Les Forces armées nationales (FAN) ont 60 ans depuis ce 1er novembre 2020. Durant ces six décennies, l’armée aura marqué d’une empreinte indélébile l’histoire du pays.

L’analyse se fonde sur 04 temps forts : le soulèvement populaire de 1966, la révolution d’août 1983 et la guerre de noël, l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014,  la lutte contre le terrorisme engagée depuis 2015.

Même si l’histoire du Burkina Faso a été jalonnée de plusieurs coups d’État militaires, l’armée  s’efforce de demeurer républicaine. Dans un contexte d’insécurité généralisée et face aux menaces endogènes et exogènes,   elle est appelée à relever de plus grands défis pour la paix et la stabilité au Burkina Faso.

L’armée burkinabè est créée le 3 août 1960, par la loi N° 74-60/AN. Elle s’est constituée sur les cendres de l’armée coloniale française et était composée d’officiers, de sous-officiers et de militaires du rang. À sa naissance, elle était constituée du 1er Bataillon de Haute-Volta qui était composé de cinq compagnies d’infanterie, soit deux à Bobo-Dioulasso et trois à Ouagadougou. Le transfert de commandement entre les autorités militaires françaises et voltaïques s’est effectué le 1er novembre 1960. Depuis lors, la fête anniversaire des Forces Armées Nationales est célébrée le  chaque 1er novembre. Quatre principales missions sont  dévolues aux FAN. La première est de « garantir la sécurité, la souveraineté et l’intégrité du territoire national ».

La deuxième est  celle qui consiste à « participer au développement socio-économique national ».  La troisième mission de l’armée est de « contribuer à la prévention, à la gestion et à la résolution des conflits en prenant part aux actions militaires et humanitaires sous l’égide de l’ONU et des organisations régionales et sous régionales ».

La quatrième mission consiste à « prendre, en matière de protection civile, les mesures de prévention et de secours que requièrent en toutes circonstances, la sauvegarde des populations et la protection des biens (catastrophe, risques majeurs de toute nature) ».  C’est sous Maurice Yaméogo que le pays accède à l’indépendance en 1960. Après avoir dirigé le pays pendant 6 ans, le premier président est contraint de démissionner le 3 janvier 1966 à la suite de soulèvements populaires provoqués par son train de vie et sa politique d’austérité.

Le lieutenant-colonel Aboubacar Sangoulé Lamizana prend le pouvoir, renverse la Première République, instaure un régime militaire autoritaire et supprime les partis politiques. Le régime s’assouplit peu à peu et, la même année, les partis politiques sont à nouveau autorisés. Le 14 juin 1970, le Président Lamizana fait approuver par référendum une nouvelle constitution marquant le début de la Deuxième République. Le nouveau texte attribue la présidence de la République au militaire le plus ancien dans le grade le plus élevé, et accorde au moins un tiers des portefeuilles ministériels à l’armée. En 1977, une nouvelle constitution est approuvée par référendum, marquant le début de la Troisième République.

En 1980, le lieutenant-colonel Aboubacar Sangoulé Lamizana qui régnait sur le pays sera renversé par le Colonel Saye Zerbo à la suite d’un coup d’état militaire. Ce dernier sera renversé en 1982 par Jean-Baptiste Ouédraogo qui, en 1983, se verra à son tour forcé de remettre le pouvoir  au Capitaine  Thomas Sankara, alors premier ministre.

Une armée d’intrépides combattants

La Guerre de la Bande d’Agacher, aussi appelée Guerre de Noël a lieu du 14 au 30 décembre 1985 autour d’une bande de terrain de 275 km de longueur sur 50 de largeur à l’extrême nord-ouest du territoire burkinabé. Depuis leurs indépendances, au début des années 1960, le Mali et le Burkina Faso se disputent cette zone désertique riche en minerais, baptisée bande d’Agacher. En décembre 1974, les militaires maliens et burkinabè s’opposent brièvement pour son contrôle lors d’une première guerre. Les combats ne durent que deux jours et feront quelques morts, avant qu’une médiation des pays voisins mette fin au conflit entre les belligérants.

À la fin de l’année 1985, les tensions refont surface dans la bande d’Agacher. En cause : des incursions ponctuelles de policiers et militaires maliens de l’autre côté de la frontière, mais aussi une opération de recensement menée par des fonctionnaires burkinabè dans des villages revendiqués par les deux États. Bien réelle, la crispation autour de ce litige frontalier fournit aussi un prétexte pour en découdre à Moussa Traoré et Thomas Sankara, deux dirigeants qui entretiennent des relations exécrables. Les hostilités sont déclenchées le 25 décembre 1985.

Face aux chars et aux Mig 21 maliens, les forces burkinabè s’éparpillent et adoptent la technique de la guérilla. Des combattants attaquent les chars maliens à la roquette et parfois même à la grenade ou au couteau. Les affrontements sont meurtriers.

Après cinq jours de combats, un accord de cessez-le-feu est trouvé le 30 décembre à Yamoussokro. Le différend frontalier de la bande d’Agacher est finalement réglé le 22 décembre 1986, lorsque la Cour internationale de justice de la Haye, à laquelle ce dossier a été confié en 1983, partage la zone litigieuse entre les deux pays.

Les 30 et 31 octobre,  même s’il y a eu des morts et des blessés, l’armée  n’a pas opté de massacrer le peuple  pour permettre à Blaise Compaoré, parvenu au pouvoir après l’assassinat de thomas Sankara le 15 octobre 1987, de continuer à régner après 27 ans.  Sous la pression populaire, elle a pris ses  responsabilités. Pour le clan Compaoré, c’était le chant du cygne. Cette même armée se dressera comme un seul homme pour mettre fin à la forfaiture de Gilbert Diendéré dans son putsch contre la transition en septembre 2015.

Depuis les premières attaques terroristes de grande envergure de janvier 2016, l’armée burkinabè est sur la sellette en matière de lutte contre le terrorisme.  Dans cette lutte, elle a payé et continue de payer un lourd tribut. Ses succès sont également indéniables. Les opérations otapuanou, Ndoofu, les nombreux démantèlements de bases terroristes, la sécurisation des convois humanitaires,  la réinstallation de populations dans des zones jadis occupées par des terroristes sont autant de motifs de fierté.

Aujourd’hui, la lutte se mène en synchronisation avec les volontaires pour la défense de la Patrie (VDP) et sur la base de précieux renseignements fournis par l’Agence Nationale de Renseignement (ANR). Face à l’ennemi, l’armée burkinabè est plus résiliente. Elle n’est plus dans une posture défensive. Elle débusque l’ennemi et le neutralise  où il se doit. La quiétude est de plus en plus de retour dans de nombreuses localités du pays même si la vigilance doit demeurer.

Les défis pour les prochaines années

Les défis en matière de lutte contre le terrorisme au Burkina Faso sont connus. Il ne faut pas réinventer la roue. Les nombreux efforts doivent être poursuivis en termes d’accroissement des effectifs, d’amélioration des capacités techniques et opérationnelles des FDS, de consolidation des liens de confiance entre FDS et populations.

L’heure est venue d’opérationnaliser la politique nationale de sécurité dont le pays s’est doté.  En matière de lutte contre le terrorisme, il faut avoir le triomphe modeste, se garder des invectives et autres procès en sorcellerie.

Il est illusoire de croire que ces questions peuvent se résoudre par de simples négociations aux contours douteux ou en quelques semaines comme en entend certains candidats  à la présidentielle le pérorer. Il faut une approche systémique, stratégique et pragmatique.  L’armée demeure l’une des pièces maitresses du puzzle.

 

Jérémie Yisso BATIONO

Enseignant chercheur

Ouagadougou

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