En sa qualité de président en exercice de la conférence des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le président nigérien Mahamadou Issoufou a présidé la visio-conférence de ce jeudi de l’organisation régionale sur la situation au Mali marquée par la prise du pouvoir des militaires. Dans cette allocution de clôture, Issoufou dresse le point des décisions prises par les chefs d’Etat dont l’exigence de la libération du président IBK et de ses collaborateurs, ainsi que son rétablissement dans le fauteuil présidentiel.
Allocution de S.E.M. Issoufou Mahamadou, Président de la République du Niger, Chef de l’Etat, Président en exercice de la CEDEAO, à la clôture du Sommet Extraordinaire sur la situation au Mali
Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Mesdames et Messieurs
Nous sommes à la fin de notre Sommet extraordinaire consacrée à la situation au Mali, suite au coup d’Etat perpétré par une junte militaire le 18 mars 2020, et qui a conduit à l’arrestation et à la démission subséquente du Président de la République du Mali, ainsi qu’à la dissolution de l’Assemblée Nationale et du Gouvernement.
Comme nous l’avions fait depuis le déclenchement de cette crise, nous avons décidé de nous impliquer résolument dans la recherche de solutions à cette nouvelle situation, aux côtés du peuple malien et de toutes les forces vives de ce pays frère, afin que la paix et la sérénité puissent régner de nouveau au Mali, déjà lourdement éprouvé par une insécurité qui entrave son développement économique et social. Nous avons examiné la situation sans complaisance et nous avons procédé à des échanges francs et fructueux avec, à l’esprit un seul objectif fondamental, le retour dans les plus brefs délais au calme et à une situation institutionnelle normale dans ce pays.
Dans nos échanges et nos propositions, le Protocole de la CEDEAO sur la bonne gouvernance et la démocratie nous a servi de guide. Ce protocole auquel tous nos pays sont parties, nous indique clairement les voies à suivre en cas de changement anticonstitutionnel de régime politique, tel que c’est le cas au Mali.
Il nous permet de prendre des mesures conservatoires pour protéger le cadre démocratique et républicain en pareille circonstance, et nous les avons prises.
Nous avons donc décidé après nos échanges de prendre les décisions ci-après :
a) condamnons avec fermeté les menaces et les pressions ainsi que les manipulations effectuées par les militaires putschistes sur le Président Ibrahim Boubacar Kéita pour le contraindre à annoncer une démission contre son gré ;
b) condamnons avec la plus grande fermeté la tentative de renversement par des militaires putschistes du gouvernement démocratiquement élu du Président Ibrahim Boubacar Kéita ;
c) dénions catégoriquement toute forme de légitimité aux militaires putschistes et exigeons le rétablissement immédiat de l’ordre constitutionnel ;
d) exigeons la libération immédiate du Président Ibrahim Boubacar Kéita et de tous les officiels arrêtés ;
e) rappelons aux militaires putschistes leur responsabilité sur la sûreté et la sécurité du Président Ibrahim Boubacar Kéita et des officiels arrêtés ;
f) demandons le rétablissement du Président Ibrahim Boubacar Kéita en tant que Président de la République, conformément aux dispositions constitutionnelles de son pays.
g) suspendons le Mali de tous les Organes de Décision de la CEDEAO avec effet immédiat, conformément au Protocole Additionnel sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance et ce, jusqu’au rétablissement effectif de l’ordre constitutionnel ;
h) décidons de la fermeture de toutes les frontières terrestres et aériennes ainsi que l’arrêt de tous les flux et transactions économiques, financières et commerciales à l’exception des denrées de première nécessité, des médicaments, du carburant, et de l’électricité entre les pays membres et le Mali. Nous invitons tous les partenaires à faire de même ;
i) demandons la mise en œuvre immédiate d’un ensemble de sanctions contre tous les militaires putschistes et leurs partenaires et collaborateurs ;
j) décidons de dépêcher immédiatement une délégation de haut niveau pour assurer le retour immédiat de l’ordre constitutionnel ;
k) demandons la montée en puissance de la Force en Attente de la CEDEAO ;
l) décidons de demeurer saisie de la situation au Mali.
Bien entendu, le cadre de dialogue institué par notre communauté reste valable et le médiateur Goodluck Jonathan est disponible pour continuer sa mission de rapprochement des positions de toutes les parties et de réconciliation du peuple Malien. Nous allons donc engager des discussions avec les responsables de la junte militaire pour leur porter le message de notre communauté et leur faire comprendre que le temps des prises de pouvoirs par la force est révolu dans notre sous-région. Nous travaillerons de façon inclusive, avec tous les fils du Mali afin que ce pays s’engage dans un processus où ses institutions démocratiques seront pleinement rétablies et opérationnelles et ce dans les meilleurs délais.
En tant que Président en Exercice de la CEDEAO, j’ai à cœur la résolution de la crise politique et institutionnelle au Mali et au vu des échanges que nous venons d’avoir je n’ai aucun doute que c’est le même sentiment qui anime tous les Chefs d’Etat et de Gouvernement de notre Communauté et qu’ensemble nous réussirons. Le Mali est dans une situation critique avec des risques graves qu’un affaissement de l’Etat et des institutions n’entraîne des revers dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé avec toutes les conséquences pour l’ensemble de notre communauté. C’est dire que ce pays a plus que jamais besoin de notre solidarité.
Pour conclure Je tiens à réaffirmer aux Maliens que la CEDEAO travaillera avec eux pour trouver et mettre en œuvre les solutions les meilleures pour la stabilité institutionnelle de leur pays. Nous avons décidé de la convocation de la prochaine visioconférence dans une semaine.
Sur ce, je déclare clos les travaux de notre visio-sommet extraordinaire.
Je vous remercie de votre attention !»