La musique burkinabè connait ces dernières années une ascension fulgurante en Amérique du Nord et en particulier au Canada. Et ce, grâce au génie d’un de ses fils Bébéto Ulrich Lonsili, producteur de musique résident à Montréal, principale métropole de la province canadienne du Québec. Ce digne ambassadeur de la culture et des arts burkinabè est celui qui a fait connaître notre artiste Améty Méria aux canadiens grâce à l’interview qu’elle a accordé au plus grand journal de Montréal. L’homme est également très actif dans le domaine de l’entreprenariat féminin. Présent à Ouaga, dans le cadre de la présentation et des démarches administratives de son projet ‘’Lonsili productions’’, Bébéto a accordé un entretien à Burkina Demain le jour même de son départ pour Montréal.
Burkian Demain (BD): Présentez-vous à nos lecteurs
Bébéto Lonsili (B.L): Je suis Bébéto Lonsily, entrepreneur culturel car je suis artiste, conteur, comédien et producteur.je suis fondateur de la structure ‘’Lonsili Productions’’ dont les sièges se trouvent à Montréal pour le Canada et Bobo-Dioulasso pour le Burkina Faso. Je suis burkinabè et je réside à Montréal, principale métropole de la province du Québec .
BD : Parlez-nous un peu de votre maison de production…
B.L : ‘’Lonsili Productions’’ est une jeune structure culturelle qui vient de naître il y a environs trois mois. Nous sommes dans les démarches administratives pour l’implanter au Burkina. La structure est déjà enregistrée au niveau du Canada, nous avons même la licence, il reste ici où nous comptons implanter le siège à Bobo-Dioulasso.
C’est une structure culturelle où nous allons faire de la production, la diffusion, l’accompagnement et surtout la formation des artistes. Les activités de lancement se dérouleront du 09 au 16 octobre 2017 à Montréal et en janvier 2018 à Bobo-Dioulasso.
Quel est le niveau d’avancement de vos démarches administratives ?
Nous avons rencontré les premiers responsables du ministère de la culture. Je voudrais dire un grand merci au ministre Tahirou Barry, qui nous a donné du temps pour présenter Lonsili Productions. Aussi, avons-nous rencontré le BBDA, le CENASA, la SNC et bien d’autres structures avec les quelles nous sommes en pourparlers afin de nouer des partenariats. Egalement, nous avons rencontré des structures privées de production à Ouaga et à Bobo, et enfin nous avons rencontré plusieurs artistes.
Avant la mise en place concrète de votre maison de production, vous êtes déjà dans la production, n’est-ce pas ?
Oui, oui, je suis dans la production au niveau de Montréal où j’ai eu à produire quelques artistes et aussi faire du booking, c’est-à-dire placer les artistes dans les festivals. Depuis 2011, j’essaie de faire partir à l’extérieur chaque année au moins un artiste du Burkina et d’autre d’Afrique. C’est l’exemple de Kady Diara, Oulaye Diabaté, Améty Méria et aussi d’autres artistes du Mali et du Sénégal ; Abou Diara, Ampathé et de la Côte d’ivoire.
J’ai coordonné aussi beaucoup de tournées canadienne avec des artistes de renom comme Oumou Sangaré, Gohou Michel et Nastou, Petit Pays etc.
Vous avez aussi produit l’artiste burkinabè Améty Méria…
Oui, oui. Améty Méria, nous avons travaillé ensemble ces deux dernières années. En 2015, on a fait ensemble huit festivals et joué dans deux évènements de la communauté burkinabè. L’année passée on a fait trois gros festivals au Canada. Et donc oui, Améty Méria est parmi les artistes que j’ai eu à produire au Canada.
Quelle est votre appréciation du niveau de la musique burkinabè?
J’aime beaucoup cette question-là. Je pense que nous avons de grands artistes qui font de la bonne musique, , ils sont connus au pays, mais malheureusement pas connue dans le reste du monde, ce n’est pas au Canada seulement. Travailler à faire connaître cette musique-là, c’est notre but, c’est notre objectif afin de mieux la vendre comme les autres le font (la Côte d’ivoire, le Mali, la Guinée, le Congo…).
Leurs artistes sont beaucoup connus parce qu’ils ont eu la chance d’avoir des producteurs, des ambassadeurs de leur culture à l’étranger qui ont su vendre leur musique. Chez nous c’est maintenant que ça commence et on a besoin d’accompagnement et de compréhension.
Comment les artistes burkinabè sont perçus, appréciés là-bas au Canada ?
Nos artistes ne sont pas assez connus. Au Canada aujourd’hui, quand tu parles du Burkina Faso, on parle d’Améty Méria. A sa venue au Canada nous avons beaucoup été reçus par la presse ; radio, télé, presse écrite etc. Et ça, c’est l’une des visions de Lonsili productions: placer nos artistes à l’international. On a de très bons artistes, mais hors de nos frontières, ils ne sont pas connus. Donc, c’est notre mission, faire jouer nos artistes dans les évènements à caractère mondiaux.
C’est ce travail de lumière sur les artistes que nous voulons apporter. Il est inadmissible que nos artistes ne soient pas connus à l’étranger alors qu’ils ont un talent extraordinaire. Pour y arriver il faut l’apport de tous je pense, les journalistes également. L’autre chose que je voulais ajouter c’est de demander aux frères d’arrêter les critiques négatives et destructives à l’encontre de nos artistes. Nous devons nous donner la main pour positionner notre culture, notre art à un niveau compétitif.
Quelle est l’actualité de votre artiste Améty Méria ?
Il faut dire que nous sommes en pause, mais l’année prochaine nous allons relancer les choses. Au niveau du Canada nous avons commencé par des festivals moyens. L’année passé on a fait trois gros festivals et on compte monter sur les super festivals. On vise le festival international de Jazz de Montréal qui est le deuxième plus grand festival au monde.
Que pensez-vous de l’argument selon lequel la musique burkinabè ne s’exporte pas parce qu’elle n’est pas bonne ?
Effectivement il y a des observations en la matière, la méconnaissance de notre musique fait qu’elle est moins vendue et c’est une vérité qu’il faut admettre. Nos artistes n’arrivent pas à accéder aux grands festivals. Et pourtant c’est de là que part la renommée mondiale. Il faut qu’au delà des évènements nationaux ou organisés par des burkinabè de l’étranger, comme le mien au canada, le Fony de Gérard, il faut qu’ils sortent et participent à d’autres évènements.
Il faut qu’on arrive à positionner nos artistes dans ces gros évènements comme ca on parlera aussi de nos artistes et on pourra exporter nos musiques. On fait de bonne musique. Je trouve inadmissible qu’on n’arrive pas à vendre comme les autres pays sinon on fait de la bonne musique et on a de grands artistes. Nous devons travailler ensemble pour faire du Burkina une destination à ne pas manquer. Nous avons tellement de belles choses à montrer à la face du monde de par la culture.
Vous souhaitez l’accompagnement des journalistes à la mission de visibilité des artistes. Dites-moi quelle est votre appréciation de l’incident Kora/BF ?
Je condamne la violence, j’ai toujours dit non à la violence. Non, non, non à toute forme de violence. Il faut que chacun mette un peu d’eau dans son vin. La presse et le milieu culturel, nous sommes une même famille et nous devons continuer à travailler ensemble.
Il y a eu des sanctions mais je pense plutôt qu’il faut pardonner. Nous sommes les maillons d’une même chaine. Et je profite de votre micro lancer un appel aux journalistes, aux artistes, au monde culturel de se pardonner et de faire en sorte que le linge sale soit laver en famille, nous sommes une famille et c’est ensemble que nous sommes forts.
J’étais reçu à la radio Oméga, la semaine dernière mais j’avoue que j’étais un peu mal à l’aise à cause de cet incident, surtout avec mes dreads. Je sentais les regards se poser de temps en temps sur moi, certainement que certains murmuraient voilà un autre Rasta (rire).
C’est regrettable ce qui s’est passé, et j’avoue que j’étais même révolté quand j’ai appris la nouvelle. Parce que, quand je me souviens de ce qu’il n’y a pas longtemps que nous artistes sommes sortis pour dire non à la violence et voilà quelque temps après c’est nous-mêmes les acteurs de violence, j’étais outré. Mais c’est des choses qui arrivent et il faut tirer les leçons et faire en sorte que ça ne se reproduisent plus jamais. Les artistes doivent être des messagers de non violence, des partisans de paix et de dialogue.
Vous êtes aussi engagé sur la question de l’entreprenariat féminin à travers votre projet ‘’hommage aux femmes’’ Qu’en est-il ?
C’est un prix qui existe depuis 6 ans et qui récompense les femmes qui s’illustrent positivement dans leur domaine d’activité peu importe le secteur (politique, restauratrice, artiste, bénévole …).. ‘’Hommage aux femmes’’ contribue à honorer et valoriser les femmes.
Cette année on avait 14 pays invités et le Burkina Faso était le pays invité d’honneur. Une délégation de huit personnes venues de Ouaga plus deux vivant au Canada ont représenté le pays. On a invité cinq artistes : Awa Boussim, Awa Sissao, Imilio Lechanceux, Tines la Déesse et ATT.
Ce prix est international et concerne plusieurs pays ; France, Canada, Brésil, les Antilles, etc.
Comment y prendre part ?
Très simple il suffit d’aller sur notre page facebook et cliquer sur j’aime de la page ‘’Hommage aux femmes’’. Les lauréats sont recrutés par période. Cette année le lancement de recrutement des futures lauréates se fera d’Octobre à Septembre.
L’édition dernière, nous avons enregistré plus de trois cent candidatures de par le monde, parmi lesquelles le jury a retenu douze. Une burkinabè du nom de Awa Antoinette Compaoré était aussi lauréate. Nous disposons d’une représentation ici au Burkina dirigée par Kotimi Guira.
Dans le cadre de ce prix, nous avons été reçu par le maire de la ville de Montréal où nous avons signé le livre d’or, nous sommes aussi reçus chaque année par le gouvernement canadien où nous présentons les exemples de réussite de femmes.
Entretien réalisé par Joachim Batao
Burkina Demain