Le président Barack Obama avait dit, lors de son discours historique d’Accra en 2009, que l’Afrique n’avait pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes. Huit ans après, c’est du Kenya, pays du père de l’ancien président démocrate américain, qu’est venue ce vendredi une décision allant véritablement dans ce sens : l’invalidation par la Cour suprême kényane de la victoire du président Uhuru Kenyatta à la présidentielle du 8 août et l’ordonnance de la reprise du scrutin dans un délai de deux mois.
C’est rarissime pour ne pas être commenté, ce qui vient de se passer à Nairobi en cette journée du 1er septembre 2017. Il s’agit de l’invalidation de la victoire du président Uhuru Kenyatta à la présidentielle kényane du 8 août dernier. La Cour suprême du pays, qui a pris cette décision, a ordonné dans la foulée la reprise du scrutin dans un délai de 60 jours. Pour prendre cette décision, la Cour s’est fondée sur les irrégularités qui ont émaillé le scrutin.
Jamais, dans l’histoire de la démocratisation de l’Afrique, aucune juridiction, fût-elle suprême, ne s’était permise de chambouler les résultats transmis par une commission électorale, encore moins les remettre en cause et ordonner une reprise des votes, comme vient de le faire la Cour suprême du Kenya.
Jusque-là, tout se jouait au niveau des commissions électorales, confinant de facto les juridictions suprêmes dans les seconds rôles qui consistent à valider mécaniquement les résultats transmis par les commissions électorales. En fait, les responsables politiques désireux d’avoir la haute main sur les résultats électoraux manœuvraient de sorte à avoir des hommes ‘’acquis’’ à la tête, à la fois des commissions électorales et des juridictions suprêmes. Ce qui faisait de ces juridictions de simples chambres d’enregistrement ou de résonnance.
Mais, là avec ce coup de tonnerre dans le ciel de la démocratisation africaine qui nous vient de Nairobi, l’on peut se permettre de rêver de nouveau de vraie démocratie sur le continent. Il ne suffira plus d’organiser des élections pour être sûr de les remporter.
«Tout ça pour ça »
Tout n’est pas encore totalement perdu pour le président Uhuru Kenyatta qui s’est vite remis dans le sens de la campagne, pour ne pas laisser le champ libre au rival Odinga, mais reste que c’est un grand revers pour lui et son camp. «Tout ça pour ça», est-on tenté de lâcher. Après avoir célébré sa victoire et remercié ses partisans, s’il doit tout reprendre comme si de rien n’était, les choses ne s’annoncent pas aussi aisées pour lui. Saura-t-il remonter le moral de ses partisans dont certains, se préparaient à la continuité de la gestion des affaires publiques ?
De son côté, le rival Raila Odinga, à qui profite cette décision de la Cour suprême, n’a pas boudé son plaisir, qualifiant la décision d’historique pour les peuples kényans et africains. Pour lui, l’espoir renaît quant à la possibilité d’accéder au palais présidentiel.
Que cela fasse tache d’huile !
Compte tenu de son âge (72 ans), c’était sa dernière carte à jouer. Il n’entendait pas la gâcher. Ainsi, malgré les résultats de la commission électorale qui donnaient une nette avance au président Uhuru Kenyatta (54%), Odinga après plusieurs hésitations, a finalement opté de formuler des recours devant la Cour suprême. Il aura été finalement bien inspiré. Tout est à l’honneur de cette Cour suprême qui a été à la hauteur de l’espérance des partisans de l’opposition. Pourvu que cela fasse tache d’huile sur le continent!.
Car, si les autres cours suprêmes suivent l’exemple kényan, l’on devrait pouvoir faire l’économie de beaucoup de crises post-électorales souvent meurtrières en Afrique. Si les citoyens africains venaient à avoir confiance en leurs institutions, il n’y aurait plus de raisons valables pour eux de vouloir en découdre dans la rue, à coup de machettes ou fusils.
Philippe Martin
Burkina Demain