Au Burkina Faso, si le sankarisme est l’idéologie qui est en vogue et marche à tous les coups ; en Côte d’Ivoire, c’est sans doute l’houphouëtisme. Ainsi, la nouvelle coalition politique née ce samedi 26 janvier au bord de lagune Ebrié sous la houlette du président Alassane Ouattara se nomme «Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix», en abrégé RHDP. Un rêve politique qui se réalise à la grande satisfaction du président qui s’en explique.
« Le plus grand hommage que nous puissions rendre au Président Félix Houphouët-Boigny est de pérenniser son œuvre et d’immortaliser son nom par le choix de l’appellation de notre parti : Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix». C’est en ces termes que le président Alassane Ouattara justifie son projet de création du parti unifié, le RHDP-«Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix»-, porté sur les fonts baptismaux ce samedi 26 janvier 2019 au stade Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan. Ainsi, plus que jamais l’ancien Premier ministre du premier président de Côte d’Ivoire veut marcher dans les pas de son ancien patron. Il se pose plus que jamais en ‘’fils’’ du père politique, Houphouët-Boigny. Et ce n’est pas la première fois qu’un leader politique ivoirien se revendique l’héritage de Boigny.
Avant ADO, d’autres se sont montrés houphouëtistes
Premier véritable opposant politique de l’ex-et défunt président Houphouët-Boigny, Laurent Gbagbo s’est mué plus tard en houphouetiste. Si l’ancien président Gbagbo venait à être effectivement libéré par la Cour pénale internationale ; ce serait impossible pour lui de faire un come-back à la présidence de la République sans continuer à faire du houphouetisme. La réconciliation nationale dont parlent de plus en plus les cadres de son parti, le Front populaire ivoirien, passera forcément par le houphouëtisme.
Aujourd’hui, pour des rivalités ou ambitions politiques, Henri Konan Bédié du PDCI et d’autres leaders politiques se sont écartés du projet du parti unifié, RHDP ; mais ils seront bien obligés eux aussi de faire d’houphouëtisme pour réaliser leurs ambitions. En Côte d’Ivoire, la victoire à la présidentielle de 2020 se gagnera sûrement sur fond d’houphouetisme teinté d’un certain réalisme politique car, l’idéologie ne suffira pas à rapprocher les positions et à faire la différence.
Houphouët savait….eux ils pouvaient
Tous ces leaders politiques ivoiriens qui se revendiquent aujourd’hui de bonne ou mauvaise foi de l’ houphouëtisme, étaient jeunes à l’époque au moment Houphouët-Boigny avait pris un coup de vieillesse. Fort de leurs positions respectives, chacun se disait capable, estimant sans doute le «vieux» incapable. Mais, ce que le vieux savait par expérience et qu’eux ils ignoraient, c’est que le pouvoir n’est pas aussi facile à gérer. Ainsi, Laurent Gbagbo se sentit capable de s’opposer au «vieux», se posant ainsi en alternative pour le remplacer démocratiquement à la tête de l’Etat. Dans ses habits de chef de parlement, Henri Konan Bédié se voyait déjà président de la Côte d’Ivoire, en cas de vacance de pouvoir, fort des dispositions constitutionnelles qui faisaient de lui le successeur.
Premier ministre qui a réussi a redressé l’économie ivoirienne, Alassane Ouattara se sentait lui aussi en pole position en cas de vacance du pouvoir à la tête de l’Etat. Et quand le vieux président mourut en 1993, c’est Henri Konan Bédié qui hérita le premier du pouvoir d’Etat. Pour exclure son concurrent immédiat qui était le Premier ministre Alassane Ouattara, Bédié mena sa politique d’ivoirité qui le conduira à sa perte, puisqu’il perdra le pouvoir suite à une mutinerie. Le Général Robert Guéi qui prit sa succession, a voulu lui aussi exclure avec ses conditions ‘’et ou’’ pour être candidat à la présidentielle de 2000.
Laurent Gbagbo qui a pris le pouvoir à la suite de la présidentielle de 2000 avait lui aussi traîné à mettre fin aux exclusions politiques. Conséquence : tentative de coup d’état en 2002 suivie de la partition en deux du pays. Elu président en 2010 suite à des élections particulièrement violentes, Alassane Ouattara n’a pas su panser rapidement les plaies de cette période mouvementée de l’histoire de la Côte d’Ivoire. Mais, réélu en 2015, il tente depuis l’année dernière de recoller les morceaux en faisant adopter une loi amnistiant les prisonniers politiques dont Simone Gbagbo, épouse de l’ancien président Laurent Gbagbo, toujours détenu à La Haye pour sa supposée implication dans les violences post-électorales. Et comme nous l’avons indiqué plus haut, le président Ouattara s’est posé en champion de l’houphouëtisme.
Bref, aujourd’hui, chacun leader politique ivoirien après une expérience du pouvoir d’Etat, se rend bien compte peut-être que c’est le vieux qui avait la bonne vision de la gestion du pouvoir d’Etat.
Martin Philippe
Burkina Demain