Bruno Kapanji Kalala, chargé de mission de l’ Agence pour le développement et la promotion du Grand Inga

S’il y a un projet dont la réalisation peut sortir l’Afrique de sa pauvreté énergétique et partant du sous-développement, c’est bien le Grand Inga, notamment Inga III doté d’un potentiel inégalé de plus de 42 000 MW. Naturellement il en a été question lors de la deuxième semaine du Programme de développement des infrastructures (PIDA) tenue du 21 au 25 novembre 2016 à Abidjan.

Kapanji Kalala, chargé de mission de l’ Agence pour le développement et la promotion du Grand Inga
Bruno Kapanji Kalala, chargé de mission de l’ Agence pour le développement et la promotion du Grand Inga

Pour Bruno Kapanji Kalala, chargé de mission de l’ Agence pour le développement et la promotion du Grand Inga (ADPI RDC), logée à la présidence congolaise à Kinshasa ; il ne fait pas de doute : le gigantesque projet hydroélectrique, dit-il, est la solution pour le continent. Et qu’une fois réalisé, ses impacts devraient être perceptibles du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest de l’Afrique. Sur la question par exemple de l’emploi qui a été au cœur de cette deuxième semaine du PIDA, l’ancien ministre de l’énergie et ex-secrétaire permanent du Pool énergétique de l’Afrique centrale estime que pour chaque pays qui sera traversé par une ligne d’interconnexion, ce sont des milliers d’emplois qui seront créés directement ou indirectement. L’on estime pour chaque pays traversé, «des retombées économiques de l’ordre de 3 milliards de dollars». «Inga, c’est un potentiel de 44 000 MW. Cela n’existe pas ailleurs. Trois Gorges (le plus grand barrage hydroélectrique au monde à l’heure actuelle)  font 26 000 MW. En plus sa réalisation n’aura pas grands d’impacts socio-environnementaux parce qu’il n’y a pas de villages à déplacer».

Besoins de financements colossaux

Si le projet Grand Inga en lui-même ne pose pas problème, son financement est resté pendant longtemps problématique. En effet, les bailleurs ont traîné les pieds à apporter les fonds nécessaires à sa réalisation. L’on estime à 12 milliards de dollars les fonds nécessaires pour la réalisation seulement de la première phase de Inga III, prévu pour être réalisé en huit phases. Pour cette première phase, rien que pour construire la ligne électrique jusqu’à en Afrique du Sud, 3 milliards de dollars US sont indispensables. Il est attendu de la réalisation de cette première phase d’Inga III, quelques 4 800 MW. 2 300 MW sur les 4 800 MW resteront en République démocratique du Congo : 1 300 MW iront aux entreprises minières du Katanga et 1000 MW au Sud du pays. L’Afrique du Sud est preneur des 2 500 MW restants. Mais, à en croire le ministre Kalala, il n’y a pas que l’Afrique du Sud qui est intéressé par les mégawatts du Grand Inga. Il a parlé d’un protocole signé avec le Nigeria qui permettra à ce plus grand producteur d’énergie électrique ouest-africain d’acheter 10 à 15 000 MW. Il y a également l’Autorité économique du Canal de Suez en Egypte qui est partante pour acheter 15 000 MW.

Les bailleurs de fonds bougent

Au vu de cet engouement pour les mégawatts du Grand Inga, les bailleurs de fonds ont commencé à bouger. Déjà en octobre 2015, la Banque mondiale a annoncé au cours des assemblées annuelles de Lima au Pérou sa contribution d’un montant d’un milliard de dollars US pour le financement du projet. Les bailleurs chinois ont aussi fait preuve d’intérêt pour le projet, sans oublier la Banque africaine de développement (BAD) qui est résolument engagée dans le financement des infrastructures sur le continent. Et la participation de la délégation congolaise à la deuxième semaine du PIDA n’est pas fortuite. Elle participe de la recherche des financements au niveau africain en faveur du projet. En plus de la BAD, plusieurs pays africains dont l’Afrique du Sud sont en effet intéressés par le projet et pourraient donc participer à son financement.

L’inquiétante situation politique congolaise

Une vue du canal du Grand Inga
Une vue du canal du Grand Inga

Bruno Kapanji Kalala se veut rassurant quant à l’avancement d’Inga III. «Le projet connaît un avancement avec le soutien des Africains et des institutions financières. Nous sommes dans le temps». un appel d’offres a déjà permis aux autorités congolaises de présélectionner trois consortiums. Il s’agit du canadien SCN-Lavalin, de l’espagnol ACS et du chinois Three Gorges Corporation. Dans les prévisions, le consortium concessionnaire devrait être choisi avant la fin de l’année 2016 et les travaux devraient démarrer dès 2017 pour une durée de 5 à 6 ans.
On le sait, le pouvoir congolais, en particulier le président Joseph Kabila est pour beaucoup dans les avancées que le projet Grand Inga a connues ces derniers mois. Il en a fait une affaire personnelle. Ainsi il décide le 13 octobre 2015 de créer par ordonnance au sein de son cabinet l’Agence pour le développement et la promotion du Grand Inga (ADPI RDC). Il nomme dans la foulée, et toujours par ordonnance, Bruno Kapanji Kalala, chargé de mission avec rang de ministre. Avec cette prise à bras-le-corps du projet au sommet de l’Etat congolais, les choses ont commencé à bouger dans le bon sens certes ; mais il y a lieu de craindre pour la suite car la météo politique à Kinshasa pourrait bientôt entrer dans une zone de turbulence-touchons du bois- avec la fin du mandat constitutionnel du président Kabila le 19 décembre 2016. Rejetant l’accord politique qui prolonge le second mandat de Kabila, ses farouches opposants n’entendent pas le laisser gérer après cette échéance. Les récentes manifestations de l’opposition et la violente répression des manifestants par les forces de l’ordre semblent donner un avant-goût de ce que pourrait devenir la RD Congo après le 19 décembre 2016. Conscients des risques, les occidentaux (Européens et Américains) ont pris les devant en procédant à des sanctions ciblés dans les rangs du président Kabila. Cela suffira-t-il à calmer leurs ardeurs et à pacifier l’opposition. Rien n’est moins sûr. Dans ce contexte, l’on se demande bien si Joseph Kabila aura encore la tête à la réalisation du grand Inga. Par ailleurs, en Afrique du Sud, Jacob Zuma qui a également été en pointe aux côtés de Kabila sur l’ambitieux projet, va lui aussi quitter ses fonctions dans quelques années. Autant dire que le Grand Inga pourrait encore accuser des retards avant de reprendre sa vitesse de croisière. Pendant ce temps l’Afrique restera embourbée dans sa pauvreté énergétique, le sous-développement, avec le piteux taux d’électrification de 30%.
Grégoire B. Bazié
Burkina Demain

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