Dans une conférence de presse animée ce lundi 3 juin, le ministre des mines et des carrières, Oumarou Idani, a démenti, comme lors de sa conférence du 3 mai dernier, toute implication de son département dans une quelque fraude dans cette affaire de charbon fin déjà gérée par la justice et qui continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive. «Le Ministère en tant qu’Administration publique n’est ni de près, ni de loin mêlé à une quelconque fraude ou pillage des ressources minières du pays», a-t-il soutenu, appelant au recours d’un cabinet d’expertise pour gérer l’affaire dans l’intérêt de tous. Voici l’intégralité de sa déclaration liminaire.
«Conférence de presse sur le dossier du charbon fin
DECLARATION LIMINAIRE DE MONSIUER
LE MINISTRE DES MINES ET DES CARRIERES
Mesdames et messieurs, chers partenaires de la Presse,
Je voudrais à l’entame de mon propos, vous remercier et vous souhaiter la bienvenue à la présente conférence de presse organisée pour éclairer l’opinion publique nationale et internationale sur l’affaire d’exportation de « charbon fin » par la Société Essakane SA.
Permettez-moi dans un premier temps de rappeler, que l’objectif stratégique du Gouvernement en matière de Mines et de Carrières, est de développer un secteur minier compétitif à forte valeur ajoutée et créateur d’emplois décents, en vue d’une amélioration de l’impact du secteur minier sur le reste de l’économie.
Dans ce sens, la « stratégie Mines et Carrières » est qu’à l’horizon 2026, la composante industrie minière soit compétitive et constitue un levier important de développement socio-économique durable pour notre pays.
Pour ce faire, plusieurs principes guident notre action. Il s’agit entre autres, d’exécuter efficacement notre mission en collaboration avec les autres acteurs du secteur, dans le respect des principes directeurs comme la propriété de l’Etat sur les ressources minérales, l’intégration des mines au reste de l’économie nationale, le partenariat avec le Privé, la bonne gouvernance, la préservation de l’environnement, le développement communautaire et la prise en compte des thèmes transversaux.
Je me dois aussi de rappeler ici, notre attachement à des valeurs d’intégrité et d’efficacité ainsi que notre souci constant de donner des réponses pertinentes et visibles dans la conduite de notre mission. Nous avons toujours eu constamment à l’esprit deux évidences qui conditionnent notre réussite ; premièrement, créer les conditions favorables à la recherche et à l’exploitation rationnelle et durable des ressources minérales et deuxièmement, accroître les retombées de l’exploitation des substances minérales pour l’émergence de notre pays.
Au-delà de ces valeurs qui guident toujours notre action, et conscient de l’immensité des demandes sociales encore à satisfaire et de l’insuffisance des moyens techniques et opérationnels disponibles, nous devrions, avec une grande humilité, nous réjouir des résultats auxquels nous sommes parvenus, surtout dans un environnement sécuritaire particulièrement hostile.
A la conférence de presse que j’ai organisée le 3 mai dernier avec vous, je rappelais que pour l’année 2018, la contribution du secteur minier à la formation des équilibres macro-économiques était de 266 milliards en termes de contribution aux recettes budgétaires, de 1 540 milliards en termes de recettes d’exportation et que ce secteur contribuait à hauteur de 10,6% à la formation du PIB. J’y relevais aussi, les nombreuses réformes institutionnelles engagées pour le renforcement de la Brigade Nationale Anti-Fraude de l’or (BNAF), l’opérationnalisation de l’Agence Nationale d’Encadrement des Exploitations Minières Artisanales et Semi-mecanisées (ANEEMAS), la mise en œuvre de quatre fonds miniers qui ont été créés pour soutenir le développement du secteur et pour un meilleur partage des revenus miniers.
Ces performances et efforts considérables sont ces derniers temps occultés par cette affaire pendante en justice dite « dossier du charbon fin » de Essakane S.A.
Le Ministère des Mines et des Carrières en tant qu’acteur de premier rang dans la gouvernance du secteur minier se sentant interpellé, voudrait, en guise d’information et de clarification, donner la position de l’administration minière.
Il nous apparait nécessaire de faire la genèse de l’affaire, avant de rappeler le rôle joué par le ministère, conformément à la réglementation en vigueur et clarifier enfin notre position dans ce contexte d’accusation tous azimuts de l’administration minière et des autorités au sommet de l’Etat.
- DE LA GENESE DE L’EXPORTATION DU CHARBON FIN
Chers partenaires de la Presse, la genèse de l’affaire, faut-il le rappeler, remonte au 29 Août 2018 et non en fin Décembre 2018. En effet, c’est à cette date, que par correspondance n°L371-2018, du 29 août 2018, IAM Gold Essakane S.A demandait à mon département, une autorisation d’exporter du charbon fin au Canada pour traitement. Après plusieurs séances de travail avec les services techniques compétents du ministère, nous avons par correspondance n° 2018-579 du 10 octobre 2018, marqué notre accord de principe pour l’exportation et avons invité la société minière concernée à fournir des informations sur les échantillons et les dates de pesée et de colisage. La correspondance du 10 Octobre 2018 indique également qu’une autorisation de sortie sera délivrée ainsi qu’un bulletin de liquidation des royalties, à hauteur de 70% et à titre d’acompte de la valeur de l’or estimée dans le charbon. La même correspondance précise enfin, qu’une conciliation des quantités et des valeurs sera faite après résultat du traitement final du minerai au Canada.
Après analyse de 640 échantillons par la société, les quantités d’or fin ont été estimées à 304, 273 kilogrammes, tandis que celles d’argent étaient de 135,891 kilogrammes.
Sur cette base de principe déclaratif, l’accord final du ministère est intervenu le 14 Décembre 2018 (cf lettre n°2018-724/MMC/SG/DGMG/DM DU 14 DEC. 2018) après que des représentants du Bureau des Mines et de la Géologie du Burkina (BUMIGEB) et de la Direction Générale des Mines et de la Géologie (DGMG) aient assisté aux pesées et au colisage. Ces missions se sont effectuées du 4 au 8 Octobre 2018 et du 27 Novembre au 4 Décembre 2018. Pour les besoins de contrôle, les échantillons ont été prélevés en doubles. Les doublons prélevés ont été analysés par le laboratoire du BUMIGEB qui est accrédité à la Norme ISO 17025 en analyse d’or, par le Conseil Canadien des normes.
La valeur totale estimée de ces métaux, sur la base des analyses de ESSAKANE est de 7 128 620 297 de francs CFA. Les royalties représentant 4% de la valeur totale, sont de 285 144 812 francs CFA et les royalties calculées sur la base des 70% à verser comme avance s’élèvent à 199 601 370 francs CFA.
A la suite des autorisations du Ministre en charge des mines, le Directeur Général des Douanes a, par correspondance n°2018-1959/MINEFID/SG/DGD/DLR du 18 Décembre 2018, autorisé également l’exportation du charbon fin, qui connaitra un autre épisode avec l’intervention du Procureur général.
- DE LA SAISIE DE LA CARGAISON
Au cours de l’acheminement, sur instruction du Procureur Général près la Cour d’Appel de Ouagadougou, la marchandise a fait l’objet d’une saisie à Bobo Dioulasso par une structure du Ministère des Mines et des Carrières, en l’occurrence la Brigade Nationale Anti-Fraude de l’or (BNAF), en sa qualité d’officier de police judiciaire, le 30 décembre 2018.
Après investigation, la BNAF a dressé un rapport le 4 janvier 2019, transmis au Procureur Général. Elle a conclu à cette étape de la procédure strictement administrative, à « l’absence d’infraction de fraude à la commercialisation de l’or et des autres substances précieuses ».
Suite à ce rapport, le Procureur a commis deux Consultants pour investiguer. Les deux Consultants respectivement de compétence chimiste et douanière ont déposé leurs rapports au Procureur.
C’est probablement le contenu de ces rapports qui n’a jamais été officiellement porté à la connaissance du Ministre des mines et des Carrières qui aurait fait les choux gras de la presse et de certaines OSC comme le REN-LAC.
Chers journalistes, tels sont les faits, sur la base desquels notre ministère peut donner sa lecture.
- DE LA POSITION DU MINISTERE DES MINES ET DES CARRIERES
Ces faits montrent que le Ministère des Mines et des Carrières a agi conformément à la législation et à la règlementation régissant le secteur minier. Le Ministère a joué le rôle qui est le sien, à savoir le suivi administratif régulier des opérations d’exportation de produits miniers.
Le Ministère des Mines et des Carrières ne souhaitant pas constituer un obstacle à l’accomplissement d’actes ordonnés par voie judiciaire, observe que la procédure suit son cours au niveau de la justice.
Ce qui est sûr, s’il advenait, au terme de la procédure judiciaire, que la Société Essakane S.A était reconnue coupable d’infraction, le ministère fera application de la loi dans toute sa rigueur et appuiera toutes les structures compétentes en charge de l’application des sanctions prévues à cet effet.
Toutefois nous regrettons profondément que le contenu des rapports des Consultants sensé éclairer le Procureur dans la conduite d’un dossier soit déjà interprété dans le sens de condamner de manière précoce l’Administration minière et les gouvernants.
Dans cette affaire de charbon fin, le Ministère des Mines et des Carrières rejette avec fermeté toute collusion avec la société minière. Le Ministère en tant qu’Administration publique n’est ni de près, ni de loin mêlé à une quelconque fraude ou pillage des ressources minières du pays.
Le Ministère s’inscrit particulièrement dans la voie de la recherche de la transparence.
C’est pourquoi, le Ministère pense que dans le climat actuel de suspicion, que dis-je, de crise de confiance généralisée, on ne peut pas faire l’économie de la science et de la technique pour que toute la lumière éclate dans cette affaire. Il apparait évident qu’il faut faire recours à un cabinet d’expertise indépendant ou même d’un arbitre neutre composé d’une équipe pluridisciplinaire comprenant au minimum un métallurgiste spécialisé en chimie minérale et caractérisation des matériaux, un juriste, un expert douanier, tous de notoriété reconnue et choisie consensuellement pour garantir toute la transparence requise et mettre fin à toute cette polémique. Naturellement les analyses devront se faire dans un laboratoire accrédité et internationalement reconnu. Cette option pourrait avoir l’avantage de défendre les intérêts réels de notre pays et ramener la sérénité et la confiance dans l’opinion, en même temps qu’elle favoriserait un début de réponse à la problématique globale du traitement du charbon fin au niveau des mines industrielles exerçant au Burkina, qui reste une question posée, et à résoudre obligatoirement.
Mesdames et messieurs les journalistes.
Je voudrais vous dire enfin, qu’à l’heure actuelle, nos actions sont tournées vers le renforcement de l’impact du secteur minier sur les autres secteurs de développement. Nonobstant les problèmes de perception négative que l’on veut lui imprimer, le secteur minier poursuit son envol et soutient presque tous les secteurs socioéconomiques comme l’agro-alimentaire, les hydrocarbures, les banques, le BTP, l’éducation, la santé, le transport, le genre etc., et nous travaillons à accroitre progressivement la part des entreprises nationales dans ces différents domaines.
Avant de terminer mon propos, je voudrais inviter l’ensemble des acteurs du monde minier et surtout vous, nos partenaires de la presse, à travailler pour une meilleure perception des activités minières par nos populations et les partenaires sociaux et pour le maintien du Burkina Faso comme destination privilégiée des investisseurs miniers. Votre rôle dans ce sens est primordial.
Telle est la quintessence de la présente déclaration liminaire.
Je vous remercie une fois de plus pour votre disponibilité constante à nos côtés.
Vive le secteur minier burkinabè.
Hommage aux acteurs publics et privés du secteur minier.
Dieu bénisse le Burkina Faso.
Je vous remercie !
Ouagadougou, le 03 juin 2019
Le Ministère des Mines et des Carrières »