L’institut Free Afrik en partenariat avec l’ONG Diakonia et l’Union Européenne, a animé ce mercredi 11 octobre à Ouagadougou, une conférence publique sur le thème : « Les réalisations du PNDES en débat » le mercredi, 11 octobre 2017 à Ouagadougou. Un panel économique sur le suivi-évaluation citoyen du PNDES.
Ce panel s’est articulé autour de trois communications majeures. Ce sont d’abord, de l’intervention du secrétaire permanent du PNDES, Alain Siri, sur les « performances à mi-parcours de la mise en œuvre du PNDES » ; ensuite, de la participation du Dr. Abdoul Karim Saïdou, sur « les enjeux de la sécurité et la réconciliation nationale dans mise en œuvre du PNDES » et enfin, de la présentation du Dr. Ra-Sablga Ouédraogo sur « l’évaluation des questions de gouvernance économique, démocratique et sécuritaire ».
Quelques avancées dans la mise en œuvre du PNDES mais aussi des difficultés.
Le secrétaire permanent du PNDES a fait un bilan à mi-parcours du plan national de développement économique et social. En effet, Alain Siri a laissé entendre qu’il y a « un certain nombre de résultats palpant » dans la mise en œuvre des différents axes du PNDES. C’est-à-dire que dans l’axe 1 portant « réforme des institutions et modernisation de l’administration publique », « les progrès se consolident dans le cadre de la lutte contre la corruption depuis 2016 avec l’adoption des textes d’application de la loi anti-corruption ». Au niveau du second axe traitant du « capital humain », il y a également des progrès identifiés en terme donc de réalisation d’infrastructures scolaires dans tous les ordres d’enseignements. C’est-à-dire du préscolaire au niveau universitaire. Et enfin, au niveau de l’axe 3, portant sur « la transformation de l’économie », le communicateur a souligné que des progrès en cours ont été identifiés. Notamment donc dans les réalisations des infrastructures (routières, des pistes rurales, d’approvisionnement en électricité).
Mais Alain Siri ne s’est pas uniquement contenté de présenter les avancées du PNDES. Il a aussi fait mention des difficultés rencontrées dans sa mise en œuvre. Celles-ci sont essentiellement liées au contexte post-insurrectionnel que connait le pays. Il s’agit des grognes sociales, de l’insécurité entre autres. Ces situations malheureuses viennent entraver la bonne marche et font qu’il y a des résultats qu’on peut améliorer, pense-t-il.
Les engagements du Président du Faso ne sont pas en conformité avec le PNDES
Le deuxième intervenant a quant à lui, fait le point des engagements pris par le Président du Faso (PF) sur les questions de sécurité et de la réconciliation aboutissant enfin à un certain nombre de réflexions et de perspectives d’une possible amélioration de ces engagements.
En effet, Dr. Abdoul Karim Saïdou a porté un regard critique sur les enjeux de la sécurité et la réconciliation nationale dans l’exécution du programme présidentiel et sa relation avec le PNDES. De son analyse, il ressort qu’il y a un « problème de cohérence au niveau de l’offre politique » de façon générale. Notamment, sur les questions de sécurité, il a laissé entendre que « l’essentiel des engagements pris par le Président du Faso dans son programme n’est pas conforme avec le programme du PNDES ». Et cela pose « un problème » dans la mesure où dans le cadre du suivi, il y a aujourd’hui deux organes de suivis. Ce sont donc le « secrétariat permanent du PNDES » et le « bureau de suivi du programme présidentiel », qui est logé au niveau de la présidence du Faso. Et finalement, la question qui se pose ici est de savoir « quelle est la feuille de route du gouvernement sur les cinq ans ? » dans la mesure où le PNDES ne prend pas en compte l’ensemble des engagements dans le domaine de la défense et de sécurité intérieure.
Dr. Saïdou a poursuivi en disant que sur la question de la sécurité de façon générale, un des engagements fort pris par le PF en la matière dans son programme présidentiel, c’est notamment l’organisation d’un forum national sur la sécurité du 24 au 26 octobre 2017 à Ouagadougou. Et c’est ce forum qui va définir la nouvelle politique de sécurité. Aussi, un autre engagement fort est la révision de la politique de défense. Ce forum, croit-il devrait permettre de donner les orientations par rapport à cela.
Réconciliation dans «l’impasse »
A la question de la réconciliation nationale, le paneliste a fustigé qu’elle est aujourd’hui dans « l’impasse ». Car, a-t-il expliqué que « nous ne sommes pas portés sur la doctrine de réconciliation ». En fait, des propositions qui avaient été faites par le CRNR et qui devraient être mises en œuvre par le HCRUN n’ont finalement pas eu lieu à cause de la « léthargie et les dysfonctionnements observés au niveau du HCRUN » et le débat politique au niveau national.
De son point de vue, il y a nécessité que le Président du Faso rassemble l’ensemble des acteurs pour qu’on puisse s’accorder sur une « doctrine officielle et claire de la réconciliation. Parce que même si tout le monde est d’accord pour aller à la réconciliation, il semble qu’il y a des « désaccords profonds » sur la manière d’y parvenir. Notamment sur la question de la justice. Faut-il une justice avant la réconciliation ou inversement.
La gouvernance des institutions se porte très mal
Dr. Ra-Sablga Ouédraogo a soutenu que dans le cadre du programme « présimètre » de Diakonia, l’institut Free Afrik a porté un projet qui vise trois choses : « évaluer les politiques publiques mises en œuvre dans le cadre du PNDES ; montrer les résultats dans les débats publics avec les acteurs stratégiques, mais aussi avec toute la société et enfin, pour que les discours publics sur l’évaluation des politiques ne reste pas dans la seule bouche du Président ». Ainsi, à partir des rapports d’étapes fournis par le SP/PNDES, l’institut a pris une autre perspective.
Il s’agit de la période allant de 2016 au premier semestre de 2017, dans laquelle, il s’est focalisé sur les questions de gouvernance. Et en ce qui concerne cette question de gouvernance, Free Afrik a fait un travail d’évaluation systématique à trois niveaux. C’est-à-dire au niveau de la gouvernance économique, au niveau de la gouvernance des forces de défense et de sécurité et au niveau de la gouvernance démocratique.
Depuis la loi anti-corruption
En ce qui concerne la gouvernance économique, il ressort de cette analyse que le pays depuis la loi anti-corruption, a connu une belle perspective de renforcement de la gouvernance économique et que les décrets d’application ont suivi la loi. Mais que le bémol se situe au niveau du financement de la mise en œuvre de cette loi anti-corruption, notamment, le fonds d’intervention de l’autorité supérieure de contrôle de l’Etat qui n’est abondée qu’au dixième de ce qu’il devait être.
Le deuxième aspect important sur la gouvernance économique montre que la récente loi sur les projets de partenariat public-privé (PPP) va dégrader la gouvernance économique du pays beaucoup plus sérieusement. Parce que nous n’avons pas l’expertise requise pour signer les PPP dans la précipitation actuelle. Nous avons ouvert la porte au gré à gré, qui est en fait, la porte ouverte aux corruptions. Cela va avoir des effets importants sur les finances publiques dans quelques années.
Pilotage de la dette intérieure
Le troisième aspect se porte sur la faiblesse dans le pilotage de la dette intérieure. Il découle de l’analyse que notre pays fait de très bonnes performances dans le suivi de pilotage de la dette extérieure. Mais en ce qui concerne la dette intérieure, le pilotage est très faible, en particulier, les arriérés de paiement. Donc, l’institut tire la sonnette d’alarme là-dessus.
Aussi, Dr. Ouédraogo a souligné que le dialogue entre le gouvernement et le secteur privé n’est pas au niveau requis et cela, pour plusieurs raisons.
Sur le plan des administrations publiques, le communicateur pense qu’une chose est évidente pour tout le monde : le gouvernement n’a pas été capable en 2016 et en 2017 de mobiliser de façon suffisante les administrations publiques pour servir la réalisation de son plan de développement.
Quant à la question sur la gouvernance de la sécurité et de la défense, le paneliste a observé que depuis le 04 avril 2015 au 10 octobre 2017, il y a eu 23 institutions ou d’infrastructures de défense et de sécurité qui ont été victimes d’attaques terroristes. C’est-à-dire concrètement qu’il y a eu 23 commissariats ou gendarmeries ou postes de l’armée ou postes de douanes qui ont été attaqués par des terroristes et qui fait 107 morts sur les deux années en terme donc d’impact de nombre de morts. Par conséquent, nous ne pouvons pas être là, à pérorer sur l’efficacité des politiques publiques sans considérer ce délitement du pays.
Réarmement de cette gouvernance à tout jamais
Par ailleurs, le représentant de Free Afrik a soutenu que tout se passe (quand on écoute la partie sur le suivi de l’exécution physique) comme si tout va bien. Alors qu’en réalité, le pays va très mal. Car la gouvernance économique, la gouvernance de la sécurité et de la défense, la gouvernance démocratique est réellement dégradée. Et il est important de repartir vers le réarmement de cette gouvernance à tout jamais.
C’est une question d’élan national que le gouvernement et les autorités politiques doivent organiser autour de la question de la défense et de sécurité, autour de la remobilisation de l’administration, autour de la lutte contre la corruption et autour de la justice, car nous ne sommes pas à mesure de faire face aux défis qui sont les nôtres actuellement.
Mathias Lompo
Burkina Demain