Désormais, la lutte contre le terrorisme dans le Sahel passe aussi par celle pour l’accès à l’énergie. Ce changement de paradigme dans l’approche des affaires anti-terroristes a été acté le 13 septembre dernier à Ouagadougou, lors du sommet des chefs d’Etat sur l’initiative «Desert To Power», mise en œuvre avec l’accompagnement de la Banque africaine de développement (BAD) et d’autres partenaires au développement. Les décisions de ce sommet inédit ont été préparées dans la matinée au cours d’une réunion ministérielle élargie présidée par le ministre burkinabè de l’énergie, Dr Bachir Ismaël Ouédraogo, en présence de ses pairs de Mauritanie, du Mali et du Tchad.
Presque toutes les problématiques relatives au secteur de l’énergie en Afrique sub-saharienne ont été abordées au cours de la réunion des ministres de l’énergie des pays du G5 Sahel tenue dans la matinée du 13 septembre 2019 à l’hôtel Laïco Ouaga 2000, en prélude au sommet des chefs d’Etat de la région sur l’initiative «Desert To Power».
Faible taux d’électrification (autour de 20%) dans la plupart des pays avec une faible part des énergies renouvelables dans le mix énergétique des Etats, à l’exception de la Mauritanie (40%) ; projets souvent mal préparés et peu bancables conduisant à des problèmes de financement ; faible implication du secteur privé et des communautés locales ; lenteurs dans l’exécution des projets énergétiques dans un contexte de forte demande ; faiblesse de coordination des actions (problèmes de communication entre acteurs) ayant un impact négatif sur l’efficacité et les coûts des projets ; faible circulation de l’électricité entre pays voisins (10%).
Tenant compte de ces pesanteurs, les organisateurs –le Burkina et la BAD- de la présente réunion ont tenu à l’élargir à la plupart des intervenants du secteur des énergies et énergies renouvelables pour non seulement donner toutes les chances à la première phase de l’initiative «Desert To Power» de tirer leçon des expériences des uns et des autres ; mais aussi permettre aux différents acteurs d’être au même niveau d’information et de se donner les bonnes idées pour une meilleure conduite de ladite initiative.
Décor bien campé
«Le continent africain affiche les taux d’accès à l’électricité les plus bas du monde, dans un contexte de fragilité, notamment dans la zone du Sahel. En outre, les pays de la zone du Sahel bénéficient d’un potentiel d’irradiation solaire parmi les plus élevés au monde alors qu’ils sont fortement dépendants des énergies fossiles (importées) et des ressources hydrauliques (…) l’irradiation solaire excède 5,5 kWh/m2 dans les 11 pays bénéficiaires de l’initiative», a campé d’entrée de jeu le ministre burkinabè de l’énergie, Dr Bachir Ismaël Ouédraogo, dans son mot introductif aux échanges.
Avant de passer la parole à ses pairs pour parler des expériences de leurs pays respectifs, le ministre Ouédraogo a évoqué le projet YEELEN au niveau du Burkina mais qui peut servir dans le cadre de l’initiative Desert To Power. Le Projet YEELEN va permettre, a-t-il indiqué, d’apporter de l’énergie à 150 000 foyers de 150 villages, soit 100 000 habitants.
Desert To Power unanimement saluée
A la suite du Dr Ouédraogo, le ministre mauritanien du pétrole, de l’énergie et des mines, Mohamed Ould Abdel Fattah, ministre du Pétrole, de l’énergie et des mines ; le ministre de l’énergie et de l’eau du Mali, Sambou Wagué, ainsi que le ministre du pétrole et de l’énergie du Tchad, Mahamat Hamid Koua, ont pris respectivement la parole pour apprécier l’initiative à sa juste valeur.
«Pour la première, on parle d’énergie, au lieu de sécurité. L’énergie est un moteur pour le développement inclusif. Les objectifs de Desert To Power est en parfaite harmonie avec de notre politique nationale. Nos différents pays devraient accélérer sa mise en œuvre. Que cette initiative puisse profiter rapidement à nos populations», a relevé Mohamed Ould Abdel Fattah.
«Il n’y a pas de cadre plus approprié que celui-là (sommet de chefs d’Etat) pour décider de la place de l’énergie dans la lutte contre le terrorisme. L’énergie est un des secteurs stratégiques ; un secteur qui a un impact sur les autres secteurs», renchérira Sambou Wagué dont le pays, le Mali, est à un taux d’électrification rurale de 24%. Et le ministre tchadien du pétrole et de l’énergie, Mahamat Hamid Koua, d’ajouter pour sa part : «Pour l’accessibilité à l’énergie, il ne faut laisser personne pour compte. L’énergie fait partie de la sécurité, si les populations ont de l’électricité. Le développement de l’énergie permet de sédentariser les jeunes, d’éviter les migrations. Si nous réussissons cette initiative, ce sera un pas important de franchi».
De l’urgence de passer rapidement à l’action
A la suite des ministres de l’énergie, des représentants d’autres importants du secteur dont le représentant résident de la Banque mondiale Burkina Faso, Cheick F. Kanté, la présidente de l’Autorité de régulation du secteur de l’énergie (ARSE) du Burkina Mariam Nikièma, l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, le directeur général de Africa 50 Alain Ebobissé ou le secrétaire permanent du G5 Sahel, pour ne citer qu’eux ont voix au chapitre.
Les uns et les autres ont également salué l’initiative tout en soulignant l’urgence d’aller rapidement à l’action, à l’image notamment d’Alain Ebobissé d’Africa 50 qui a évoqué l’expérience de l’Egypte en la matière.
Desert To Power, une ambitieuse initiative
Desert To Power est une ambitieuse initiative qui sera mise en œuvre avec l’accompagnement de la Banque africaine de développement (BAD) et d’autres partenaires au développement. L’initiative vise à transformer les zones désertiques de l’Afrique en de nouvelles sources de production d’énergie électrique mais aussi de production agricole (pompage/irrigation) grâce à l’utilisation de l’énergie solaire. L’initiative prévoit de développer des systèmes de production d’énergie électrique de sources solaire d’une puissance totale installée de 10 000 MW. Elle devrait permettre de fournir de l’électricité à 250 millions de personnes dans 11 pays que sont : Burkina Faso, Ethiopie, Erythrée, Djibouti, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Sénégal, Soudan et Tchad.
A l’issue du sommet des chefs d’Etat des pays du G5 Sahel du 13 septembre pour lequel la réunion des ministres de l’énergie a été pour beaucoup ; Desert To Power bénéficie du soutien politique pour la mise en œuvre de sa première phase dans les pays du Sahel. Il ne reste donc qu’à passer à l’action pour répondre aux besoins pressants des populations en matière d’accès aux services énergétiques de qualité.
Grégoire B. BAZIE
Burkina Demain