La diplomatie turque avec en tête le président réussira-t-elle là où les efforts des chancelleries occidentales n’ont pas prospéré dans cette crise du golfe persique ? Alors que perdure la crise entre les pays arabes de la région et son allié, le Qatar, Recep Erdogan se rendra sur place les 23 et 24 juillet 2017 pour une délicate mission de bons offices.
Pour tenter de résoudre la crise qui oppose depuis le 5 juin dernier l’Arabie Saoudite et ses alliés arabes au Qatar, les pays occidentaux (Allemagne, Etats-Unis d’Amérique et la France) ont envoyé sans succès dans la région leurs chefs de diplomatie. La Turquie pour sa part compte aller plus loin dans la médiation.
«Pour mettre un terme à cette crise dénuée de sens, la Turquie va continuer d’adopter un rôle constructif et actif. Dans ce cadre, notre président va faire une tournée dans la région et sera au Koweït, en Arabie saoudite et au Qatar les 23 et 24 juillet», a indiqué le Premier ministre turc Binali Yildirim.
Au lendemain de la commémoration du putsch manqué de 2016 contre son régime, Recep Erdogan entend ainsi mettre tout son poids de président populaire dans la médiation. Il se rendra donc respectivement en Arabie Saoudite, puissance des monarchies du Golfe, au Koweït, médiateur de la crise et enfin au Qatar, grand allié de la Turquie.
Délicate mission pour le président Erdogan
Sur ce coup, en mettant son président dans la balance de la médiation, la Turquie fait la différence avec les autres pays comme l’Allemagne, les Etats-Unis ou la France qui n’ont envoyé que leurs ministres des Affaires étrangères. Reste à savoir si cela suffira à débloquer la crise. La mission s’annonce délicate pour Erdogan qui dès l’éclatement de la crise, s’est indigné et pris position en faveur du Qatar. De prime à bord, sa neutralité risque de poser problème.
Faut-il le rappeler, L’Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis et l’Egypte, ont coupé depuis début juin leurs relations diplomatiques avec le Qatar, l’accusant d’être un soutien actif des islamistes extrémistes, de soutenir des actions de déstabilisation dans la région. Dans la foulée, ils ont décrété l’isolement diplomatique et économique du Qatar. Asphyxié, le pays est obligé de se faire ravitailler par les airs grâce à des pays amis comme l’Iran ou le Maroc.
Pour desserrer l’étau autour de Doha, l’Arabie Saoudite et ses alliés exigent purement et simplement la fermeture de la chaîne Al-Jazeera, la réduction des relations du Qatar avec l’Iran ou la fermeture de la base turque au Qatar.
Les enjeux pour Ankara
On le voit, cette crise du Golfe présente de grands enjeux pour Ankara qui n’a pas su dès le départ maîtriser ses nerfs. En véritable alliée du Qatar, la Turquie s’est en quelque sorte sentie sanctionnée par cet isolement de Doha. D’où cette indignation des autorités dès l’annonce des sanctions et l’appel à y mettre un terme. Appel resté lettres mortes.
Depuis 1972 la Turquie entretient avec le Qatar d’excellentes relations. Des relations qui se sont renforcées au fil des années pour devenir aujourd’hui inébranlables.
Quelques 8000 turcs vivent au Qatar. Plus de 200 sociétés turques sont présentes dans l’Emirat. Les échanges économiques entre les deux pays ont franchi le seuil de 1,2 milliard de dollars en fin 2015 contre 769 millions en 2013.
Le Qatar va devenir un important fournisseur de gaz naturel liquéfié pour la Turquie, après la signature en décembre 2015 d’un contrat en ce sens.
Le projet de base militaire turc à Doha va-t-il plomber la médiation d’Erdogan
En 2016, un accord a été signé entre les deux pays pour la construction au Qatar d’une base militaire turque permanente. Cet accord permettra à la Turquie de disposer à terme d’une présence militaire d’environ 3 000 soldats dans le golfe Persique.
Et c’est justement ce projet de base militaire turc à Doha qui risque de plomber plus que tout la médiation d’Ankara. La volonté des autorités turques d’accélérer sa construction en pleine crise inquiète l’Arabie Saoudite et ses alliés. Et ce n’est pas pour rien que la fermeture de cette base turque au Qatar figure sur la liste des conditions de la levée de l’embargo sur Doha. Pour espérer une sortie de crise, Recep Erdogan devrait avant tout rassurer ses interlocuteurs saoudiens, égyptiens et autres sur cette question de sa base militaire dans le Golfe persique.
Philippe Martin
Burkina Demain