Le président de l’association Guide universel d’initiatives pour le développement des élèves du Burkina (GUIDEB), Sinibasba Kiendrébéogo, s’est prononcé sur la crise qui paralyse notre système éducatif, avec notamment la grève des syndicats qui fait toujours planer le spectre d’une année blanche. N’excluant pas une sortie heureuse de la crise comme cela semble se dessiner ces derniers jours, il se montre tout de même prudent, appelant le chef de l’Etat à ses responsabilités.    

Sinibasba Kiendrébéogo, président du GUIDEB

Burkina Demain : Pouvez-vous présenter à nos lecteurs !

Sinibasba Kiendrébéogo : Je suis Sinibasba Kiendrébéogo professeur d’anglais et président de l’association Guide universel d’initiatives pour le développement des élèves du Burkina (GUIDEB).

Que faites-vous concrètement au niveau du GUIDEB ?

Les principaux objectifs du GUIDEB sont la lutte pour une meilleure qualité de l’éducation, la lutte contre toute forme de violence et contre l’incivisme en milieu scolaire et l’appui aux élèves dans leur cursus scolaire. En un mot   accompagner le gouvernement pour une éducation de qualité.

Notre système éducatif traverse depuis quelque temps une crise, avec notamment la grève des syndicats qui fait courir au pays le risque d’une année blanche. En tant qu’acteur, quelle lecture en faites-vous ?

Le GUIDEB déplore ce qui se passe actuellement parce que c’est une crise qui dure, alors qu’elle aurait dû être résolue depuis un certain temps, mais nous assistons impuissamment à une situation qui perdure. Nous sommes au 4e mois de cette crise où les cours sont perturbés. Pour le GUIDEB ce n’est pas bien.

A qui la faute ?

Le GUIDEB estime que la responsabilité incombe au gouvernement parce que, c’est lui qui dirige actuellement les affaires du pays. Et en tant que gouvernants, ils sont au courant des problèmes du système éducatif du Burkina. Ce ne sont pas des problèmes nouveaux. Pendant la campagne présidentielle, ils ont annoncé entre autres que l’éducation était leur priorité.

Pensez-vous que l’éducation n’est pas une priorité au niveau du gouvernement ?

Nous pensons qu’il faut mettre l’éducation au cœur de tout système de développement. Comme on le dit, l’éducation est un moteur de développement. Nous avons pensé que le nouveau pouvoir aurait dû tout simplement s’atteler à résoudre les problèmes de l’éducation avant tout autre chose. Malheureusement, ce n’est pas ce qui s’est passé.

La plate-forme revendicative actuelle a été déposée depuis longtemps et de tergiversations en tergiversations, nous sommes arrivés à une crise de longue durée. Donc, pour nous, la responsabilité incombe au gouvernement.

Apparemment, le gouvernement n’a pas refusé de résoudre les problèmes des enseignants, il a plutôt fait cas de manque de moyens disponibles…

Oui, mais ça, c’est une vieille chanson. Pour tout gouvernement, quand on pose un problème, c’est toujours «on n’a pas les moyens». Tout le monde le sait, nous sommes tous des Burkinabè et nous avons conscience justement des limites de l’économie de notre pays. Mais, il y a des efforts qu’il faut faire pour les situations qui en valent la peine telle la présente situation.

La plate-forme revendicative ayant été déposée bien longtemps, il aurait fallu un débat franc, des concertations franches, des échanges francs pour qu’on puisse aboutir à des réponses satisfaisantes à nos revendications.

Les enseignants comprennent, nous avons les organisations syndicales les plus compréhensives, parce qu’on accepte toutes les propositions.

Cela signifie-t-il que le GUIDEB n’a-t-il pas confiance aux avancées annoncées dans les négociations en cours ?

Nous osons croire à nos responsables syndicaux. Comme eux, nous y croirons davantage quand tout cela sera effectivement couché sur papier et lisible noir sur blanc.

De toute façon, ce n’est pas la première fois qu’on propose ainsi et que dès lors que la discussion est terminée, on oublie tout ce qu’on a dit. Souvent même ce sont des propositions démagogiques. On donne des échéances, qu’à telle ou telle période, on fera ceci, on fera cela. Mais, souvent après, rien. Ce qui fait que nous vivons les mêmes problèmes tous les jours.

On a cette impression que votre lutte est focalisée sur la question du statut autonome et du salaire…

Seuls nos responsables qui sont engagés dans les négociations peuvent mieux répondre à une telle question. Mais nous, nous estimons que le statut autonome que nous exigeons, est indispensable parce que nous sommes un corps spécial. Tout passe par l’éducation. Prenons par exemple un enseignant qui doit tout apprendre à un élève de CP1, voyez-vous, cela demande un effort supplémentaire très différent de celui d’un autre agent de l’Etat qui est assis dans un bureau et fait son travail tout simplement. C’est un travail très ardu, difficile et même pénible qu’il faut encourager.

Par rapport à tout cela, on a demandé au regard de la spécificité du corps enseignant à être un corps spécial avec un statut autonome, où on pourrait prendre en compte toutes les préoccupations et les résoudre à part, en ne les confondant pas aux autres corps.

Vous réclamez 30% du budget de l’Etat. D’aucuns trouvent cette réclamation énorme d’autant plus que vous n’êtes pas les seuls fonctionnaires…

Ce n’est pas trop demander. Ce n’est pas trop demander quand on connait la valeur de l’éducation. En réalité pourquoi ils sont au pouvoir ? C’est parce qu’ils sont passés par l’éducation. L’éducation devrait être la toute première préoccupation de chaque gouvernement. Ailleurs, des gouvernements ont leur budget de l’éducation allant à des centaines de milliards. Au Mali tout près ici, c’est près de 200 milliards qui ont été consacrés pour résoudre la crise au sein de l’éducation afin d’en améliorer la qualité. Pourquoi pas 50 milliards au Burkina Faso.

Chez nous on est qu’à 12% du budget consacré à l’éducation. C’est très insignifiant, avec un personnel éducatif insuffisant, une qualité des infrastructures scolaires à revoir, un manque d’école, des écoles sous paillotte, les salaires de misère payés aux enseignants, ça pose problème. C’est pourquoi nous avons trouvé que les 12% sont insignifiants et ce n’est pas trop demandé si on va à 30%.

 Il n’y a-t-il pas lieu de lever le mot d’ordre au regard des avancés de la crise ?

Nous ne pouvons pas lever le mot d’ordre. C’est nos responsables syndicaux qui vont apprécier la situation et rendre compte à l’ensemble des militants puis dire s’il faut lever le mot d’ordre de grève. Mais on ne peut pas lever le mot d’ordre sur simple information qu’il y aurait des avancées, non.

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement a promis et n’a pas tenu compte de ses engagements. Voilà pourquoi, nous attendons que nos responsables reviennent nous faire le point et nous dire exactement ce qu’il y a et nous allons tous ensemble juger avant de pouvoir procéder à la lever du mot d’ordre.

Nous sommes à 10 h. Y-aura-t-il cours après ?

Nous sommes en piquet. C’est une forme de grève. Ce sont les lundis et les mercredis que nous faisons les piquets pour le moment. Les piquets veulent dire que les enseignants arrivent à l’école à 7h mais sont en sit-in.

Mais, à partir de 10h, chacun rejoint sa classe pour dispenser ses cours. On fait cours jusqu’à midi et de 15h à 17h. Voilà comment ça fonctionne.

Pourquoi ce silence du GUIDEB depuis tout ce temps.

Oui. Mais le GUIDEB avait depuis longtemps rassemblé les élèves dans nos sections pour leur expliquer le contexte dans lequel nous nous trouvons parce que les élèves ne comprenaient pas pourquoi on les enseigne sans les évaluer. Donc la mission était d’expliquer aux élèves voici ce que nous oppose au gouvernement, et voilà ce que nous attendons du gouvernement. Les élèves comprennent, nous avons dit aux élèves que dès lors que y a satisfaction nous allons nous mettre au travail et nous reviendrons sur les évaluations.

De toute façon nous sommes des professionnels et nous savons ce qu’il faut donner pour que vous ayez le minimum qu’il faut avoir au cours de l’année. C’est pourquoi durant tout ce temps le GUIDEB a passé son temps dans les établissements à informer et sensibiliser les élèves pour qu’ils puissent bien comprendre.

On peut monter les élèves contre nous en leur faisant croire que c’est les enseignants qui ne veulent pas de leur avenir, qu’ils ne veulent pas travailler, qu’il demande des augmentations faramineuses de salaire alors que ce n’est pas ça la réalité.

La plate-forme revendicative ne concerne pas seulement que les aspects financiers. Je pense que ça doit être seulement qu’autour de 25% de la plate-forme qui concerne cet aspect.

Nous demandons la revalorisation de la fonction enseignante dans son ensemble dont une bonne qualité de l’éducation. Le GUIDEB a passé son temps à informer et sensibiliser seulement que nous n’avons pas fait de tapage public. Mais nous avons aussi sensibilisé les élèves par rapport à notre vision du civisme parce qu’il peut avoir des élèves qui ne comprennent pas et peuvent se lever pour poser des actes de violences et d’incivismes. Nous avons appelé dans ce cadre les élèves à rester calme et à suivre la situation et dès lors que tout va renter en ordre, vous aurez les cours véritablement.

Quelle sera la position du GUIDEB en cas d’échec des négociations en cours ? Allez-vous continuer la lutte et sacrifier, comme dirait l’autre, l’avenir des enfants ?

Non ! Ce n’est pas qu’on sacrifie les enfants des autres, il y a nos propres enfants aussi. La plupart des enseignants ont leurs enfants ici et qui subissent les mêmes conditions d’étude que les autres enfants. Nous sommes des enseignants c’est vrai, mais nous sommes aussi parents d’élève.

La couleur de l’année blanche ou autre dépend du gouvernement. Cela ne dépend pas du syndicat. Si le gouvernement montre une bonne volonté pour sauver l’année nous sommes là pour sauver l’année et nous sommes là pour travailler. La preuve est qu’après la levée du sit-in, nous sommes en classe ça veut dire que nous n’avons pas refusé d’enseigner.

Maintenant nous ne croyons pas à une année blanche, nous savons que de toute façon l’année sera sauvée. Certes, elle ne va pas être une année comme les autres, vu déjà les perturbations enregistrées. Mais, nous pensons que l’année va être une année normale tout simplement. Il aura des évaluations, c’est ce que les leaders croient en tout cas parce que si les avancées sont significatives, si le gouvernement montre sa bonne foi, nous allons nous atteler et nous allons donner le meilleur de nous-mêmes comme enseignant pour que tout se passe très bien.

Que pensez-vous de la décision du président du Faso de remettre à plat la question des salaires ?

Je n’ai pas apprécié les propos du président par rapport à cette question. C’est une plate- forme qui a été déposée depuis octobre. Il ne faut pas attendre les discours de fin d’année pour dire qu’on va mettre une reforme salariale. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut dire qu’on ne tient pas compte de ce que les enseignants avaient posé comme problème, alors que nous ne sommes pas les mêmes corps.  Les corps sont spécifiques les uns des autres.

On ne peut pas se baser sur l’ensemble des travailleurs pour dire que oui, on va essayer de faire une reforme salariale pour plus de justice alors qu’au niveau du travail, on n’a pas les mêmes contraintes. Donc je pense qu’il faut tenir compte des spécificités de chaque corps pour les traiter différemment. C’est vrai nous sommes tous régis par la fonction publique mais nous ne faisons pas le même boulot et donc par rapport à cette réforme-là, l’on doit absolument en tenir compte.

Quelque chose vous est-il resté sur le cœur et que vous aimeriez exprimer ici ?

Juste lancer un appel au président du Faso parce que c’est lui le président de tous les Burkinabè. Au président du Faso, parce qu’il a lui-même dit qu’il était la solution quand il faisait campagne. Les Burkinabè l’ont crû, voilà pourquoi ils l’ont voté. Nous estimons que dès lors que la crise a commencé à perdurer, il fallait prendre le devant et résoudre les problèmes. S’il a pu rencontrer d’autres syndicats en lutte que leur ministère n’a pas pu satisfaire, pourquoi laisser les enseignants souffrir, alors que nous formons la majorité des fonctionnaires de l’Etat.

Il est supposé être le père de tous les Burkinabè, donc il doit traiter ses enfants avec équité et ne pas favoriser certains enfants au détriment d’autres. Notre appel au Président du Faso, c’est de tout faire pour sauver l’année. En tout état de cause, il sera le responsable de la tournure de l’année scolaire 2017-2018.

Entretien réalisé par Joachim Batao

Burkina Demain

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