Dr Bachir Ismaël Ouédraogo qui a repris le 15 janvier 2021 la direction du département de l’énergie du pays renforcée du secteur des mines et des carrières, veut faire du Local Ownership», l’un de ses chevaux de bataille. L’ouverture ce jeudi 9 septembre 2021 à Ouagadougou du premier Conseil d’administration du ministère lui a donné l’occasion de fournir plus de précisions sur sa vision de ce nouveau concept.
«Mise en œuvre de la stratégie nationale du contenu local dans le secteur de l’énergie, des mines et des carrières au Burkina Faso : enjeux et perspectives». C’est le thème du premier Conseil d’administration du ministère de l’énergie, des mines et des carrières qui s’est tenu ce jeudi 9 septembre 2021.
Présidant l’ouverture de ce CASEM, le ministre de l’énergie, des mines et des carrières Bachir Ismaël Ouédraogo a abordé un nouveau concept, le «Local Ownership», appelé à prendre de l’importance dans la gouvernance de son département.
«Local Ownership», ce que c’est
En clair, il s’agit de faire en sorte que les opérateurs économiques investissent dans le secteur minier mais aussi énergétique. Et cela est d’autant plus envisageable que de plus en plus l’on a des grands banquiers ou entrepreneurs de travaux publics internationaux burkinabè. Mais, au-delà de ces géants financiers, l’on peut aussi une autre approche qui permette d’associer le maximum de Burkinabè dans la mise en valeurs des ressources minérales et énergétiques. Le gouvernement pourrait par exemple recourir à l’actionnariat populaire pour leur exploitation. Mais, dans l’un et l’autre cas, il faudra une gestion saine du secteur de l’énergie, des mines et des carrières. Pour que les investisseurs, qu’ils soient Burkinabè ou étrangers acceptent d’injecter des fonds, il faut qu’ils soient sûrs du système, de la neutralité du système, retour sur investissement, surtout que cela nécessite de lourds investissements. Certes, le Burkina Faso, en la matière, n’est pas le dernier, mais il doit faire encore quelques efforts pour faire du «Local Ownership», une réalité palpable.
Là-dessus, la politique du pays en la matière est capitale, l’engagement politique est crucial. L’on ne peut pas faire du «Local Ownership», s’il n’y a pas un engagement politique affirmé. Des bons exemples peuvent être cités. Au niveau national, l’on peut citer la loi CNT qui oblige aujourd’hui les sociétés minières à verser de l’argent aux communes minières. A l’international, il y a le cas du barrage de la renaissance en Ethiopie où les Ethiopiens ont participé au financement de la construction de l’infrastructure hydroélectrique. Sans engagement politique fort ce gigantesque barrage dont la question du remplissage continue d’envenimer les rapports avec d’autres pays, ne verrait pas le jour.
Réformes avec le MCA-Burkina II
L’engagement politique, c’est aussi mettre en place un cadre fiable à même d’attirer des investisseurs privés à travers par exemple une autorité de régulation indépendante à même de trancher en cas de litiges entre acteurs. Si cette autorité existe au niveau de l’énergie, son indépendance financière reste à être consolidée puisque son financement dépend en grande partie encore des financements publics.
C’est pourquoi, dans le cadre du second du Millenium Challenge Corporation consacré au secteur de l’électricité, les Etats Unis ont exigé un certain nombre de réformes préalables au niveau de la régulation avant d’honorer leur engagement de financement d’un montant d’environ quatre cent cinquante millions (450 000 000 ) de dollars.
Par ailleurs, au niveau du secteur minier, avec cette affaire de charbon fin qui continue de défrayer la chronique, ce ne serait pas insensé d’envisager, au-delà du code minier de 2015, un autre mécanisme qui permette de rassurer davantage l’opinion publique sur la bonne gestion du secteur minier et d’attirer in fine des investisseurs locaux.
«Ils se mettent ensemble pour se détruire, au lieu de construire ensemble»
Quand les pouvoirs publics auront fini de jouer leur rôle, de mettre en place un cadre assaini, fiable propice aux investissements privés, il reviendra à ces acteurs surtout nationaux de s’organiser pour réunir les fonds nécessaires pour mettre en valeur les projets énergétiques et miniers. Et en la matière, nos opérateurs économiques ne semblent pas jouir d’une bonne réputation. «Généralement, ils se mettent ensemble pour se détruire, au lieu de construire ensemble», a confié un observateur lors d’une rencontre le 29 juin dernier du ministre Ouédraogo avec les opérateurs économiques à Ouagadougou. Or, tout le monde le sait, les projets miniers et énergétiques exigent souvent des dizaines, voire des centaines de milliards. Et la meilleure façon de réunir facilement ces gros sous, c’est la constitution de consortiums entre opérateurs nationaux. Vu que les nôtres ont du mal à s’entendre, la question du Local Ownership devient problématique. Et la plupart des cas, ce sont les entreprises étrangères (financièrement et techniquement plus fortes) qui finissement par rafler les marchés dans les systèmes capitalistes, en l’absence d’actionnariat populaire.
Pour notre cas, espérons tout simplement, pour ne prendre que le cas du MCA Burkina Faso II, nos opérateurs réussiront à se mettre ensemble pour que ces centaines de milliards en jeu n’échappent pas à l’économie nationale. Cela est aussi valable pour les autres grands projets nationaux et sous- régionaux dans les secteurs de l’énergie et des mines.
Grégoire B. BAZIE
Burkina Demain