Au Burkina, en dépit de la conjoncture sécuritaire difficile avec ces attaques terroristes à répétition, il y a de ces projets porteurs d’espoir pour un lendemain meilleur. C’est notamment le cas du second compact du Millenium Challenge Account (MCA) en cours de formulation. Une mission de haut niveau du Millenium Challenge Corporation (MCC) a séjourné du 11 au 15 janvier 2018 à Ouagadougou pour ouvrir les discussions sur les choix d’intervention. A la suite, l’Unité de coordination de la formulation (UCF-Burkina) et l’équipe pays du MCC ont travaillé du 12 au 14 février dernier, sur les approches méthodologiques et le chronogramme de la troisième phase.
Le processus de formulation du second compact est donc entré dans sa 3e phase qui porte sur l’identification des projets dans les domaines d’intervention potentiels que sont l’électricité et la qualification de la main-d’œuvre. Pour comprendre l’évolution de ce second compact, ses mécanismes de fonctionnement, les étapes franchies et à venir, nous nous sommes entretenus avec le coordonnateur de l’UCF-Burkina, l’économiste Tambi Samuel Kaboré. Entretien exclusif.
Burkina Demain : Comment se passe la formulation du second compact Burkina ?
Tambi Samuel Kaboré :Le processus de formulation du second compact, prévu pour durer 2 ans, se passe bien ; avec nos homologues du MCC, nous sommes dans les délais prévisionnels.
A quel niveau du processus êtes-vous à l’heure actuelle ?
Le processus est entré dans sa 3e phase portant sur l’identification des projets dans les domaines d’intervention potentiels : électricité et qualification de la main-d’œuvre.
Quelles sont les principales étapes du processus d’élaboration de ce Compact ?
Voici les 4 étapes incontournables du processus d’élaboration du Compact, selon les directives du MCC :
1-Mener une analyse préliminaire qui consiste en une analyse diagnostique pour identifier formellement les contraintes majeures à l’investissement privé et à la croissance économique. L’échéance, c’était août 2017.Cette étape a été achevée à bonne date
2-Mener un diagnostic approfondi des contraintes identifiées. Echéance : décembre 2017. Cette étape a également été achevée à bonne date.
3-Définir et choisir les types de projets qui vont permettre d’atténuer les grands problèmes identifiés. Comme je vous l’indiquais tantôt, nous sommes à cette étape échéance à respecter août 2018.
4-Réaliser enfin les analyses de faisabilité et de rentabilité de chacun des projets, y compris les études d’impact environnemental et social.L’échéance est fixée en avril 2019 Puis, il s’agira de négocier avec la partie américaine et de procéder à la signature du Compact, cela comme échéance juin 2019. C’est après tout cela que l’on passera à une mise en vigueur sur le terrain.
Depuis la sélection du Burkina jusqu’à maintenant, quelles sont les principales actions qui ont été menées ?
Depuis la sélection du Burkina au 2e Compact en décembre 2016, plusieurs activités ont été réalisées dont les principales sont les suivantes :
-la création de l’Unité de Coordination de la Formulation de ce deuxième Compact (UCF-Burkina) en mars 2017 ;
-la nomination du Coordonnateur National de l’UCF-Burkina, de l’Economiste principal ainsi que des quatre autres experts en avril et mai 2017 ;
-la signature de l’accord initial de subvention de 750 000 dollars US entre le gouvernement des Etats Unis et celui du Burkina le 19 avril 2017, en vue d’appuyer le gouvernement à la prise en charge du personnel pour l’élaboration du deuxième Compact ;
-la définition du calendrier d’élaboration du Compact en avril 2017 en accord avec le MCC qui était en mission à Ouagadougou du 24 avril au 05 mai ;
-la tenue des consultations préliminaires avec les parties prenantes de ce deuxième Compact, en avril et mai 2017 ;
-l’élaboration des drafts zéro (V0) des huit (8) chapitres qui composent l’analyse des contraintes, première étape de la formulation du compact ;
-l’organisation d’échanges entre le MCC et l’UCF-Burkina pour la maturation des huit (8) chapitres, en mai et juin 2017 ;
-l’organisation de l’atelier du 29 juin 2017 pour la mobilisation et l’information des acteurs sur le processus d’élaboration du Compact et sur le niveau d’avancement de l’exercice au niveau du Burkina. Nous avons mené bien d’autres activités…
Allez-y, citez-les…
-Il y a eu également les réunions du Groupe de travail sur l’approfondissement de l’analyse diagnostique des contraintes à l’investissement privé et à la croissance économique les 20, 21, 24 et 25 juillet 2017 à la DG-COOP avec les parties prenantes intéressées.
–l’atelier national de validation de l’analyse des contraintes à l’investissement privé et à la croissance économique le 31 août 2017 avec toutes les parties prenantes, lequel atelier a marqué la fin de la 1re phase.
–l’adoption du rapport de l’analyse des contraintes par le Conseil des ministres du 6 septembre 2017.
–la 2e phase du processus d’élaboration du compact, qui a démarré par des consultations préliminaires avec les acteurs du secteur de l’énergie et de l’éducation, dès le 02 septembre 2017. Dans cette phase, l’analyse des causes profondes de ces obstacles a abouti à l’élaboration de deux notes conceptuelles respectivement sur l’électricité et sur la qualification de la main-d’œuvre, qui ont été approuvées par SEM le Premier ministre le 05 janvier 2018.
-le démarrage de la 3e phase du processus par des collectes de données et un cadrage méthodologique.
Comment appréciez-vous globalement toutes ces actions menées ?
D’une façon générale, nous sommes satisfaits de ce qui a été mené jusque-là. C’est le résultat des échanges avec les parties prenantes, le MCC et le soutien des autorités.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez eu à faire face ?
–Il y a le déficit de la quantité et la qualité des données : pour analyser les contraintes, comprendre les problèmes, il faut de l’information en quantité et en qualité qui permette de mener les analyses les plus pertinentes.
–Les lourdeurs administratives, concernant notamment l’accès rapide aux données pour avancer les analyses, retardent le travail de l’UCF-Burkina.
–Le ‘’faible’’ engagement de certains acteurs, à des niveaux décisionnels, au début du processus.
Avez-vous senti un réel intérêt des parties prenantes au niveau national ?
Oui, sans conteste ! Nous avons mis en place un processus de participation et d’engagement des acteurs à toutes les étapes du processus d’élaboration. L’intérêt et la disponibilité des parties prenantes sont allés croissants et nous saisissons cette tribune pour leur redire merci et leur demander de rester mobilisés pour la suite.
Comment êtes-vous parvenu aux constats que c’est l’insuffisance, la mauvaise qualité et le coût élevé de l’électricité, ainsi que le déficit de main d’œuvre qualifiée qui constituent les contraintes majeures à l’investissement privé et à la croissance économique au Burkina ?
Pour identifier ces contraintes, une analyse diagnostique utilisant le cadre conceptuel de diagnostic de la croissance, développé en 2005 par Hausmann, Rodrik et Velasco de l’université de Harvard, a été utilisé. Ce cadre conceptuel a été opérationnalisé en s’appuyant sur des outils exploratoires statistiques, ainsi que sur la participation active des acteurs privés, publics et associatifs.
Est-ce à dire que c’est sur ces questions que porteront les projets du second compact du Burkina ?
Exactement. Une mission du MCC était à Ouagadougou du 11 au 15 janvier 2018 pour ouvrir les discussions sur les choix d’intervention qui restent ouverts à l’intérieur des deux secteurs ciblés.
En matière d’électricité, l’analyse des causes profondes fait ressortir la nécessité d’intervenir sur quatre composantes, à savoir le renforcement du cadre institutionnel, juridique et opérationnel du domaine de l’électricité ; l’accroissement de la production de l’électricité à travers les sources renouvelables ; le renforcement du réseau de transport et de distribution ; l’accroissement de l’accès des populations et des entreprises des zones rurales et péri-urbaines à l’électricité.
Concernant la qualification de la main-d’œuvre, l’analyse des causes profondes a identifié quatre segments majeurs qui méritent d’être appuyés. Il s’agit de l’enseignement des sciences et techniques ; l’accroissement de l’offre de l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) dans les filières agro-sylvo-pastorales et agro-industrielles ; l’accroissement de l’offre de l’EFTP dans les filières génie-électrique et génie-mécanique ; l’amélioration de l’efficacité du dispositif de l’EFTP via des réformes appropriées.
Quelles sont les prochaines étapes du processus ?
–La phase 3 qui vient de démarrer. Il s’agit de définir et choisir les types de projets qui vont permettre de mieux régler les grands problèmes identifiés (échéance : août 2018).
-La phase 4 qui portera sur les analyses de faisabilité et de rentabilité de chacun des projets, y compris les études environnementales et sociales. Il faut, en effet, montrer en quoi le projet sera rentable et qui justifie qu’on y mette les ressources et cela prend un certain temps pour réunir les données nécessaires afin d’apprécier la rentabilité, la faisabilité et les impacts environnementaux dudit projet. Echéance : avril 2019. A terme, c’est cet ensemble cohérent de projets qui va constituer le second Compact.
Puis, il s’agira de négocier avec la partie américaine (conditions techniques et juridiques, budget, etc.) et de procéder à la signature, avec comme échéance juin 2019, pour une mise en vigueur sur le terrain.
Que faudrait-il, selon vous, réunir pour que ces étapes suivantes se déroulent sans problème ?
-le soutien constant des autorités de tutelle
-l’engagement renouvelé des parties prenantes
-une large information des acteurs et leur implication pour des données de qualité
-des études complémentaires de qualité.
Etes-vous optimiste pour la suite du processus, des difficultés n’étant pas à exclure ?
Très optimiste, sachant toute mon équipe motivée et mobilisée ; sachant nos homologues du MCC très ouverts à nous accompagner ; sachant les parties prenantes très engagées et bénéficiant du soutien sans faille des autorités.
Monsieur le coordonnateur, pas même les attaques terroristes, comme celle du 2 mars ne refroidissent vos ardeurs, votre engagement…
Après ces événements tragiques, nous compatissons à la douleur des familles affectées. Nous ressentons aussi une grande fierté pour toutes ces femmes et ces hommes courageux qui sont engagés pour notre sécurité et la défense du territoire et qui, grâce à leur bravoure, ont permis de neutraliser ces malfaiteurs.
L’UCF-Burkina a une mission noble, à savoir définir un compact pour notre pays afin de réduire la pauvreté, d’améliorer le bien-être des populations grâce à une croissance économique soutenue et inclusive. Nous allons donc, avec l’ensemble de notre peuple, rester debout et redoubler d’ardeur au travail.
Entretien réalisé par Grégoire B. Bazié
Burkina Demain