Ouverts lundi à Abidjan, les travaux de la troisième conférence sur la politique foncière en Afrique (CLPA) battent leur plein. Ce mardi plusieurs problématiques foncières sur le continent ont été âprement débattues par les acteurs de l’évènement. Au nombre de ces problématiques figurait notamment la question de l’accès de la femme africaine à la terre.
Pour animer le panel sur l’accès de la femme à la terre en Afrique dans le cadre de la 3e conférence sur la politique foncière en Afrique, plusieurs chercheurs, experts et acteurs de la question étaient réunis autour de la table. Entre autres, il s’agit de Senia Nhamo, professeur associé du département économie de l’Université de l’Afrique du Sud ; de Drani Stephen, chef traditionnel ougandais ; d’Abebaw Abebe du ministère éthiopien de l’agriculture ; du Dr Sandra Bothasara de l’université d’Hararé au Zimbabwe ; du professeur Bachenga du Cameroun.
Les uns après les autres, ils ont partagé avec les participants au panel leurs résultats d’études ou de recherches menées sur cette problématique de l’accès de la femme à la terre en Afrique. Et ce qu’il faut retenir de leurs présentations, c’est que la question se pose toujours avec acuité. L’accès de la femme reste globalement encore très faible, malgré des expériences intéressantes relevées et ça et là, notamment au Rwanda, Tanzanie.
Il est à noter que dans la plupart des Etats, la question foncière et celle de son accès à la femme est souvent abordée sous deux régimes : le régime coutumier et le régime moderne avec des dispositions légales et règlementaires.
Plusieurs obstacles à l’accès de la femme africaine à la terre
Malgré les dispositions constitutionnelles ou légales favorables à l’accès des femmes à la terre en Afrique, plusieurs obstacles persistent et empêchent encore d’accéder à la terre au même titre que les hommes. La plupart des dispositions sont toujours en attente d’application effective à cause des pesanteurs socioculturelles ou le manque de volonté politique. Il y aussi le fait que les femmes ont souvent un niveau d’instruction inférieur aux hommes et ont quelque fois peur de revendiquer leurs droits. Selon le professeur Bachenga du Cameroun, la question devint complexe lorsque l’on introduit la notion d’égalité Homme-Femme.
A l’écouter, traditionnellement, la femme a toujours possédé et travaillé la terre en Afrique, sans qu’il y ait des problèmes. Il préconise même le renforcement des institutions traditionnelles pour résoudre le problème lié en fait à la marchandisation de la chose foncière. A ce niveau, le chef traditionnel ougandais de confier que chez lui lorsqu’une femme s’oppose à la vente d’un terrain familial par son mari, celui n’a aucun droit de passer outre. C’est une règle coutumière qui est rigoureusement respectée.
Les coutumiers pas favorables à l’accès de la femme à la terre
Un peu plus tôt, un autre chef traditionnel, Sa Majesté Mfumu Difima, secrétaire général de l’Alliance nationale des autorités traditionnelle de la République démocratique du Congo, soutient que la solution aux problèmes fonciers en Afrique passera forcement par les coutumiers. «Quand les coutumiers géraient les terres il n’y avait pas de problème. Et depuis qu’ils ont été expropriés, la situation va de mal en pis ».
Comparant la situation à celle de l’enfant prodige qui avait fini par rejoindre le père après avoir dilapidé sa part d’héritage, il estime qu’il encore temps pour les Africains de faire machine arrière et rétrocéder la gestion des terres aux coutumiers. A l’écouter, la communauté constitue en elle-même un Etat et que la terre ne saurait être une propriété privée, individuelle. Dans sa démarche, il n’est pas pour l’accès de la terre à la femme à titre individuel.
Problèmes d’accès à la terre vécus
Ces difficultés, Mami du département de Divo, dans le Sud-ouest de la Côte d’Ivoire, les vit au quotidien. «Tout le temps, c’est des problèmes entre autochtones et allogènes autour de la terre. Parfois, c’est des discussions autour des limites de terrains. Comme vous le savez, nous les femmes nous ne pouvons posséder la terre. Les discussions ici pour notre accès à la terre nous réjouissent beaucoup. Mais, nous attendons de savoir ce à quoi elles vont aboutir concrètement», a-t-elle confié.
Et d’évoquer aussi la question de la vente des terrains à plusieurs personnes à la fois. Une situation qui atteste si besoin en était de la pertinence de la présente conférence sur la politique foncière en Afrique dont le thème, faut-il le rappeler, s’intitule : «Remporter la lutte contre la corruption dans le secteur foncier : Voie viable pour la transformation de l’Afrique».
Grégoire B. Bazié, Abidjan
Burkina Demain