Ce 04 Août 2019, le site d’information en ligne Burkina Demain a reçu dans ses locaux un homme d’un âge mûr, se présentant comme un attaché de santé, qui cumule trente (30) ans de bons et loyaux services dont 23 en qualité d’aide médecin. En ce jour symbolique, chargé d’histoire, l’homme, requérant l’anonymat, a dit être venu pour faire la lumière sur la misère des infirmiers spécialistes, avec l’espoir que la qualité des soins soit améliorée au bénéfice des usagers des centres de santé publique.
Voici comment le doyen s’exprime : « Nous voulons savoir si l’infirmier spécialiste est reconnu par l’Etat burkinabè ? Nous voulons que les médecins reprennent le chemin des hôpitaux publics, que les infirmiers spécialistes jouent enfin leur rôle, l’infirmier diplômé d’état aussi et au bout améliorer la qualité des soins ».
A la question de savoir qui sont les infirmiers spécialistes ?, l’homme dit en substance que ce sont des infirmiers diplômés d’Etat qui, une fois admis au concours professionnel, font une formation de deux ans au bout de laquelle ils se spécialisent dans les domaines de la chirurgie, l’ORL, l’anesthésie et la réanimation, la psychiatrie, la dialyse, la gynécologie etc. Présenté comme des aides médecins, il avance qu’à l’origine, ils étaient formés pour pallier le manque de médecins dans le pays.
140 000 francs CFA pour le médecin spécialiste et rien pour l’infirmier spécialiste
De ses explications, aujourd’hui encore, surtout en milieu rural, certains gèrent ce qu’il a appelé les petites opérations comme la hernie, l’appendicite, et souvent même la prostate, sans l’assistance d’un quelconque médecin. Aussi, ce sont les infirmiers anesthésistes qui jouent le rôle de médecin réanimateur aussi bien à l’intérieur du pays que même souvent à Ouagadougou et Bobo Dioulasso.
D’où lui vient l’idée de la misère des infirmiers spécialistes ? L’infirmier spécialiste soupire, marque une pause, comme pour inspirer l’air de la pièce.
Pour commencer, dit-il, il n’y a pas de textes qui régulent l’ensemble de ces opérations dites petites. Le problème, martèle-t-il, tout le monde fait semblant de l’ignorer. Sa parole, ce travail est dévolu au médecin chirurgien, secondé par un médecin réanimateur, assisté par les infirmiers spécialistes qui sont tenus de préparer le matériel, de le leur porter et de les aider dans les actes opératoires.
Autre chose, les textes de la fonction publique hospitalière ont reconnu la spécificité du travail du médecin spécialiste, mais pas celui de l’infirmier spécialiste. Il en veut pour preuve que le médecin spécialiste perçoive une indemnité de 140 000 francs CFA et l’infirmier spécialiste rien. « Même si c’ est 25 000 francs CFA qu’on avait prévu pour nous ? Au moins, on dira qu’on reconnait notre importance. S’il y a à motiver le médecin spécialiste, il faut aussi prévoir une motivation pour celui qui l’assiste», marmonne-t-il.
«Les infirmiers spécialistes travaillent et les médecins signent »
Ce n’est pas tout, il n’y a pas que l’Etat qui méprise le travail de l’aide médecin, enfonce-t-il. Il prend pour exemple une Organisation non gouvernementale (ONG) qui a porté, il y a peu, un projet axé sur un financement basé sur le rendement, à Kongoussi et Boulsa. Cette ONG reconnaissait et payait l’acte des médecins spécialistes et pas celui des aides médecins. Il a fallu trouver un subterfuge : « les infirmiers spécialistes travaillent et les médecins signent pour que l’ONG finance ». Malgré tout ça, reconnait-il les infirmiers sont victimes d’un mépris total des médecins qui ont peu d’égard pour eux. « Ils entretiennent un complexe de supériorité, si fait qu’ils écoutent peu les infirmiers spécialistes et ne manquent pas d’occasion pour les ridiculiser. Le climat est malsain, on dirait que nous ne sommes pas des collaborateurs. Ils n’ont pas un grain de respect pour nous. », note-t-il. Or sa foi, le dans domaine de la santé, l’expérience compte beaucoup.
N’empêche, il soutient que les infirmiers ont longtemps couvert les médecins qui se font remplacer par des stagiaires qui, à peine, viennent de soutenir la thèse de doctorat. Pendant ce temps, « les titulaires » font le tour des cliniques, poursuit-il. « Lors des opérations de césarienne, par exemple, il arrive que des stagiaires soient dépassés par l’évolution de la situation et malgré tout, ils refusent notre assistance, tout simplement parce qu’ils considèrent que nous sommes leurs subalternes. Malheureusement, certaines femmes perdent la vie », confie-t-il, en soulignant que les infirmiers spécialistes ont alors décidé de prendre leur responsabilité.
Si le médecin n’est pas là, on l’attend.
Selon lui, venus de l’ensemble du territoire national, ils se sont donné rendez-vous le 27 juillet dernier à l’école nationale de santé publique où ils ont tenu une réunion. Au terme des échanges, ils ont pris des décisions fortes : « Et depuis le 30 juillet, on a arrêté de jouer le rôle de médecin spécialiste sur toute l’étendue du territoire. Si le médecin n’est pas là, on l’attend. Nous attendons le vote d’une loi qui nous en autorise ».
Que font désormais les infirmiers spécialistes ? Il répond ainsi qu’il suit :
« Actuellement, on aide le médecin. Si le médecin réanimateur et le médecin chirurgien ne sont pas là, on n’accompagne plus les stagiaires. Ce dernier a néanmoins le droit d’assister son maitre de stage qui, à son tour, lui donne des indications … Maintenant, avec la présence des médecins spécialistes, les stagiaires vont vraiment apprendre et des vies seront sauvées ».
Anderson Koné
Burkina Demain