Alexandre Varaut, membre du barreau de Paris, est sans doute l’un des tenaces défenseurs du Général Djibrill Bassolé, détenu il y a maintenant un an pour sa présumée implication dans le putsch du 16 septembre 2015. Me Varaut vient de séjourner au Burkina les 28, 29 et 30 septembre 2016 dans le cadre du premier anniversaire de l’arrestation du Général Bassolé. L’avocat parisien n’a pas varié d’un iota sur sa ligne de défense de Bassolé dont il juge la détention politique et arbitraire. «On s’est servi du putsch pour éliminer Djibrill Bassolé de la scène politique (…) il n’avait ni de lien avec le RSP, ni avec le putsch», soutient-il dans cet entretien exclusif qu’il nous a accordé dans la soirée du 30 septembre 2016 à Ouagadougou, juste avant son vol-retour sur Paris.
Burkina Demain : Vous avez animé une conférence de presse ce 29 septembre dernier. Quelle a été la teneur du message que vous avez voulu livrer aux journalistes ?
Me Alexandre Varaut : LA conférence de presse était symbolique puisque c’était le premier anniversaire de la détention de Djibrill Bassolé qui est en prison depuis un an. Un an, c’est très long quand on a rien à se reprocher et en plus quand on est privé de sa famille. Un an, c’est très long, quand les explications que l’on donne au fur et à mesure, pour le moment, ne sont pas encore entendues. C’était donc important pour moi d’être à Ouagadougou afin de rencontrer Djibrill, la presse ainsi que le juge d’instruction pour qu’on ne l’oublie pas. L’objectif, c’est qu’il soit libéré car cela n’a que trop duré.
Vous avez eu une rencontre avec le juge d’instruction. Qu’est-ce qu’il en ressort ?
J’ai rencontré le juge d’instruction et je suis persuadé qu’il veut bien faire. Je vois qu’il y a la partie judiciaire et la partie politique. Dans la partie d’instruction je sais que le juge va bien faire son travail mais on ne peut pas ne pas reconnaître que Djibrill Bassolé est en prison uniquement parce que c’est un homme politique. On a commencé à l’écarter de l’élection présidentielle par la loi constitutionnelle. Après il y a eu le putsch auquel il n’a pas participé. D’ailleurs, il n’était même pas à Ouagadougou et on a réussi à faire comme s’il était un des acteurs ou un bénéficiaire. Donc, il s’est retrouvé en prison parce que d’autres que lui auxquels il n’avait rien demandé, ni ordonné, dont il n’attendait rien d’eux, ont voulu protéger leurs intérêts personnels et ceux du régiment de sécurité présidentiel qui n’intéressait pas particulièrement Bassolé. Il n’avait ni de lien avec le RSP ni avec le putsch. Par conséquent, on s’est servi de ce putsch pour l’éliminer de la scène politique du Burkina Faso.
Vous êtes sur le point de prendre votre vol retour sur Paris. Quelle appréciation ou bilan faites-vous de votre présent séjour au Burkina ?
Je suis content d’être venu puisque j’ai pu voir Djibrill et bien d’autres journalistes qui s’intéressent à sa situation, qui sont prêts à entendre, à être le relai auprès des Burkinabè, de notre inquiétude. Je pense qu’au début le peuple Burkinabè avait des inquiétudes, peut être pour certains mêmes des soupçons mais petit à petit l’opinion s’est retournée, trouvant qu’un an, c’est long pour que quelqu’un soit emprisonné pour des soupçons. Si seulement il y avait des preuves ou s’il avait vraiment participé à un putsch ou encore s’il en avait été un des organisateurs, au bout d’un an d’enquête on l’aurait su. Mais au bout d’un an d’enquête, il n’y a toujours rien. Alors il est temps d’en tirer les conséquences et de le remettre en liberté.
Vous avez pu voir Djibrill Bassolé. Comment l’avez-vous trouvé ?
Cela fait la deuxième fois que j’ai vu Bassolé. Je trouve que son moral est bon. Même s’il trouve le temps long, il a de l’espoir, il aime bien son pays, c’est un vrai patriote. Il voudrait se voir libre pour pouvoir être utile à son pays parce que nous avons tous besoin de liberté. Mais, surtout il a rage de voir que le Burkina Faso ne va pas bien et lui, il est en prison, il ne peut rien faire pour l’aider. Mais, il y a une chose qu’on peut constater…
Laquelle ?
C’est que tous les ennuis de Djibrill datent de l’époque de la transition et de celle de l’ex- premier Isaac Zida. Il semble qu’on a compris maintenant qui était Zida. Donc c’est assez curieux que Zida qui est à l’origine de la détention de Djibrill pour l’éliminer, soit caché aujourd’hui à l’étranger avec, dit-on, beaucoup d’argent et Bassolé qui n’a rien fait, soit en prison. Je sais que le Burkina est en train de rentrer dans une nouvelle ère et phase politique.
Comment une nouvelle ère ?
Parce que hier (ndlr : c’était le 29 septembre 2016) en même temps que le premier anniversaire de la détention de Djibrill Bassolé, il y avait l’installation de la commission constitutionnelle pour la cinquième république. Et le principe même d’une constitution comme celle que veut se donner le Burkina, c’est la liberté, la démocratie et la séparation des pouvoirs. Séparer les pouvoirs c’est-à dire que les politiques ne s’occupent plus de la justice, le président de la république n’a plus d’autorité sur le tribunal et le ministre de la justice n’est pas partie civile dans les procès comme celui qui est là actuellement.
Que voulez-vous dire par-là ?
Je veux dire qu’aujourd’hui je regrette que le ministre de la défense ait autorité sur le tribunal, qu’il puisse révoquer des juges, que le ministre de la justice soit partie civile dans les procès. C’est bien un procès politique qui se prépare. Et mon vœu, c’est que Djibrill Bassolé cesse d’être un prisonnier politique ou un prisonnier de la politique. Car, si l’on ne s’occupe que de la justice dans cette affaire, il est certain que Djibrill Bassolé sera libéré dans 15 jours.
Vous avez saisi également la commission de l’ONU sur les détentions arbitraires. Qu’attendez-vous exactement de cette commission de l’ONU ?
Effectivement, nous avons saisi il y a une dizaine de jours maintenant la commission de l’Organisation des nations unies qui s’occupe particulièrement des détentions arbitraires, généralement dans les cas où il y a une confusion entre la justice et la politique, où l’on se sert de la justice à des fins politiques et où on peut trouver des gens qui sont en prison non pas parce qu’ils ont commis un délit, un crime mais parce qu’on veut les éliminer de la scène politique. C’est exactement le cas de Djibrill Bassolé. C’est pourquoi, nous nous sommes approchés de l’ONU pour qu’elle examine sa situation particulière. Est-ce qu’il est normal qu’il soit en prison depuis si longtemps? Est-ce qu’il est normal que ce soit une justice militaire sous l’autorité du président de la république? Est-ce qu’il est normal que quand on veut remettre un document important au juge que celui-ci refuse de le prendre? Bref, nous avons beaucoup de griefs que nous avons exposés à l’ONU pour qu’elle enquête. Il est bien vrai que l’ONU ne peut pas donner des ordres au Burkina, mais il est néanmoins membre de l’Organisation.
Mais, qu’en attendez-vous au juste, si l’ONU ne peut pas donner des ordres au Burkina ?
Il est clair que si l’ONU juge la détention de Djibrill Bassolé anormale, arbitraire et non respectueuse des règles de droit ; le Burkina Faso va se trouver embarrassé. Mais le plus simple pour le Burkina, serait que Djibril Bassolé soit remis en liberté avant que l’ONU ne se prononce sur son cas. Sa longue détention qui ne se justifie pas du point de vue du droit, n’a que trop duré.
Entretien réalisé par Grégoire B. Bazié
Burkina Demain