Adama Wya est un expert des questions environnementales et minières. Le secrétaire chargé des projets, programmes et partenariat du Réseau National pour la Promotion des Evaluations Environnementales (RENAPEE) fait partie de ceux qui ont applaudi l’adoption du Code minier le 26 juillet 2015 par le Conseil national de la Transition et se battent depuis lors, sans succès, pour son application effective. Un an après l’adoption du nouveau Code minier, le Doctorant en gestion environnementale de Bircham International University en Espagne, revient sur l’esprit dudit Code, ses dispositions phares, la lutte que mène son mouvement, le RENAPEE, pour son application, les tenants et les aboutissants de cette non application du Code, ainsi que les conséquences.
Burkina Demain : Cela fait déjà un an que le nouveau Code minier a été adopté. Vous avez salué en son temps l’adoption de ce Code. Que devient ce Code aujourd’hui ?
Adama Wya : Le 26 juin 2015, le Burkina Faso a décidé de passer d’un code minier attractif à un code minier de développement. Ainsi un nouveau code minier a été adopté. Il doit régir l’ensemble des opérations relatives à la prospection, à la recherche, à l’exploitation des gîtes de substances minérales ainsi qu’au traitement, au transport, à la transformation, à la commercialisation et à l’économie des substances minérales à l’exclusion de l’eau et des hydrocarbures liquides et gazeux. Il doit également régir l’ensemble des opérations de réhabilitation et de fermeture des sites d’exploitation des mines et des carrières. Cependant, force est de constater que les retombées bénéfiques au service du développement économique et social attendues de ce nouveau code minier ne sont pas visibles sur le terrain du fait de la non mise en œuvre de cette nouvelle loi. J’en veux pour preuve le non fonctionnement du fonds de réhabilitation et de fermeture des sites miniers, du fonds de sécurisation des sites miniers artisanaux et de lutte contre l’usage des produits chimiques prohibés, le fonds de financement de la recherche géologique et minière et de soutien à la formation sur les sciences de la terre et du fonds de développement local qui doit contribuer au financement de la mise en œuvre des plans communaux et régionaux de développement. La non mise en œuvre du nouveau code minier se traduit également par la présence sur les sites d’orpaillage des enfants, l’utilisation dans bon nombre de sites artisanaux du mercure et du cyanure. Dans bon nombre de mines industrielles, la priorité n’est pas encore accordée aux entreprises Burkinabé pour la fourniture des biens et des services. Par ailleurs, bon nombre de mécanismes de contrôle du secteur minier par l’administration burkinabé sont toujours aux antipodes des dispositions législatives et réglementaires en vigueur au Burkina Faso et des normes de bonnes pratiques en matière de contrôle des industries extractives. Par conséquent, la non application de cette loi ne profite qu’aux miniers et aux orpailleurs de même qu’à tous les acteurs qui tirent leurs substances dans les fraudes et les corruptions du secteur extractif du Burkina Faso.
Burkina Demain : Vous (RENAPEE) avez en janvier dernier appelé à la prise diligence des décrets d’application dudit Code. Qu’est-ce qui explique que l’on en soit toujours là, sans une application du Code ?
Adama Wya : Effectivement, au niveau du RENAPEE, nous avons attiré l’attention du gouvernement sur la nécessité de la prise diligence des décrets d’application dudit Code. Plus de 15 textes réglementaires doivent être élaborés et mis en œuvre. En rappel, le gouvernement devrait se pencher très vite entre autres sur :
-l’adoption de politique nationale assortie d’une stratégie de développement et de promotion de la fourniture locale au profit du secteur minier ;
-la mise en place d’un cadre tripartite regroupant des représentants de l’Etat, des Sociétés minières et des fournisseurs de biens et services miniers pour le développement et le suivi de la croissance de la fourniture locale au profit du secteur minier;
-l’application de l’article 102 du nouveau code minier selon lequel « L’entreprise soumet à l’Administration des mines un plan de formation des cadres locaux pour le remplacement progressif du personnel expatrié. L’entreprise est tenue au respect des quotas progressifs d’emplois locaux selon les différents échelons de responsabilité. Un décret pris en conseil des ministres établit la nomenclature des postes et les quotas d’emplois locaux requis suivant le cycle de vie de la mine.» ;
-l’application de l’article 139 qui demande la réalisation de l’audit environnemental tous les deux) ans ;
-la mise en place d’un dispositif de prévention et, le cas échéant, de réparation des violences des droits humains des communautés affectées enregistrées dans le cadre des activités minières ;
-la mise en place de mécanisme permettant de s’assurer que les titulaires des titres miniers ou d’autorisations et les autres entités commerciales impliquées dans l’exploitation minière mènent leurs activités dans la préservation des droits humains des populations affectées, notamment leurs droits à un niveau de vie suffisant et à l’amélioration constante de leurs conditions d’existence.
Jusqu’à présent aucun décret d’application n’a été adopté. Même pour des dispositions du code qui ne nécessitent pas de décret d’application ne sont pas mises en œuvre. C’est dommage car, si rien n’est fait d’autres mines pourront se fermer sans procéder par une réhabilitation de leur espace dégradé à l’image de la mine de Kalsaka. Il ne faut pas occulter le fait que les mines d’or au Burkina ont des durées de vie relativement courtes.
Burkina Demain : Pensez-vous toujours que les conditions sont réunies pour l’application de ce Code puisque les miniers évoquent des charges supplémentaires dans un contexte de chute du cours des minerais sur le marché international…
Adama Wya : Nous sommes face à une situation caractérisée par des intérêts et des logiques divergents. Pour avoir fait six ans dans une entreprise de production d’or, l’une des leçons que j’ai tirée est la suivante : « l’entreprise minière prônera toujours qu’elle est en difficulté financière, que les charges de production sont élevées au Burkina Faso, que les variations du cout de l’or ne sont pas à sa faveur ». Je pense que l’Etat burkinabé ne doit pas céder à ces chantages. Les différentes contributions proposées au profit des populations locales et de l’environnement minier ne sont pas au-dessus des capacités de contribution des entreprises minières. Le chantage qui est fait s’inscrit dans le cadre d’une stratégie pour rendre la prise des décrets difficiles, retarder le processus, gagner en temps, en espérant qu’un jour le gouvernement pourra céder. Il appartient au gouvernement de privilégier l’intérêt supérieur des Burkinabé, d’être vigilent et de ne pas céder au chantage.
Burkina Demain : Les autorités actuelles font-elles le nécessaire pour l’application du nouveau Code minier ?
Adama Wya : Je pense que les autorités actuelles ne font pas le nécessaire pour l’application du nouveau code minier. On ne sent pas un engouement de la part de l’exécutif pour la mise en œuvre du nouveau code minier. Pour preuve, aucun décret d’application n’est adopté. Cependant, Je me réjouis de l’enquête parlementaire initiée par l’assemblée nationale. Mais il ne faut pas occulter le fait que le CNT s’était beaucoup appesantit sur le secteur minier. Bon nombre de conclusions existent auprès des acteurs qui ont animé le CNT. La situation avait été analysée. Des propositions fortes avaient été formulées. Le parlement n’avait qu’à exploiter ces données. Cela nous permettrait de gagner en temps.
Je crains fort que cette enquête parlementaire ne vienne encore retarder le processus d’adoption des décrets d’application du nouveau code minier et qu’on se retrouve en 2017 ou en 2018 en train de parler de ce code.
Burkina Demain : Quels sont les acquis non révisables dans ce Code minier ?
Adama Wya : En matière de code minier, il est difficile pour moi de parler d’acquis non révisables. En effet, la révision d’un code minier dépend de l’option choisie par le gouvernement. L’option peut être d’avoir un code minier attractif. L’option peut également être d’avoir un code minier de développement. La révision peut également dépendre de la conjoncture économique, de l’évolution du coût des matières premières et de bien d’autres facteurs.
Entretien réalisé par Martin Philippe
Burkina Demain