tous les jours.
Troisièmement, n’oublions jamais l’importance de la réconciliation. Quand un pays a une histoire compliquée, la tendance est de regarder en arrière plutôt que vers l’avenir. Les griefs passés doivent être certainement reconnus, des sanctions doivent être infligées sur la base d’un système judiciaire juste et indépendant, mais doit s’ensuivre une réconciliation entre toutes les filles et tous les fils du pays.
En visitant toutes les 13 régions du pays au cours de ces trois dernières années, j’ai été impressionné à plusieurs reprises par la jeunesse.
Les jeunes sont avides d’un avenir qu’ils peuvent façonner. Ils ont un esprit d’entreprise prêt à être exploité. Ils ont engagement envers ce pays et l’héritage de leurs aïeux. La jeunesse est en effet la ressource renouvelable la plus précieuse du Burkina Faso, une ressource sur laquelle il faut investir sans compter car les retombées bénéficieront à la nation entière.
Pour les jeunes gens ici présents. Je sais que vous êtes là :
N’attendez pas que quelqu’un d’autre fasse ce que vous pouvez faire par vous-même.
Comme l’a dit le Président Théodore Roosevelt : «Faites ce que vous pouvez. Avec ce que vous avez. Là où vous êtes».
Si vous voulez voir votre pays devenir la meilleure version de lui-même, regardez comment vous pouvez investir dans votre communauté.
Si vous voyez une école qui n’est pas au service de ses élèves, demandez comment vous pouvez faire du bénévolat pour encadrer les élèves.
Si vous voyez une communauté qui n’a pas accès à l’eau ou à l’assainissement, cherchez comment vous pouvez rassembler la communauté pour y remédier.
Si vous voyez d’autres jeunes qui n’ont pas les compétences de base pour trouver un emploi, réfléchissez à comment vous pouvez les aider.
La force d’un pays vient de la cohésion de son peuple. Je pourrais emprunter le proverbe mooré qui dit : «nugubi yénd kawudod zom yé» ou en français ‘’un seul doigt ne peut ramasser la farine’’. Le message parait simple, mais, il est profond.
Tout gouvernement émane et représente le peuple. L’importance d’une élection ne vient pas de ce qui peut être gagné en dirigeant un pays, mais de ce qui peut être ajouté.
Une seule chose est certaine : les présidents, les ministres, les dirigeants, et même les ambassadeurs viennent et partent, mais le peuple, lui, reste. Ce sont les institutions fortes d’un pays, génération après génération, qui veillent à ce que le prochain chapitre soit meilleur que les précédents.

May God Bless the United States of America !
May God Bless Burkina Faso !
Vive la cooperation entre les peuples Burkinabè et Américain !” »
Son Excellence Tulinabo S. Mushingi, Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique au Burkina Faso
Burkina Demain

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