Il y a trois semaines, lors de la mission de contrôle de l’Autorité du secteur de l’énergie (ARSE), le barrage de Bagré, l’un des plus grands ouvrages hydroélectriques du pays, affichait un taux de remplissage de 60%, ce qui lui permettait de fournir 12 MW au réseau national interconnecté. Aujourd’hui, selon un Communiqué de la Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL), le niveau d’eau du barrage ne cesse de monter et qu’en conséquence, « si le rythme actuel du remplissage se maintient, elle procédera dans les prochains jours à l‘ouverture des vannes d’évacuateur de crues».
Pour un pays comme le nôtre dépendant à 60% des importations pour son approvisionnement électrique, l’annonce de l’ouverture prochaine des vannes de grues au barrage de Bagré suscite à priori un sentiment de joie car cela signifie que les deux turbines de l’ouvrage hydroélectrique tournent déjà ou tourneront bientôt à plein régime. Car, plus de mégawatts produits à Bagré conduit à une certaine réduction de la dépendance aux importations. Mais, quelque part aussi, il y a comme un pincement au cœur, un sentiment de gâchis avec toutes ces eaux qui seront évacuées, alors que l’on aurait pu utiliser ces ressources hydrauliques pour produire davantage de l’électricité et réduire encore la dépendance énergétique.
1 milliard 720 millions de m3 d’eau évacuée l’année dernière
Selon les responsables de la SONABEL Bagré, c’est l’équivalent de la capacité du barrage, c’est-à-dire 1 milliard 720 millions de m3 d’eau, qui a été évacué l’année dernière où la période de crues est intervenue plus tôt. Cela signifie qu’au lieu des 14 MW, le pays aurait pu tirer jusqu’à 28 MW à Bagré. Et si l’on prend en compte le fait que Bagré est situé sur un bassin versant avec régulièrement des évacuations depuis 2013, l’on se rend bien compte de l’énormité du gâchis.
C’est pourquoi, plus que jamais, les autorités doivent accélérer la mise en œuvre du projet «Bagré aval » qui va permettre au pays de tirer pleinement profit de Bagré. Aussi bien sur le plan énergétique qu’agricole. En effet, de ce projet hydroélectrique, l’on attend une production de 14 MW, soit l’équivalent de la puissance installée de Bagré. Selon les prévisions, Bagré aval devrait être une réalité en 2023. Quand on connait la complexité de la réalisation des ouvrages hydroélectriques avec les implications financières, socioéconomiques ; l’on se demande à ce jour si les conditions objectives sont réunies pour le respect de cette échéance. Pendant ce temps, la demande en énergie ne cesse de croître chaque année.
Accélérer les autres projets hydroélectriques
Au-delà de Bagré aval, ce serait bien aussi d’accélérer la réalisation des autres projets hydroélectriques du pays : Bontioli, Bougouriba, Folonzo, Gongourou, Noumbiel. Certes, le Burkina Faso fait figure de parent pauvre de la région en matière de potentialités hydroélectriques, avec seulement un potentiel de plus d’une centaine de mégawatts, loin derrière la Guinée (plus de 5 000 MW) ; le Nigéria (plus de 3 700 MW) ; la Côte d’Ivoire (plus de 1 200 MW) ; le Bénin (plus de 430 MW) ; le Ghana (plus de 300 MW) ; le Mali (plus de 230 MW).
Mais, le Burkina Faso peut, avec une volonté politique plus affirmée, tourner cette pauvreté en potentialités à son avantage. Car, c’est une réalité connue dans le secteur : plus les projets sont grands, à l’image de Inga en RD Congo, plus c’est difficile de les réaliser. En revanche, si les projets sont de petite taille, on a plus de possibilité de maîtriser les différents paramètres et de réaliser in fine ces projets.
Bagré, une preuve palpable
Le barrage de Bagré, débuté en 1988 et inauguré en 1993, en est une preuve palpable. Sa construction n’a pas pris plus de cinq ans. Or, cela fait plus d’une dizaine d’années que l’on parle de Bagré aval sans que les choses ne bougent véritablement sur le terrain.
Hormis Samandéni, ce constat est valable pour les autres projets hydroélectriques du pays dont la plupart, à l’exception de Noumbiel (60 MW) n’ont même pas la puissance installée de Bagré (14 MW).
Bref, en un ou mille mots, il urge d’accorder plus de priorité à la réalisation de nos projets hydroélectriques car, c’est de cette façon que l’on pourra contribuer efficacement à réduire les délestages et la dépendance électrique vis- à- vis du Ghana et de la Côte d’Ivoire, qui mettent un point d’honneur à valoriser leurs potentialités.
Suivre ces exemples ghanéen et ivoirien
Pour le Ghana, cette propension pour l’hydroélectricité remonte déjà aux début des années 60 avec la réalisation du barrage d’Akossombo d’une puissance installée de 1 020 MW. Pour la Côte d’Ivoire, l’engagement de l’Etat en la matière, est plus affirmé depuis le deuxième mandat d’Alassane Ouattara, avec plus de 250 MW injectés dans le réseau ivoirien au cours de ces cinq dernières années, avec notamment la réalisation du barrage de Soubré (270 MW). En outre, le pays de Félix Houphouët Boigny, prévoit, toujours grâce à ses projets électriques, plus de 900 MW d’ici 2030, avec notamment le projet déjà engagé de Louga (280 MW).
Notre pays gagnerait à suivre ces exemples du Ghana et de la Côte d’Ivoire qui, malgré leurs ressources en hydrocarbures ou en gaz naturel, accordent toujours de la priorité aux projets hydroélectriques ; cela leur permettant de renforcer le mix énergétique et partant, l’offre énergétique.
Pour le Burkina Faso, la réalisation des projets hydroélectriques permettra évidemment de réduire cette chronique dépendance électrique, ainsi que la facture énergétique vis-à-vis des deux pays frères.
Grégoire B. BAZIE
Burkina Demain