Docteur Ferdinand Ouédraogo, expert en matière d’ingénierie de système de transition vers l’économie verte

Le Burkina Faso, la semaine  dernière, n’a pas été rythmé que par des attaques meurtrières contre ses Forces de défense et de sécurité (FDS). Le pays, notamment Ouagadougou, la capitale, a abrité plusieurs évènements traitant de l’économie verte : 2e conférence internationale sur la technologie du biodigesteur ; Rebranding Africa Forum 2018 et la Semaine de l’économie verte. Aucun de ces évènements n’a échappé à l’observateur avisé et  l’acteur engagé : Docteur Ferdinand Ouédraogo, expert en matière d’ingénierie de système de transition vers l’économie verte, spécialisé dans la gestion stratégique de DEEE- Déchets d’équipements électriques et électroniques-; fondateur du Cabinet d’expertise Eco/ Stratégique International, Associé/Gérant de la Société « C.E.O.S International». Entretien exclusif.

Docteur Ferdinand Ouédraogo, expert en matière d’ingénierie de système de transition vers l’économie verte

Burkina Demain : Présentez-vous à nos lecteurs ?

Dr Ferdinand Ouédraogo : Je suis OUEDRAOGO Ferdinand, et fondateur du Cabinet d’expertise Eco/ Stratégique International, Associé/Gérant de la Société « C.E.O.S International». Je suis également économiste vert,  expert en matière d’ingénierie de système de transition vers l’économie verte, spécialisé dans la gestion stratégique de DEEE.

Pour vous, c’est quoi l’économie verte ?

Brièvement, c’est la conciliation d’un antagonisme structurel entre les enjeux écologiques planétaires, et  les  défis économiques mondiaux auxquels tous les pays sont confrontés, dans le cadre de la course au développement.

Juridiquement, il s’agit d’une forme d’économie ou d’un ensemble d’activités économiques, à l’opposé du système économique traditionnellement capitaliste, qui entraine le bien-être humain et l’équité social, tout en réduisant de manière significative, les risques environnementaux et la pénurie des ressources ;  pour rejoindre à la fois la définition du PNUE et celle,  légale du Burkina-Faso, adoptée par la loi d’orientation sur le développement durable.

Justement, Ouagadougou a abrité la semaine dernière plusieurs évènements relatifs à l’économie verte, dans le cadre notamment de la semaine de l’économie verte. Comment avez-vous trouvé l’initiative ou ces initiatives ?

Bonne initiative de promotion de l’économie verte, qui malheureusement au regard des présentations et des résultats,  a laissé entrevoir les limites de compréhension générale du concept d’économie verte et de développement durable, par les participants aussi bien que par les organisateurs eux-mêmes qui ont d’ailleurs politiquement été choisis par erreur.

L’annonce de ces conférences ou forums  qui se devaient être des cadres d’échanges ouverts et d’intérêt scientifique, pour la transition vers l’économie verte n’a pas rempli ses promesses, d’élever le niveau de compréhension général  des participants, sur ces thématiques transversales,  ou de proposer des solutions globales et concrètes  à la problématique et aux défis en matière de gouvernance, qui s’imposent  à tous les pays du monde simultanément, en matière de transition d’un système économique traditionnellement capitaliste, obsolète et périlleux pour le planète, vers un autre système économique  qualifié de vert,  parce que plus soucieux de la vie, du bien-être humain et de la planète  que de ses richesses.

En tant qu’acteur engagé du secteur de l’économie verte, vous avez eu quand même à assister à certaines activités de la semaine. Les débats étaient-ils à la hauteur de vos attentes ?

Débats, c’est trop dire, en dehors de la conférence internationale sur le Biodigesteur qui a eu le mérite d’être précis sur son thème ou cette technologie du biodigesteur en relation avec le volet  agriculture biologique de l’économie verte,  il est clair par exemple, que le model organisationnel de Switch Africa Green du forum de réseautage des acteurs régionaux pour présenter des solutions innovantes pour l’accélération de la transition de l’Afrique vers une économie verte inclusive  à travers des pratiques ou des modes de consommation ou de production soutenable ou durable,     a brillé par le fait qu’aucune solution innovante pour l’Afrique en général et pour le Burkina-Faso en particulier, en matière d’économie verte, n’a été présentée au participants, dans cette  tribune ou les participants sont venus simplement pour écouter des occidentaux  parler de leurs projets isolés, au lieu de solutions régionales ou mondiales  en matière d’économie verte.  C’est à peu près la même chose pour le Rebranding Africa Forum,  qui lorsqu’on compare le thème de cette édition aux participants et au mode organisationnel dudit forum, ressemble  presque comme deux gouttes d’eau, au forum commercial  Africalia, organisé par la chambre de commerce et d’industrie du Burkina-Faso

Des gens ont apprécié…

Les gens ne comprennent toujours pas le sujet et les véritables enjeux politiques de l’économie verte. Ces tribunes organisées le plus souvent, depuis l’extérieur, ne prennent pas suffisamment en compte l’intérêt et la place des africains dans la réflexion sur le choix de leur propre modèle de développement économique vert.

Mais, si plusieurs pays africains ont tenu à être de l’évènement, c’est que c’était important…

Le thème de l’économie verte est très important, mais ce genre de forums organisés et financés à coup de millions visent également d’autres intérêts, que le citoyen lambda n’aperçoit pas à vue d’œil.

Et récemment, il y a le Kenya qui a décerné un prix au Burkina pour son engagement  en faveur de l’économie verte. C’est quand même la preuve que quelque chose est fait par les autorités….

Les autorités ont affiché leur volonté politique d’aller dans le sens de l’économie verte, mais  malheureusement, ils n’ont pas la maîtrise du sujet.

La preuve, il est évident que le Premier ministre a commis l’erreur de loger la charge ministérielle de promotion de l’économie verte au Ministère en charge de l’environnement alors que la transition économique de l’économie traditionnellement capitaliste du Burkina-Faso vers l’économie verte ne relève pas matériellement des attributions du Ministère en charge de l’environnement ;

Une autre preuve de l’incompréhension collective du sujet, c’est que beaucoup de nos concitoyens s’imaginent par erreur qu’il s’agit d’une transition écologique, plutôt que d’une question de transition économique.

Le débat étant naturellement faussé dès le départ, par cette compréhension tout à fait erronée  et superficielle du sujet,  par le commun des mortels.

A votre sens, quels sont les grandes entraves à la transition vers  l’économie verte dans nos pays ?

Les entraves sont d’ordre structurelle et politique. Il faut oser bouleverser les habitudes tenaces et les fondamentaux du capitalisme, par une ferme volonté politique mondiale et locale de quitter les rails du système économique obsolète actuel, qui est en train de conduire la planète vers sa ruine.

Et quelles solutions pour un pays comme le Burkina Faso ?

C’est de promouvoir en premier lieu son expertise endogène en la matière pour asseoir une base de connaissance scientifique nationale et d’éviter de commettre l’erreur d’aller chercher à l’extérieur, des « experts » provenant de pays qui ont en partage  l’échec du modèle de développement économique capitaliste actuel.

La solution doit à la fois être globale et locale, il revient donc à chaque pays, en fonction des spécificités de son contexte, d’implémenter ses meilleures solutions susceptibles d’être partagées avec le reste du monde pour pouvoir réussir ce challenge, qui n’est pas une question de pays, mais plutôt une problématique mondiale.

Une modification de la loi  portant Code de l’environnement,  peut-elle résoudre ces problèmes ?

Le moment est mal choisi, cette loi fait actuellement l’objet d’un contentieux généralisé relativement à la criminalité économique et financière liée à son défaut d’application.

Il se trouve que le ministère en charge de l’environnement est impliqué dans ces crimes économiques verts et autres blanchiment de capitaux grâce à des exportations illicites et incontrôlées d’objets de toutes sortes sous prétexte de responsabilité environnementale en matière de déchets.

Les médias burkinabè ont déjà publié notre déclaration à ce sujet depuis le 6 septembre 2018, et aucun des ministres cités nommément n’a posé plainte pour diffamation ;

A ce propos il convient d’attirer l’attention du  Comité Technique de Validation des Avants projets de Loi (COTEVAL), sur le vrai motif ou les motifs cachés de modification de la loi N°006-2013/PORTANT CODE DE L’ENVIRONNEMENT AU BURKINA-FASO pour ne pas eux -mêmes ses rendre complices de ces criminels qui attendent la modification de ces textes pour échapper à la justice ; qui a déjà été saisi à plusieurs niveaux.

Les juridictions pénales, civiles et commerciales ont déjà été saisies de plusieurs affaires en relation avec la violation  de certaines dispositions de cette même loi, relativement aux mesures sur les déchets ;  impliquant  l’État lui-même, des organismes internationaux  et des grandes sociétés publiques et privées de la place.

Le Burkina-Faso n’a pas  besoin de la modification d’une loi sectorielle pour l’économie verte lorsqu’il n’a aucune politique claire et cohérente en la matière.

Au lieu de mettre la charrue avant les bœufs ; il faudrait plutôt réfléchir à l’élaboration d’un Code Économique Vert  Général (CEVG),   qui va compiler et mettre en cohérence  en fonction  des  implications  spécifiques  de  chaque  département  ministériel  directement concerné par l’économie verte,   les dispositions  juridiques d’ordre économique, social,  éducatif, de protection environnementale,  agricole et halieutique, énergétiques et minières, industriel, sanitaire, et de gouvernance économique verte,   pour encadrer globalement le transition du pays vers l’économie verte ;  comme cela est ressortit  de l’académie nationale sur l’économie verte, en ce sens que le concept d’économie verte ne se limitait pas au seul ministère en charge de la protection de l’environnement, mais nécessitait la coordination interministérielle de tous les secteurs ministériels concernés pour une bonne transition vers l’économie verte.

Malheureusement le  gouvernement actuel, n’a pas encore tenu compte de cette nécessité politique,  lorsqu’on voit s’élever des voix au sein du Ministère en charge de l’environnement  pour une modification intéressée et coupable ;  du code de l’environnement qui fait en ce moment l’objet  de nombreux contentieux dans le pays et d’infractions  impliquant des responsables  dudit ministère en charge de l’environnement ;

il n’est pas crédible pour le ministère en charge de l’environnement de chercher de cette manière à modifier le code de l’environnement, sous le couvert de la promotion de l’économie verte, pour échapper à la justice ou pour mettre à l’abri, des criminels économiques et financiers  contre  toutes poursuites judiciaires ;  alors que le Ministre lui-même, informé de ces pratiques depuis un certain temps, a refusé d’engager les poursuites judiciaires nécessaires conformément au même code de l’environnement.

Il s’agit  d’un scandale  politique que le ministère en charge de l’environnement essaie tant bien que mal  d’étouffer à travers ce projet de modification du code de l’environnement dont il est lui-même complice du viol, curieusement.

si vous ne l’avez pas remarqué, en matière d’économie verte, le département en charge de l’environnement navigue à vue, sans aucune politique clairement établie, Par exemple depuis la proposition de Stratégie Nationale d’économie verte 2017-2021 présentée aux participants lors de l’académie nationale sur l’économie verte en Décembre 2016, on ne sait où on en est avec cette politique d’autant plus que récemment en juin 2018 dernier,  le Ministère en charge de l’environnement par manque de politique ou de perspectives en matière d’économie verte,  s’est attaché les services d’un «Think Tank» ou boîte à idées d’une association étrangère  en l’occurrence le « Global Green Growth Institute » (GGGI) pour planifier un programme de référentiel (sachant bien qu’il se saurait y avoir de croissance verte sans PIB Vert)  pour la promotion d’une croissance verte et pour mettre en œuvre le Plan quinquennal 2019-2023 de croissance verte  élaboré par le Global Green Growth Institute (GGGI) sans aucune cohérence avec la proposition précédente de Stratégie Nationale d’Économie Verte (SNEV 2017-2021), et son plan d’action triennal 2017-2019 ;  sans aucune consultation nationale et également sans aucune cohérence avec les conclusions du Système des Nations Unies relatives à l’académie nationale sur l’économie verte, au sujet de la nécessité d’une coordination interministérielle de tous les départements ministériels concernés par l’économie verte, pour assurer une bonne transition vers l’économie verte.

Dites-nous, comment est venu votre engagement pour l’économie verte ?

De mon intérêt marqué depuis ma première et ma dernière année à l’université de ouagadougou, pour la problématique complexe des DEEE en 2002.

Avez-vous les moyens nécessaires pour mener à bien ce combat pour l’économie verte ?

Il ne s’agit pas d’un simple combat mais d’une noble et juste cause que je défends contre ceux qui utilise la noblesse de cette cause ou de cette thématique pour défendre d’autres intérêts divergents ou pour couvrir d’autres causes moins honorables

Au-delà, de vote personne, de votre organisation, pensez-vous que les pays africains sont prêts pour aller à l’économie verte ?

Ils y sont déjà,  tous les pays du monde ont déjà certaines  branches de leurs économies en transition vers l’économie verte, c’est le cas par exemple du recyclage des DEEE, l’agriculture biologique, la production de l’énergie solaire ;  il reste simplement canaliser tout ça et à mettre les systèmes et les mécanismes d’encadrement de cette transition en place, pour qu’elle soit véritablement structurelle et non superficielle.

C’est  d’ailleurs  en cela que  l’expertise d’innovations stratégiques que nous  développons  au Burkina-Faso pour la première fois dans l’histoire,  intervient pour appuyer les états aussi bien que les acteurs pour une meilleure transition de leurs économies traditionnellement  capitalistes et obsolètes  vers  l’économie verte.

Entretien réalisé par Philippe Martin

Burkina Demain

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