Avec un énorme potentiel de 60% de terres arables, l’Afrique peine encore à en tirer pleinement profit pour son développement socioéconomique à cause d’un certain nombre de pratiques contreproductives, notamment la corruption dans le secteur foncier. Cette problématique de la corruption foncière sur le continent est au cœur des débats de la troisième conférence sur la politique foncière en Afrique qui s’est ouverte ce lundi à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
«Remporter la lutte contre la corruption dans le secteur foncier : Voie viable pour la transformation de l’Afrique». C’est le thème de la troisième conférence sur la politique foncière en Afrique qui se tient du 25 au 29 novembre 2019 à Abidjan en Côte d’Ivoire, à l’initiative conjointe de l’Union africaine (UA), la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) et la Banque africaine de développement (BAD).
A l’ouverture de la conférence ce lundi au palais des congrès de l’hôtel Ivoire, la nécessité pour l’Afrique de se donner tous les moyens de maîtriser les pratiques corruptives dans le secteur foncier pour permettre enfin à l’agriculture, la terre de jouer pleinement son rôle de moteur de développement socioéconomique a été soulignée par les officiels.
De Dr Stephen Karingi, directeur du développement du secteur privé et finances à la CEA à Sansan Kambilé, ministre ivoirien de la justice représentant le Premier ministre, en passant par Sacko Josefa Leonel Correia, de l’UA ; Charles Baamah, vice-président principal de la BAD ; Thoko Didiza, ministre sud-africaine de l’agriculture,du développement rural et de la réforme agraire ; et Benjamin Laag, conseiller économique à la coopération à l’ambassade d’Allemagne à Abidjan.
L’accès des femmes et des jeunes à la terre
Au nombre des préoccupations évoquées par les officiels et les experts, la question de l’accès des femmes et des jeunes à la terre qui peut trouver aussi son explication dans la corruption qui gangrène le secteur foncier. Or, comme le souligne la commissaire Correia, 80% des aliments issus de l’agriculture sont produits par les femmes. D’où la nécessité selon, de trouver les voies et moyens d’assurer l’accès de celles-ci à la terre, dans l’équité.
Pour tendre vers cet objectif ambitieux, les différents acteurs de la question foncière sont mobilisés pour cette conférence : chefs coutumiers, chercheurs, experts, politiques, femmes, jeunes, etc. Car, comme l’a indiqué le ministre Kambilé, la lutte contre la corruption dans le secteur foncier relève à la fois de la responsabilité collective et individuelle. Et d’exhorter les participants à la conférence à des débats francs et constructif, minimisant les divergences et privilégiant les points de convergence afin d’aboutir, dit-il, à «des résultats réalistes».
Pour Nana Yapi Julien Boka , vice-président de la chambre des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire, cette conférence est la bienvenue en ce sens qu’elle constitue une rencontre d’échanges, un rendez-vous du donner et du recevoir, chacun ayant son idée et son expérience sur la question. En tout cas, le vice-président de la BAD Baamah ne dira pas le contraire, lui qui a confié avoir payé deux fois pour la même terre dans son pays, le Ghana.
«La corruption foncière n’est pas visible mais on la sent»
Mais, comment se manifeste la corruption dans le secteur foncier qui n’est plus, comme dira le coopérant allemand Laag, un tabou, «la preuve on en parle ici» ? Pour l’expert marocain Moha El-Ayachi, coordonnateur à Rabat de NELGA-Réseau d’excellence sur la gouvernance foncière en Afrique- ; «la corruption n’est pas visible dans le secteur foncier mais on la sent».
A l’écouter, c’est quand l’on entreprend dans le secteur que l’on se rend bien compte des obstacles. Abordant la question des chefs traditionnels sur le foncier, ils pensent qu’ils ne sont pas forcément le problème et estime qu’ils ont contribué à limiter l’accaparement des terres en Afrique.
Justement que fait l’Union africaine contre l’accaparement des terres sur le continent ? Sur cette question brûlante, la commissaire à l’agriculture et à l’économie rurale de l’organisation a renvoyé la responsabilité aux Etats qui jouissent de leur souveraineté.
Des expériences intéressantes à partager
La Côte d’Ivoire a pour sa part affirmé par la voix de son ministre de la justice qu’elle était pleinement engagée dans une politique de clarification des processus d’accès à la terre, assurant que les décrets d’application de la loi foncière du pays ont été pris ; et évoquant la mise en place d’une agence de promotion foncière rurale.
Et au-delà de la Côte d’Ivoire, d’autres pays africains comme le Rwanda, la Tanzanie, le Kenya, le Maroc sont cités comme étant dans de bonnes dynamiques en matière de bonne gouvernance foncière. Et les expériences devraient être largement partagées au cours de la présente conférence sur la politique foncière en Afrique à Abidjan.
Grégoire B. Bazié, Abidjan
Burkina Demain