Ceci est une réflexion de Lassina Ko, spécialiste de la communication politique et juridique, sur la détention du Général Djibril Bassolé. L’Etat, soutient M. Ko, doit le libérer. Lisez plutôt !
«Au nom de la république, l’Etat doit libérer le Général Djibril Y BASSOLE
Est-il besoin de présenter le Général Djibril Y BASSOLE à l’opinion publique nationale et internationale ? Assurément non ! Cependant il parait important de retenir que cet officier Général était ministre d’Etat, Ministre des affaires étrangères et de la coopération régionale dans le dernier gouvernement de Blaise COMPAORE. En plus, il était postulant pour la candidature à la présidentielle de 2015 au Burkina Faso.
Il est en ce moment détenu à la maison d’arrêt et de correction des armées(MACA) à Ouagadougou dans le cadre des poursuites judiciaires engagées contre les présumés coupables du coup d’Etat du 16 septembre 2015 du Général DIENDERE.
Il est toujours utile de relever que la procédure judiciaire y relative a été engagée par le régime d’exception de la transition conduit par Michel KAFANDO et le Lieutenant-Colonel Yacouba Isaac ZIDA, respectivement président du Faso et premier ministre, qui s’est illustré par de graves atteintes aux libertés publiques et aux libertés d’opinions. Cette procédure a fait couler beaucoup d’encre et continue d’en faire, tant elle est conduite de façon peu orthodoxe et avec un manque de sérénité et de professionnalisme. La vérité des organes de la presse nationaux et internationaux ayant suffisamment et éloquemment démontré cela.
Le pouvoir politique auquel sont soumises toutes les institutions de l’Etat, doit garantir le fonctionnement régulier et légal de l’Etat dans le strict respect de la légalité républicaine.
Il se trouve que le Faso contemporain a du mal à s’accommoder à cet impératif de légalité républicaine à travers des pouvoirs d’Etat qu’est la justice.
Pourtant, la justice du Faso, à travers ce qu’il convient d’appeler « l’affaire Djibril BASSOLE » entre autre, se montre peu respectueuse de la légalité républicaine et pourrait mettre en péril l’ordre public et la cohésion nationale qui ont déjà du mal à s’affirmer.
Quels sont les faits principaux de cette affaire ?
Il ressort des informations distillées par la presse que Djibril BASSOLE est inculpé dans la procédure de l’Etat burkinabè contre les auteurs présumés du coup d’Etat du 16 septembre du Général Gilbert DIENDERE. Son implication reposerait sur des écoutes téléphoniques où « il a établi des connexions avec des forces étrangères pour soutenir le coup d’Etat et financer la résistance militaire du RSP. Le supposé entretien téléphonique entre lui et Guillaume SORO, d’une durée d’environ 16 mn … il s’agit bien d’une copie conforme à celui que détiennent les renseignements Généraux du Burkina, affirme une source bien introduite dans cette structure « in Courrier Confidentiel N° 96 du 25 novembre 2015. »
C’est sur cette base d’écoutes téléphoniques que le Général BASSOLE est inculpé et détenu à la MACA.
S’il parait impossible de discuter les faits reprochés dans le cadre d’une procédure judiciaire, il parait possible de discuter de la légalité des actes de procédure, et c’est cet aspect qui m’importe à l’état actuel du dossier tel que rapporté par les articles des organes de presse parmi lesquels :
-L’œil du Faso n° 016 du 1er juillet 2016 : Djibril BASSOLE, une arrête en travers de la gorge ;
-L’Opinion n° 960 du 29 juin au 05 juillet 2016 : Me Dieudonné BONKOUNGOU, Avocat de BASSOLE, « mon client est un prisonnier politique juridiquement malmené » ;
-L’Observateur Paalga n° 9114 du 12 mai 2016 : la justice militaire face à ses responsabilités : « rien, ni personne n’est supérieure à la vérité.»
-Le reporter n° 188 du 15 au 30 avril 2016 : « affaire coup d’Etat de DIENDERE, la haute hiérarchie militaire dans le viseur des juges d’instruction » ;
-Courrier Confidentiel n°096 du 25 novembre 2015 : Commission d’Etat Rapport.
Toute l’opinion publique nationale et internationale a appris que c’est sur la base des écoutes téléphoniques distillés sur les réseaux sociaux que le Général BASSOLE a été arrêté, inculpé et placé sous mandat de dépôt par le juge d’instruction . Elle a aussi appris que l’expertise commise a abouti à une manipulation par l’organisation d’un montage de la bande sonore.
Il est aussi établi que le juge d’instruction n’avait pas ordonné ces écoutes et qu’il ne les avait pas non plus authentifiées.
Cet état des faits emporte un certain nombre de conséquences juridiques qui s’imposent :
Une pièce d’un dossier judiciaire reposant sur une communication téléphonique non authentifiée et non ordonnée par le juge n’a aucune base légale et ne saurait constituer une charge suffisante à même de justifier une inculpation à fortiori une privation de liberté :
En conséquence, ce moyen qui a permis les poursuites contre BASSOLE est caduc et ne saurait prospérer dans la république.
En dehors des supposées écoutes téléphoniques, y aurait-il d’autres charges impliquant le Général BASSOLE ?
Il n’est pas versé dans le dossier des pièces autres que ces écoutes selon l’avocat de l’inculpé.
Il faut en tirer les conséquences au nom de la loi qui fonde la légitimité des actes des sujets de l’Etat.
Ainsi, la constitution du Burkina Faso stipule en son article 3 que : « nul ne peut être privé de sa liberté s’il n’est poursuivi pour des faits prévus et punis par la loi. Nul ne peut être arrêté gardé ou exilé qu’en vertu de la loi. »
Dura lex, seid lex : la loi est dure, mais c’est la loi. Au nom de la loi, il convient de libérer Djibril BASSOLE, même si c’est dur pour certaine opinion quelle que soit son camp politique.
Des charges nouvelles ou de la précision de la qualification des faits reprochés.
Aux termes de l’article 189 du code de procédure pénale, « Sont considérées comme charges nouvelles, les déclarations de témoins, pièces ou procès-verbaux, qui n’ayant pas pu être soumis à l’examen du juge d’instruction, sont cependant de nature à fortifier les charges qui auraient été trouvées trop faibles, soit à donner aux faits de nouveaux développement utiles à la manifestation de la vérité ».
Au regard de l’article 189, y a-t-il eu charges nouvelles à travers la supposé communication téléphonique entre le Général BASSOLE et le commandant DAMIBA, tout en sachant que ces faits étaient connus du juge puisque compris dans les pièces du dossier dès l’ouverture de l’information ? La réponse est assurément non !!!
Que cherchait alors le juge à travers cette notification du 21 juin 2016 faite au Général BASSOLE ? On pourrait avancer toutes les raisons sauf des raisons de légalité.
Abdoul Karim TRAORE signifiait dans son ouvrage : « La crise politico-institutionnelle au Burkina Faso ou la nécessité d’une refondation » à la page 70 : « les institutions de la république sont les instruments de régulation de l’Etat. Elles doivent être l’expression du compromis fondant l’Etat républicain à travers des modes de fonctionnement démocratique et républicain ». Ainsi, la république c’est l’autorité de la loi à laquelle sont soumises toutes les institutions ainsi que les citoyens.
La politique s’organise en une séparation des pouvoirs pour être démocratique, évitant la concentration des pouvoirs de l’Etat dans les mains d’un seul individu ou d’une seule institution. Mais tous les pouvoirs restent soumis aux politiques dans un cadre légal.
Dès lors, la justice ne peut aucunement arrêter de détenir un citoyen au nom de le loi en dehors de la république.
Certes, il a été donné de constater que de façon répétée, la justice du Faso a violé les lois de la république dans la conduite de cette procédure relative au coup d’Etat du Général DIENDERE.
Singulièrement, le Général BASSOLE subit aujourd’hui l’Etat burkinabè en dehors de toutes normes légales. Les détournements de procédures à travers cette notification du 21 juin dernier, le maintien contre la loi des écoutes téléphoniques, le refus de la chambre de contrôle de l’instruction de se prononcer sur la régularité de ces écoutes à travers sa déclaration d’incompétence, sont autant de preuve de l’arbitraire et de déni de justice.
Dans de telles circonstances, tous les défenseurs de droits de l’homme, tous les démocrates et tous les hommes et femmes épris de justice, doivent se lever pour le respect de l’Etat de droit.
Le président du Faso, incarnant le chef de l’Etat est interpellé car c’est la République qui est mise en cause.
Aujourd’hui c’est BASSOLE, demain à qui le tour ? »
Lassina KO,
Freelancer, communication politique et juridique.
lassinakowelfare@gmail.com