Mariam Gui Nikièma est la présidente de l’Autorité de régulation du secteur de l’énergie (ARSE) au Burkina Faso. Alors que s’ouvre demain à Ouagadougou la troisième édition de la Semaine des énergies et des énergies renouvelables d’Afrique (SEERA) sous le thème «Politiques et innovations pour une transition énergétique réussie» ; nous sommes allé à sa rencontre. Qu’est-ce qu’elle en pense ? Comment est gérée la transition énergétique au niveau des régulateurs ? Comment est-elle abordée par la loi du 20 avril 2017 régissant le secteur de l’énergie au Burkina Faso ? Ce sont entre autres les questions auxquelles la présidente Nikièma apporte des éléments de réponses. Entretien exclusif.
Burkina Demain : La troisième édition de la Semaine des énergies et des énergies renouvelables d’Afrique (SEERA) se tiendra du 4 au 7 avril 2019 à Ouagadougou sous le thème : «Politiques et innovations pour une transition énergétique réussie». Qu’en pensez-vous ?
Mariam Gui Nikièma : Le secteur de l’énergie, dans la plupart des Etats africains et au Burkina Faso notamment, est confronté à des défis de disponibilité de la ressource énergétique (délestage fréquents), à des coûts de production élevés (coût moyen du kWh produit, transporté) et à une faible qualité de service (temps moyen de coupure élevé) pour le monde des affaires.
La transition énergétique entendue dans le sens où nos Etats se donnent les moyens de passer d’un système de production de l’énergie électrique essentiellement basé sur les énergies fossiles vers des énergies renouvelables constitue, à terme, la voie par laquelle nous parviendrons à trouver les solutions durables à ces problèmes de disponibilités de ressources en qualité et en quantité de l’électricité au profit des populations. En choisissant d’inscrire les réflexions des experts et des décideurs appelés à participer à la 3è édition de la SEERA autour du thème «Politiques et innovations pour une transition énergétique réussie», nous pensons que le Gouvernement du Burkina Faso, à travers le Ministère de l’Energie traduit sa vision de mettre à contribution la transition énergétique dans la politique de développement du secteur de l’énergie au sein des Etats africains en général et au Burkina en particulier.
La question de la réussite de la transition énergétique est-elle aussi une préoccupation pour les régulateurs du secteur de l’énergie ? Si oui, comment est-elle prise en compte ou en charge ?
Bien sûr ! Les régulateurs du secteur de l’énergie en général sont des acteurs de premier rang de la mise en œuvre des politiques énergétiques de leurs Etats respectifs. La transition vers les énergies renouvelables n’est pas sans conséquence pour le secteur électrique. En effet, au regard de la spécificité de cette énergie (intermittente) les questions techniques sont très préoccupantes liées entre autres à la capacité de stockage. C’est pourquoi en ce qui concerne le Burkina Faso, le Régulateur appuie le Gouvernement sur les questions liées aux conditions techniques de raccordement (proposition de code réseau spécifiques aux énergies renouvelables)
Aussi en vue de booster le secteur des énergies renouvelables, une proposition de modalités de rachat du surplus d’énergie a été faite. Ces modalités permettent de mieux rentabiliser les investissements de l’auto-producteur et de fournir au distributeur de l’énergie à coût réduit.
Toutes ces propositions de l’ARSE ont été faites sur la base d’une étude qui a été réalisée sur son initiative relativement au développement de la filière photovoltaïque au Burkina grâce à un appui financier de la Commission de l’Union Européenne.
Par ailleurs, la transition énergétique pouvant être également comprise comme le changement structurel profond des comportements aussi bien dans la production que dans la consommation de l’énergie à travers des modes rationnels de production et de consommation, sa réussite pour le Burkina Faso induirait une nette amélioration de la production d’énergie verte, mode plus protecteur de l’environnement, et une diminution de la consommation d’énergie, donc une plus grande disponibilité de l’énergie à distribuer. Cela devrait, à terme, permettre de réaliser l’objectif majeur de l’accès à l’énergie pour tous, facteur de croissance économique.
C’est pourquoi le régulateur de l’énergie au Burkina Faso, dont l’une des missions est de protéger le consommateur en faisant en sorte qu’il lui soit assuré la disponibilité de l’énergie, est bien intéressé par la réussite de la transition énergétique et engagée alors à y jouer sa partition.
En tant qu’appui conseil du Gouvernement dans le domaine de l’énergie, l’ARSE recommande toujours de privilégier les technologies de production utilisant les sources renouvelables dans la mise en œuvre des projets énergétiques. De même, l’ARSE appelle toujours les principaux acteurs du secteur de l’énergie ainsi que les consommateurs à promouvoir et adopter les comportements de consommation qui réalisent des économies d’énergie.
Cette question est-elle abordée par la loi du 20 avril 2017 qui régit le secteur de l’énergie au Burkina ?
Evidemment oui ! Du reste, il ne serait pas exagéré d’affirmer que la loi du 20 avril 2017 portant règlementation du secteur de l’énergie est une loi qui s’inscrit dans la transition énergétique aussi bien en amont qu’en aval. En effet, en amont parce que la transition énergétique a occupé une place de choix dans l’exposé des motifs de la soumission du projet de cette loi par le Gouvernement à l’Assemblée nationale et en aval comme ayant fait une large part à la promotion des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique.
En effet, une des grandes innovations de cette loi par rapport aux lois précédentes est l’importance accordée à la promotion des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique avec la prévision de mesures incitatives à la production plus accrue d’énergies propres et aux modes de consommation économiques et protecteurs de l’environnement.
Voudriez-vous ajouter quelque chose…
La transition énergétique pour le Burkina a un double objectif, à savoir, d’une part rendre disponible l’énergie renouvelable dont le coût de production est très compétitif devant les autres sources d’énergie et d’autre part améliorer la qualité de service.
Je voudrais pour autant saluer le choix du Gouvernement d’organiser la présente édition de la SEERA autour du thème «Politiques et innovations pour une transition énergétique réussie», au regard des résultats attendus à l’issue des travaux. Pour notre part, nous apporterons notre contribution aux différents panels à l’instar des autres participants et souhaitons à toutes et tous une bonne semaine de réflexions et d’échanges.
Entretien réalisé par Grégoire B. Bazié