La candidate de la SADC a sa vision et stratégie de la présidence de la commission de l'Union africaine

En Afrique, l’exclusion est partout et parfois elle se développe même là où l’on s’y attend le moins. La polémique suscitée autour de la candidature de Pelonomi Venson-Moitoi à la présidence de la Commission de l’Union africaine en est une parfaite illustration. Il a juste suffi que la ministre botswanaise des Affaires étrangères affiche ses ambitions pour que l’on découvre subitement que son pays, le Botswana, cet Etat modèle qui fait la fierté même du continent à bien des égards, «fait bande à part», dans le concert des nations africaines, alors qu’il est membre actif et de pleins droits de l’organisation continentale, censée promouvoir l’intégration africaine.

Dr Pelonomi Venson-Moitoi a été la première à se jeter dans la course pour la succession de Nkosazana Dlamini Zuma à la tête de la commission de l'UA
Dr Pelonomi Venson-Moitoi a été la première à se jeter dans la course pour la succession de Nkosazana Dlamini Zuma à la tête de la commission de l’UA

Dans la course ouverte pour la conquête de la très convoitée présidence de la commission de l’Union africaine qui pourrait connaître son dénouement lors du présent sommet de Kigali ; la candidate Pelonomi Venson-Moitoi a encore ses chances. Cela pour plusieurs raisons.
D’abord, Pelonomi n’a pas été surprise de la passe que tente de lui faire la présidente sortante de la Commission, Nkosazana Dlamini Zuma. Elle devrait être bien au courant des intentions de Mme Zuma de quitter la tête de la commission et se préparait en conséquence à lui succéder. Ce qui a permis sans doute à Pelonomi de se présenter rapidement en véritable successeuse de Nkosazana Dlamini en dévoilant dans de très brefs délais sa vision et son plan pour l’Union africaine. Une vision qui ne s’écarte pas de la stratégie adoptée sous Mme Zuma pour sortir à moyen et long terme le continent de l’ornière. Il s’agit l’agenda 63 dans lequel la ministre des affaires étrangères du Botswana inscrit entièrement ses ambitions pour l’Union africaine.
Ensuite, la candidature de Venson –Moitoi a cet avantage d’être adoubée par la communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).
Avec ces atouts de départ, sans aucune autre candidature déclarée, Pelonomi Venson-Moitoi était naturellement très confiante quant à ses chances d’occuper le prestigieux poste. Mais, c’était sans compter avec les manœuvres déstabilisatrices. Très vite naît en effet une polémique autour de sa candidature et qui enfle au fil des semaines pour rendre problématique ses chances d’accéder à la présidence de la Commission de l’Organisation. Depuis lors, deux autres candidatures, notamment celles de l’ancienne vice-président ougandaise, Speciosa Wandira Kazibwe ; et du ministre des Affaires étrangères de la Guinée équatoriale, Agapito Mba Mokuy, ont été enregistrées. En outre, d’aucuns n’hésitent pas à évoquer l’hypothèse de prolongation du processus avec la possibilité d’admettre d’autres candidatures plus relevées.

Accusé de «faire bande à part»

Pour tenter de démonter la candidate Pelonomi, et susciter d’autres candidatures, les opposants, vont prendre pour cible son pays, le Botswana, accusé de «faire bande à part», c’est leur expression, en Afrique, c’est-à-dire de n’avoir pas été un acteur majeur du panafricanisme. Il est vrai que le Botswana n’est pas membre fondateur de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), mère de l’UA, parce que tout simplement le pays n’était pas encore indépendant en 1963 ; mais tenir de tels arguments, c’est occulter tout ce que représente ce pays pour le continent et son organisation.
Le Botswana est en effet membre fondateur de l’Union africaine et participe régulièrement à ses instances. La contribution du Botswana au budget de l’UA est bien plus importante que celle de la plupart des pays qui tentent aujourd’hui de torpiller la candidature de sa ressortissante.
En plus, ce pays, à bien des égards, a fait et continue de faire la fierté de l’Afrique. En termes de gouvernance politique et de démocratie, le Botswana est toujours un exemple. Depuis son indépendance le 30 septembre 1966, le pays a connu plusieurs changements à la tête de l’Etat sans heurts, suite à des élections transparentes et équitables.

Un modèle de gouvernance économique pour l’Afrique

La candidate de la SADC a sa vision et stratégie de la présidence de la commission de l'Union africaine
La candidate de la SADC a sa vision et stratégie de la présidence de la commission de l’Union africaine

Sur le plan de gouvernance économique, le Botswana reste également un modèle pour l’Afrique, voire le monde.
En effet, le Botswana est le pays qui a connu la plus forte croissance au monde entre 1966 et 1999 (9% en moyenne annuelle), principalement grâce à l’exploitation du diamant, découvert en 1971, dont il est le premier exportateur mondial en valeur (28% du total mondial, 87% des recettes d’exportation du pays et 45% des revenus de l’Etat). C’est le seul pays d’Afrique et de l’océan Indien, avec Maurice, à être passé, en 1994, du statut de « pays moins avancé » à celui de « pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure ». Le revenu par habitant, qui avoisinait les 70 dollars (USD) en 1966, s’élève à 7240 USD aujourd’hui (et au double en parité de pouvoir d’achat).
Le Botswana, grand exportateur de diamant, fait partie des rares pays africains à ne pas connaître la malédiction des richesses naturelles. Jamais, les Botswanais ne se sont fait la guerre pour les revenus de l’exportation de leur diamant. Sur le plan social, le Botswana demeure un bon élève avec des investissements conséquents et massifs dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Dans le rapport PNUD 2014 sur l’Indice de développement humain, le Botswana ( 106e sur 188 ) était le troisième pays subsaharien le mieux classé, juste derrière l’Ile Maurice et les Seychelles. L’indice de la perception de la corruption de Transparency International (2015) classe le Botswana 28e sur 168 pays. Et ce n’est pas pour rien que l’ex-président du Botswana, Festus Mogae, a été désigné lauréat en 2008 du prix Mo Ibrahim pour la bonne gouvernance.

Des facteurs en faveur de Pelonomi Venson-Moitoi mais…

Ces facteurs ci-énumérés devraient, en principe, peser en faveur de la candidature de Pelonomi Venson-Moitoi. Car, ce que l’Afrique a plus besoin aujourd’hui pour aller de l’avant, c’est bien ces facteurs de démocratie, de la bonne gouvernance économique et sociale dont a fait preuve le Botswana et partant, sa candidate. Faut-il le rappeler, cela fait une quinzaine d’années que Mme Venson-Moitoi, formée aux Etats-Unis, exerce des fonctions gouvernementales à Gaborone.
Mais, hélas, en Afrique, quand il s’agit de pourvoir à des postes de responsabilités, les gens n’ont pas souvent d’yeux pour ce genre de faits. Sans arguments, beaucoup préfèrent se rabattre sur l’exclusion qui, heureusement, ne devrait pas pouvoir prospérer dans le cas de la candidate du Botswana. Ce pays, qu’on le veuille ou non, a montré son intérêt pour l’intégration africaine. La preuve, le Botswana abrite, en plus d’être membre à part entière de l’Union africaine, le siège de la SADC qui est une composante importante de l’Union africaine. Certains vont même jusqu’à évoquer l’attachement du Botswana à la Cour pénale internationale et d’autres des barrières linguistiques pour justifier l’hostilité vis-à-vis de la candidature de Mme Venson-Moitoi. Tout cela semble absurde. Comme un seul Etat peut décider du maintien des autres à la CPI et même si Pelonomi était élue présidente de la Commission de l’UA, elle n’a aucun pouvoir pour décider à la place du président de la conférence des chefs d’Etat de l’Union et encore moins à la place du collège des chefs d’Etat de l’organisation continentale. Tout cela n’est ni moins, ni plus qu’un faux procès à Pelonomi Venson-Moitoi.
Bref, quoi qu’il en soit, après cinquante années d’existence, il est temps pour l’Union africaine, d’établir des bases claires et inviolables pour le renouvellement de ses instances dirigeantes de sorte à éviter les polémiques déshonorantes pour le continent. A l’image de ce qui se passe à l’Union européenne, où les renouvellements des instances dirigeantes se font systématiquement sans heurts. Cela permettra à l’organisation continentale de gagner du temps et de s’attaquer aux vrais problèmes de l’Afrique : pauvreté, analphabétisme, sous-développement.

Grégoire B. Bazié
Burkina Demain

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