Le gouvernement congolais entend recouvrer auprès des sociétés forestières, les taxes qu’elles n’ont pas payées en 2016 et 2017. L’opération dite de recouvrement spécial des recettes de l’Etat auprès des ces sociétés a été lancée ce vendredi 12 octobre 2018 au Palais du peuple par le Ministre d’Etat, directeur du cabinet du président de la République, Florent Ntsiba.
Selon le Ministre d’Etat, Florent Ntsiba, le chef de l’Etat était en possession «d’importantes informations en sa possession sur de sérieux dysfonctionnements au Service de contrôle des produits forestiers à l’exportation, en sigle SCPFE ». A cet effet, il a instruit son cabinet sur la « l’urgence et l’impérieuse nécessité de prendre, en lien avec l’Inspection générale d’Etat, un ensemble de dispositions susceptibles de suggérer des mesures à faire appliquer par le gouvernement en vue d’assainir et de rentabiliser la filière Bois ». C’est ainsi qu’une commission a été immédiatement mise en place, par note de service n° 0452/PR-CAB du 15 juin 2018.
Au terme de ses investigations, cette commission qui avait, entre autres, missions d’«évaluer les recettes générées par l’exportation des produits forestiers en général, et celles des dérogations autorisées par les lois de finances 2016 et 2017, en particulier, identifier les dysfonctionnements tout au long de la filière bois (de la production à l’exportation), établir les responsabilités, prendre les mesures conservatoires et proposer les sanctions administratives… ».
Le manque à gagner pour l’Etat
A l’occasion du lancement de l’opération de recouvrement spécial des recettes de l’Etat après des sociétés forestières », le Contrôleur général, par intérim, chef de mission M. Jean Claude Yoga a fait le point sur le travail de sa commission à mi-parcours dans le secteur forestier. M. Jean Claude Yoga a révélé que « les investigations menées ont permis de déceler des preuves irréfutables de l’existence
des actes de fraudes et de détournements massifs dans la filière du bois…». La mission a constaté les dysfonctionnements dans le dispositif de contrôle interne du SCPFE, ainsi que dans les services des douanes, occasionnant des contre-performances actuelles de ce secteur, a ajouté », le Contrôleur général, par intérim.
Le manque à gagner pour l’Etat, dû à l’exploitation sans attestation de vérification à l’exportation (AVE) de plus de 20 000 m3, soit l’équivalent de plus de 570 grumiers, par des sociétés n’ayant payée aucune taxe et aucune redevance à la sortie du bois est financièrement évalué à la somme de 4.607.088.775 FCFA. Ce, du fait de la collusion et de la concussion des fonctionnaires véreux, a martelé Jean Claude Yoga.
Ce n’est pas tout, puisque l’Etat a également perdu 12.653.136.205 FCFA, pour la seule porte de sortie du port de Pointe-Noire, suite au non recouvrement des taxes additionnelles générées par l’exportation du bois, au titre des dérogations des années 2016 et 2017, là encore du fait de la complicité active des agents de l’Etat, selon le chef de la mission.
Le bien-fondé de la mission
Le ministre d’Etat, directeur de cabinet du président de la République qui a pris la parole après ce point a rappelé les circonstances de la mise en place de la commission et le rôle de l’Inspection générale d’Etat qui a été créée par décret n° 2006-493 du 03 Août 2006. Ce gendarme de la bonne gouvernance placé sous l’autorité du président de la République est par exemple, chargé de : « contrôler, dans tous les services publics de l’Etat, l’observation des lois, ordonnances, décrets, règlements et instructions qui en régissent le fonctionnement administratif, financier, comptable et technique ». Florent Ntsiba a, par la suite, énuméré les structures étatiques, paraétatiques et privées soumises au contrôle de l’inspection générale d’Etat. Il s’agite, entre autres, de l’ensemble des services publics de l’Etat, quel que soit leur mode de gestion ou leur localisation géographique, des établissements publics, des collectivités locales, des services administratifs et financiers du pouvoir judiciaire et des services administratifs et financiers du Parlement et des services administratifs et financiers des autres institutions constitutionnelles.
Le directeur du cabinet du président de la République a fustigé l’attitude des entreprises et les agents de l’Etat qui privilégient les intérêts privés au détriment de ceux du peuple. « Toutes ces sommes sont détenues, de manière totalement illégale, par les entreprises de la filière avec la complicité d’agents véreux de l’administration dont la boulimie n’a pu être arrêtée par le rétro-freinage de l’intérêt du plus grand nombre, à savoir le Peuple », a-t-il déploré. Il qualifiés ces fonctionnaires véreux de prédateurs préférant « satisfaire leur égoïsme et se contenter de quelques miettes en sacrifiant l’intérêt collectif ».
« La filière Bois, naguère pilier principal de l’économie congolaise durant plusieurs décennies, ne contribue plus qu’à un niveau marginal de la richesse nationale », a relevé Florent Ntsiba qui a précisé que « la présente cérémonie ne constitue que le début d’un long processus appelé à mener à une récupération patiente des recettes publiques, en rapport avec cette inspection, jusqu’au dernier centime indûment détenu par les acteurs de la filière ». Selon le directeur du cabinet du président de la République, les investigations dont les résultats ont été rendus publiques ne concernent que la partie sud du pays et couvre la période de 2016 à 2017. Il a annoncé que cette opération va se poursuivre dans la partie nord du pays avec la même efficacité.
Florent Ntsiba a également précisé que le Président de la République, premier destinataire du rapport de cette commission, avait instruit le premier ministre, Chef du gouvernement, par lettre datée du 17 septembre 2018, « à l’effet de prendre toutes les mesures correctives nécessaires, y relatives, après l’avoir analysé et apprécié les axes de redressement à envisager ».
Les premiers résultats encourageants
La cérémonie a permis au chef de la commission de remettre au ministre d’Etat directeur du Cabinet du président de la République, les premiers résultats du travail de la commission. Il s’agit des sommes recouvrées auprès des sociétés redevables. Pour Florent Ntsiba, il ne fallait pas « tuer la poule aux œufs d’or ». D’où, a-t-il expliqué, « les pénalités ont même été minorées». Ainsi, le recouvrement des sommes dues par les sociétés a été engagé conformément aux moratoires conclus entre les sociétés forestières et la mission.
En dépit des pressions et intimidations, la mission a pu recouvrer la somme de plus deux milliards (2 163 697 865) FCFA. Cette somme a été remise sous forme de chèque au ministre d’Etat, directeur du cabinet du président de la République qui l’a transmis au directeur général des douanes congolaise, Alfred Onanga. Ce dernier devra, à son à tour, acheminer le chèque directeur général du trésor public qui n’était à la cérémonie.
Wilfrid Lawilla/ Brazzaville
Burkina Demain