Les établissements d’enseignement au Burkina Faso en général et à Ouagadougou en particulier sont pris d’assaut par les débits de boissons qui impactent négativement l’éducation des élèves. En effet, ces maquis et kiosques construits devant les écoles sont de véritables bombes à désamorcer, vu qu’ils sont des lieux dans lesquels l’on vend des boissons alcoolisées comme la bière, les ‘’tchro-tchro’’ ou liqueurs frelatées. Impuissants face à cette situation, les responsables de certaines écoles nous ont exprimé leur mécontentement et appellent au secours.
Selon David Kabré, responsable du complexe scolaire le Bon Berger, le phénomène des débits de boisson prend de plus en plus de l’ampleur et impact négativement le comportement des élèves ainsi que leurs résultats. A l’écouter, les élèves qui sont en retard ou qui s’absentent aux heures des cours s’installent généralement à ces lieux et se permettent de consommer de l’alcool de tout genre. Ce qui est déplorable dans cette affaire, dit-il, c’est qu’il y a des élèves qui n’ont même pas l’âge qui fréquentent ces lieux. Pire, les vendeurs de ces boissons acceptent ces pauvres élèves en tenue scolaire parce qu’ils cherchent de l’argent. Un ‘’look for money’’ démesurée qui terni l’image des établissements.
«La faute est partagée »
Mais à qui la faute ? A cette question monsieur Kabré dit ne pas vouloir accuser qui que ce soit parce que la faute est partagée. Il demande alors à ce que l’on se rend compte de l’impact qu’exerce le phénomène, sur les enfants et leurs établissements, et propose la sensibilisation comme fusil d’épaule pour résorber le mal.
L’enseignant de science physique Lassina Toro de ce même complexe scolaire trouve que l’absence de la rigueur de l’emprise parentale est l’une des causes du phénomène. « Nous, nous n’avons pas le pouvoir de déguerpir des gérants des maquis.
Pour ce faire, le ministère de l’éducation doit prendre ses responsabilités », renchérit Béré Roger, un des censeurs de la sainte Collette, avant de préciser que la présence des maquis est une installation anarchique, donc une source d’insécurité et d’incivisme au niveau national.
«Fiefs des élèves grévistes»
Parlant d’incivisme, il faut dire que ces lieux en question sont les fiefs des élèves grévistes qui sèment la pagaille dans les écoles. Quant au proviseur du lycée mixte de Gounghin, il revient aux autorités communales de faire quelque chose. Autant de points de vue divergents qui prouvent que le problème est vraiment sérieux.
A écouter Karim Kaboré, directeur de l’enseignement privé, public au ministère de l’éducation nationale et de la promotion des langues nationales, c’est avec tristesse que le ministère a appris que des débits de boisson pullulent aux alentours des établissements d’enseignement, pourtant dans le décret n°926, il est formellement interdit que des entreprises qui peuvent nuire au bon fonctionnement de ces établissements-là.
Mais, indique-t-il, pour que des entreprises s’installent à proximité des écoles, il faut obligatoirement 400 m de distance. Donc, c’est à l’autorité communale de prendre les dispositions nécessaires pour éviter éventuellement la construction des maquis ou des kiosques.
«Nous en avons conscience »
Le maire de l’arrondissement 10 de Ouagadougou, en l’occurrence Jérémie Sawadogo pour se défendre, à fait savoir qu’à ce jour, la mairie a pu fermer quatre débits de boisson qui étaient aux à-côtés d’une école et les intéressés ont dû changer de métier. « Nous avons conscience de l’ampleur que prend le phénomène et nous travaillons à y remédier », rassure-t-il. Dire que c’est la mairie qui donne l’autorisation aux gérants des débits de boissons, Jérémie Ouédraogo est prêt à défier n’importe qu’elle personne qui tiendra une telle affirmation.
A ses dires, c’est un faux procès qu’on fait à la mairie parce qu’elle n’a jamais permis à quelqu’un de construire un lieu de consommation d’alcool devant une école. Il invite au contraire les responsables d’écoles à dénoncer la présence de ces lieux.
Voir des élèves qui s’adonnent à l’alcool est très mauvais, si on en croit Souleymane Zombré, un parent d’élève. « Il faut qu’ils arrêtent d’en consommer, a-t-il martelé, en demandant d’éloigner ces lieux le plus loin possible des enfants. « Mais comme nous sommes au Burkina Faso, qu’est-ce qu’on peut dire ? » s’est-il interrogé.
A analyser ses propos, il n’arrive pas à comprendre que des individus se permettent de venir installer des maquis et kiosques devant des écoles de cette manière.
La situation est tellement grave que Yasmina Koné du lycée mixte de Gounghin se sentirait mieux si l’Etat interdisait à tout prix la construction de tels coins aux alentours des écoles. Selon ses explications, le bruit de la musique dans ces lieux les empêche de se concentrer en classe.
«C’est très choquant »
Les débits de boissons qui jonchent les devantures ou les murs des écoles est un véritable problème à prendre à bras le corps parce que les enfants ‘’n’ont tellement pas peur de Dieu’’ qu’ils osent même envoyer des sachets de liqueurs frelatées en classe.
« C’est très choquant », avoue un deuxième parent d’élève. Fatao Dondassé, élève en classe de 3ème au complexe scolaire le Bon Berger, lui, croit que chaque élève doit être conscient de ce qu’il est venu chercher à l’école. « Si seulement les débits de boissons étaient loin des écoles, les élèves ne s’y rendraient pas quotidiennement », a laissé entendre Lassina Toro.
Pour Abdel Aziz Bancé du groupe scolaire sainte Collette, il est inadmissible qu’on autorise la construction de ces lieux devants des établissements d’enseignement. Et d’ajouter qu’il est impossible de bosser normalement quant on est ivre. Si certains accusent le ministère de ne pas prendre ses responsabilités et que le ministère rejette la faute sur la mairie, à qui alors de sauver l’avenir des enfants et de l’éducation au Burkina Faso ?
Nicolas Bazié
Burkina Demain