Haandi Ouoba, inspecteur du trésor, décrypte le système DIP Gold

Plus d’un millier de jeunes s’enrichissent facilement de nos jours au Burkina Faso, au Ghana et bien d’autres pays, à travers un système dénommé « DIP gold ». Ce système donne la possibilité à tout intéressé de miser une somme d’argent dont il recevra le double dans seulement neuf jours, soit un taux d’intérêt de 100% contrairement aux banques et aux microfinances. Pour décrypter  le système, ses tenants et aboutissants, nous avons rencontré un connaisseur, l’inspecteur de trésor de son état, Haandi Ouoba. Entretien exclusif.

Haandi Ouoba, inspecteur du trésor, décrypte le système DIP Gold

Burkina Demain : Avez-vous déjà entendu parler du « DIP gold Investment » ?

Haandi Ouoba : Je ne savais pas de quoi il s’agissait ; c’est précisément en ligne à travers un article que je me suis imprégné des informations sur cette plateforme d’investissement.

En tant qu’inspecteur du trésor, est-ce que ce système est crédible ?

La crédibilité de ce système d’investissement qui est une plateforme dans laquelle les gens placent une certaine somme pour recevoir dans un court terme le double de l’investissement, peut-être une réalité puisqu’il est informatisé. A priori, cela peut être crédible puisque les responsables du système en question rémunèrent les placements des intéressés et se font aussi des bénéfices, du moins,  de ce qu’on aurait appris. Mais les gens doivent intégrer la notion du risque lorsqu’ils décident d’entrer dans des choses de ce genre.

En plus, on peut aussi se demander où ils placent l’argent pour se faire des bénéfices, en aussi peu de temps. Objectivement, il y a des doutes sur la fiabilité du système. On peut se poser des questions comme :  est-ce que les acteurs promoteurs de la plateforme gagnent réellement quelque chose dans ce système où ils rémunèrent leurs investisseurs ? Est-ce un système à court terme, dans lequel on prend de l’argent chez X aujourd’hui pour donne à Y demain ?

Quels sont les risques que peut courir le citoyen burkinabé qui décide d’investir sur cette plateforme ?

D’abord, le risque financier. En effet, il s’agit de perdre ce qu’on a misé. Ensuite, la compromission de certains investisseurs auprès d’un proche à cause de certaines pratiques pas catholiques, lorsqu’ils décident de s’y lancer. J’aimerai souligner que cette activité pour le peu que je sais, est en porte à faux avec les règles qui régissent les systèmes financiers dans notre pays. Pour mener une activité d’épargne et de crédit, il faut avoir un minium de reconnaissance et en la matière, le trésor public est la structure habilitée pour règlementer toutes ces questions parce qu’on a l’impression que ces acteurs s’apparentent à des concurrents des banques et des microfinances. Une personne qui a sa petite somme et on lui dit que dans 10 jours on va lui rémunérer à 100% aura tendance à aller vers cette plateforme au détriment des banques. Il faut ajouter que pour les promoteurs d’une telle plateforme il n’est pas exclu qu’ils fassent l’objet de poursuites judiciaires parce que la légalité de cette activité reste à prouver.

Malgré les risques, pourquoi les gens s’y intéressent autant ?

Il faut l’avouer, c’est la misère, c’est la paupérisation qui frappe la jeunesse en chômage comme celle en travail. Donc, pour beaucoup, il n’y a pas d’alternative.

Vu de son procédé, est-ce qu’on peut comparer ce système au trading ?

Il y a une similitude entre ce système et le trading. Tu mises une somme, le taux de rémunération de la somme que tu as misée est connu d’avance ; beaucoup de ceux qui investissent ne savent pas forcement où va cet argent : ils attendent juste que l’échéance arrive pour se faire rémunérer.

Le système ne favorise-t-il pas le blanchiment d’argent ?

Bien évidemment, cela favorise le blanchiment d’argent dans une certaine mesure puisque blanchir de l’argent, c’est l’obtenir de façon illicite et vouloir le distiller dans l’économie pour le fructifier, mais de sorte à ce qu’il n’y ait pas de soupçons. Il est bien possible donc que quelqu’un qui dispose d’une somme acquise de cette manière et qui veut la fructifier dans le silence fasse recours à un tel système en la distribuant à des jeunes qui, à leur tour, feront les placements à son nom.

Parlant des problèmes que rencontre la plateforme actuellement, y a-t-il lieu d’accuser les banques qui crie à la  concurrence déloyale ?

Cette hypothèse n’est pas à exclue parce qu’ils sont des agents économiques qui cherchent du profit. Mais, selon ce que j’ai pu lire, le promoteur de DIP gold, qui serait un informaticien qui s’est formé aux USA, a relevé que les difficultés de la plateforme ne sont pas liées à une main invisible, mais plutôt une limite technique interne à la plateforme. C’est pourquoi, il y a des améliorations de la plateforme la faisant passer du système 1 ( Dipgold 1) jusqu’à 5 maintenant. Ces problèmes peuvent avantager les banques mais c’est trop osé de dire qu’elles sont derrière ce blocage. C’est juste des défauts systémiques de la plateforme, à mon sens.

Voudriez-vous ajouter un mot ?

Les gens ont des difficultés pour avoir un minium de revenu et c’est ce qui les pousse à se diriger vers de tels systèmes. Donc, vu que beaucoup de personnes s’y inscrivent, à défaut de règlementer ces systèmes en leur reconnaissant la possibilité de mener des activités de ce genre en toute légalité, il faut un toilettage de notre système financier de sorte à interdire les activités de ces structures qui ont l’air d’exister en toute illégalité.

Entretien réalisé par Hioua Eric Bassolé

Burkina Demain

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