Les candidats et militants sont gonflés à bloc dans la perspective des élections de novembre 2020. Du côté de la majorité tout comme de l’opposition, chacun croit fermement en ses chances de victoire. Les investitures de candidats ont déjà commencé. Elles se poursuivront les semaines à venir. C’est de bonne guerre. Si les uns et les autres semblent dans de bonnes dispositions d’esprit, tous les acteurs du processus électoral doivent prendre toutes les dispositions pour éviter des crises pré ou post-électorales. Le contentieux électoral doit être géré dans un cadre républicain.
Les sociétés démocratiques se caractérisent, entre autres, par l’organisation d’élections disputées à intervalles réguliers. Le contentieux électoral a, à cet effet, pour objet de vérifier la régularité des actes et la validité des résultats des élections. En d’autres termes, il se définit comme l’opération qui vise à régler les litiges mettant en cause la régularité des processus électoraux. Le contentieux électoral comporte lui-même plusieurs types de contentieux : le contentieux électoral proprement dit et le contentieux répressif qui tend à la sanction des actes de fraudes commis à l’occasion des élections et à la condamnation de leurs auteurs.
Quelle que soit l’analyse que l’on peut faire à propos de l’idée de la représentation politique en rapport avec la démocratie, le contentieux apparaît comme la technique qui assure, autant que possible, l’équité et la régularité de la représentation dans la démocratie électorale. Or il n’y a pas d’élection sans contentieux. En effet, l’élection pluraliste est aujourd’hui indispensable pour mesurer la légitimité des gouvernants. Le contentieux est incontournable pour assurer la crédibilité de la consultation électorale. L’existence du contentieux et sa fiabilité sont un signe de la légitimité des procédures de désignation des gouvernants.
En d’autres termes, l’utilisation du contentieux électoral par les acteurs politiques et l’adhésion de ceux-ci à l’idée même de ce mécanisme démontrent leur maturité ainsi que celle de la population en général, et révèlent le niveau de développement politique de la société. Il vaut mieux organiser le contentieux que d’avoir recours aux violences postélectorales.
Au regard des enjeux du scrutin du 22 novembre, certains acteurs clés comme les magistrats ont déjà commencé à se former sur le contentieux électoral notamment en son volet actes préparatoires. Ces actes préparatoires sont entre autres, les décrets de convocation du corps électoral, d’ouverture et de fermeture de la campagne électorale, les arrêtés de publications des listes électorales, les décisions du Conseil supérieur de la communication (CSC) relatives à la campagne, les arrêtés municipaux désignant les espaces publicitaires destinés à la campagne électorale.
Ces actes juridiques pris dans le but de mieux organiser le suffrage. font parfois l’objet de contestations devant les tribunaux administratifs. Il est donc important que les magistrats soient conséquemment outillés pour y faire face.
Attention à ne pas jeter l’huile sur le feu
De leur côté, les partis politiques sont déjà en précampagne. Les candidats déclarés ou pressentis ne ratent pas l’occasion pour s’envoyer des piques. Le 30 juin dernier, à saaba, Zéphirin Diabré de l’UPC a accusé ouvertement le parti au pouvoir, le MPP d’avoir commandé des machines parallèles pour « gonfler le nombre de personnes qui vont voter ». Se basant sur ces soupçons de fraude, il réclame à cor et à cri un audit international du fichier électoral :«Tant qu’il n’ y a pas d’audit international du fichier électoral, il n’ y aura pas d’élections ici ! » Martèle-t-il. Zéphirin Diabré est certainement dans son rôle d’opposant.
Mais dispose-t-il de preuves pour appuyer des accusations aussi graves ? Comment des machines parallèles peuvent-elles être introduites dans le système de la CENI pour biaiser un enrôlement qui s’opère sur des bases biométriques? Peut-on, au nom de ses ambitions politiques, faire feu de tout bois ? La justice serait bien intéressée de disposer des preuves de l’UPC pour mieux situer l’opinion nationale et internationale,…
Cette même justice doit faire toute la lumière sur les personnes qui ont été arrêtées pour fraude présumée. Si elles sont reconnues coupables, la rigueur de la loi doit leur être appliquée pour dissuader de telles velléités. La fraude dont il est question n’est l’apanage ni de la majorité ni de l’opposition. Il faut donc être vigilant à tous les niveaux.
L’audit du fichier électoral s’inscrit dans l’ordre normal des choses. Il a été fait en 2015 et le monde entier a salué le Burkina Faso pour avoir réussi des élections démocratiques et transparentes. Pourquoi en serait-il autrement en 2020 ?
Le pays est déjà confronté à moult difficultés. La sécurisation des élections reset un grand défi. Le président du Conseil Supérieur de la Communication, Mathias Tankoano et sa délégation ont subi une attaque terroriste dans la région de l’Est sur l’axe Kantchari-Diapaga le 12 juillet. Il s’agit d’une attaque aux engins explosifs improvisés suivi de tirs. Grâce à la bravoure des FDS, ils en sont sortis indemnes !
Le convoi était escorté par le détachement militaire de Kantchari et la Compagnie républicaine de sécurité de Fada N’Gourma. Nous sommes en train d’entrer dans un cycle où ce type d’attaques va se multiplier. Il y’a donc lieu de définir dès à présent une bonne stratégie de sécurisation des élections qui doivent , en dépit de ce contexte, se tenir à bonne date pour ne pas ouvrir la boite de pandore.
A l’orée de ces consultations, il appartient aux acteurs politiques, tout bord confondu, de jouer convenablement leur rôle pour éviter les crises pré ou post-électorales qui ne feront que fragiliser davantage le pays. Le Burkina Faso doit consolider son expérience démocratique avec ces élections du 22 novembre 2020. Le pays ne doit pas en sortir en lambeaux. Que chacun se le tienne pour dit !
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou