A dix jours de l’investiture du nouveau président élu de Gambie, c’est toujours le statu quo à Banjul. Yahya Jammeh, battu à la présidentielle, demeure au pouvoir et Adama Barrow, élu président, ne sait toujours pas s’il sera effectivement investi le 19 janvier 2017, comme le lui avaient promis ses soutiens à la CEDEAO. La déclaration de mesures fortes, qui devraient être prises à Accra en marge de l’investiture du nouveau président ghanéen Nana Akufo-Ado, sont pour l’instant restées lettres mortes.
Ce ne devrait pas être la joie dans les rangs des faucons de la Communauté économique des Etats de l’Afrique Ouest (CEDEAO)au sortir de la réunion d’Accra sur la crise gambienne. Alors que des mesures fortes y étaient attendues, finalement c’est l’option de la poursuite de la négociation avec le président sortant, Yahya Jammeh qui a été officiellement privilégiée. «Nous nous sommes engagés à une médiation pacifique et à un transfert pacifique du pouvoir en Gambie. Nous continuerons à le poursuivre pour l’instant », a déclaré Sirleaf», avait déclaré la présidente en exercice de la CEDEAO, Ellen Johnson Sirleaf.
Mais, il reste à savoir si cela ne traduit une certaine stratégie qui consiste à prôner d’un côté officiellement le dialogue et de l’autre, à préparer clandestinement une intervention militaire pour déloger Jammeh du palais présidentiel au profit de Adama Barrow, comme le clamait à cor et cri, il y a encore quelques semaines, le président de la Commission de la CEDEAO Alain Souza. Cela est d’autant plus envisageable que certaines sources font état de mouvements de navires américains et français vers les côtes gambiennes. Si cela confirmait, on pourrait parler d’étau qui se resserre autour Yahya Jammeh. En effet, les marges de manœuvre de Jammeh seront extrêmement limitées si les autorités sénégalaises avec l’appui de l’organisation régionale des occidentaux se décidaient effectivement à boucler militairement le petit territoire gambien étendu seulement de 11 300 km2. Il était également annoncé pour ce lundi une réunion de la CEDEAO à Abuja sur la crise gambienne. Mais, ce sera sans les chefs d’Etat qui semblent ne pas être sur la même longueur d’onde par rapport à la solution à apporter à cette crise gambienne.
Alpha Condé, supposé soutien de Yahya Jammeh
La lenteur des chefs d’Etats ouest-africains à prendre des mesures fortes pour contraindre le président sortant Yahya Jammeh à céder le pouvoir au président nouvellement élu Adama Barrow, traduirait des dissensions internes. Tous ne seraient pas favorables à une solution armée. A ce niveau les regards semblent être tournés vers le président guinéen, Alpha Condé.
«Je ne crois pas que l’intervention militaire soit nécessaire si on peut l’éviter par le dialogue», avait laissé entendre Condé qui entretient de bonnes relations avec Jammeh. Il n’en fallait pas plus pour qu’on voie en lui le soutien du président sortant gambien. Mais, l’attitude du président Condé peut se comprendre. Il est d’abord un ami à Jammeh et les amis se soutiennent normalement dans les situations difficiles. Ensuite, Condé qui a été médiateur du chronique conflit de frontière entre le Sénégal et la Gambie ne peut pas passer facilement de la posture de médiateur à celle de guerrier. Et dans le cadre de cette médiation, Alpha Condé avait une retentissante visite officielle en Banjul le 15 mai dernier. Visite au cours de laquelle Alpha avait été reçu à bras ouverts par son ami Yahya. L’autre raison qui pourrait expliquer la position du président guinéen, les relations difficiles qu’il a souvent eues avec les dirigeants sénégalais, du temps d’Abdoulaye Wade comme de Macky Sall. Dans ces conditions, il n’est pas toujours facile pour Conakry de s’engager une initiative, fût-elle régionale, où Dakar est appelé à jouer les premier rôles, ne serait-ce que du fait de sa proximité géographique avec Banjul.
Martin Philippe
Burkina Demain