L’Etat burkinabè, au contrôle de la compagnie Air Burkina depuis quelque temps, semble avoir pris la mesure des responsabilités qui l’incombent pour aider à redorer le blason du fleuron, jadis une référence sous- régionale en matière de transport aérien. Dans cette perspective, Gerald Cornu, directeur commercial Zone Afrique du constructeur canadien Bombardier, a séjourné en début de semaine au Burkina Faso. Séjour au cours duquel le haut responsable de la multinationale canadienne a eu, avec le président du Faso Rock Kaboré et le Premier ministre Paul Kaba Thiéba, des échanges visant l’acquisition de nouveaux appareils destinés au renforcement de la flotte de la compagnie nationale réduits seulement à deux avions.
Pour le présent séjour burkinabè, le directeur commercial Zone Afrique de Bombardier Gerald Cornu a d’abord été reçu en audience à Kosyam par le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, avant de se rendre à la Primature où il a assisté à une séance de travail consacrée à la restructuration de la compagnie Air Burkina présidée par le Premier ministre Paul Kaba.
A Kosyam comme à la Primature, les échanges ont porté sur la question du renforcement de la flotte d’Air Burkina réduite actuellement à seulement deux avions de type Embraer, à travers l’acquisition de nouveaux appareils Bombardier de type Q 400, ‘’moins énergivores et plus économes’’, selon le ministre burkinabè des transports, de la mobilité urbaine et de la sécurité routière Souleymane Soulama.
La question de Air Burkina, à la croisée des chemins, est donc pris à bras-le-corps par les plus hautes autorités du pays. Le fondement de cet engagement des plus hautes autorités, en particulier du chef de l’Etat se trouve quelque part là, dans ce passage de son programme de société portant ‘’amélioration de la desserte aérienne et de la promotion de la destination touristique Burkina Faso par :« l’incitation à la création d’une compagnie nationale pour une desserte journalière à partir de Bobo-Dioulasso».
Vers la mise en place d’une société d’économie mixte
L’ambition affichée à moyen et long termes, c’est de pouvoir desservir non seulement les grands centres urbains du pays mais aussi des capitales dans la sous-région, voire plus loin, notamment des pays asiatiques.
Et à entendre ses acteurs, la séance de travail sur la restructuration de Air Burina présidée ce 12 septembre par le PM Thiéba, s’est bien passée et augure de belles perspectives.
«Nous sommes dans une très belle première étape qui est très constructive. Reste maintenant à travailler sur les aspects techniques et économiques et voir quelle serait la meilleure réponse que Bombardier pourrait apporter à Air Burkina », a confié Gerald Cornu.
« Nous sommes en pleine restructuration avec la mise en place d’une société éventuellement d’économie mixte ou société d’Etat. Le groupe Aghan Khan a cédé uniquement ses parts et il y avait aussi des sociétés burkinabè qui y étaient actionnaires. Nous sommes en discussions avec ces sociétés pour voir si elles vont nous céder totalement ou maintenir leurs parts», a indiqué pour sa part le ministre Souleymane Soulama.
Refiler la gestion à des privés
Créée en 1967 à l’aube des indépendances, « Air Volta » de son nom originel fait partie des compagnies aériennes qui partageaient leur trafic international avec la défunte Air Afrique. Vers la fin des années 90 Air Burkina est partiellement privatisée. Le 21 février 2001 l’État du Burkina Faso cède 86 % des actions de la Compagnie AIR BURKINA au Consortium AKEFD/IPS (WA) du réseau Agan Khan de développement. Cette opération de privatisation avait fait l’objet de trois conventions: la première engageait le repreneur à assurer la pérennité de l’exploitation du transport aérien au Burkina Faso, la deuxième était une convention de Concession de trafic qui fixait les conditions et modalités de l’exploitation et du développement des services aériens de transports.
Depuis le 11 mai 2017, après le retrait du Fonds Aghan Khan pour le Développement Economique (AKFED), l’Etat a repris possession d’Air Burkina. Et le ministre Soulama a été on ne peut plus clair : «En tous les cas, l’Etat sera actionnaire majoritaire à plus de 99,94%, quelles que soient les décisions des privés».
Mais, le Burkina n’étant pas un pays nanti, ses marges de manœuvre pour assurer un financement conséquent du développement de la compagnie à long terme sont limitées. Et l’on se demande bien jusqu’où tiendra cette participation à la soviétique de l’Etat au capital de Air Burkina.
En effet, à part les pays pétroliers comme le Qatar, la plupart des pays ont réduit ou envisagent de réduire leur participation au capital de leurs compagnies nationales pour les permettre d’être plus rentables, s’ils ne les privatisent pas.
Dans ce contexte mondial hautement capitalistique, les autorités burkinabè vont devoir, probablement à un moment donné, refiler la gestion de la compagnie nationale à des acteurs privés à même de permettre véritablement à Air Burkina de voler de plus en plus haut et de plus en plus loin.Ici au Burkina Faso, comme à l’extérieur. Bien sûr, cela ne signifie pas que l’Etat en ce moment se désengage totalement. Il veillera toujours au grain et interviendra en cas de nécessité pour éviter par exemple que les acquis de notre compagnie ne soient bradés.
Martin Philippe
Burkina Demain