Dans la lutte contre le terrorisme, le Burkina Faso fait l’effort de respecter le droit international humanitaire. C’est ainsi que des centaines de présumés terroristes sont détenus dans la prison de haute sécurité de Loumbila à quelques encablures de Ouagadougou. Ils attendent d’être situés sur leur sort. En août dernier, leTribunal de grande instance (TGI) Ouaga II a organisé les premiers procès du pays en matière de terrorisme. C’est un acte très important dans l’affirmation de la primauté du droit au plan national et international.
Dura lex. Sed lex. La loi est dure. Mais c’est la loi. Dans un État de droit, un présumé terroriste appréhendé ne doit pas être systématiquement passé par les armes. Il a droit à un procès équitable jusqu’à ce que sa culpabilité soit formellement établie. Le Burkina Faso a dû procéder à un aggiornamento de son dispositif juridique et institutionnel pour une réponse plus efficace et adéquate en matière de prévention et de répression du terrorisme dans le respect des droits humains. C’est ainsi qu’une nouvelle loi antiterroriste a été adoptée le 17 décembre 2015.
Elle permet entre autres de mieux décrire les circonstances de commission des actes pouvant recevoir la qualification de « terroriste », d’incriminer la participation à I ‘étranger, de nationaux ou de résidents à ces actes et d’incriminer I ‘apologie du terrorisme. L’autre réforme a consisté en la création au sein du tribunal de Grande Instance de Ouagadougou d’un pôle judiciaire spécialisé doté de la compétence nationale pour I’ enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des actes terroristes. Une unité de police judiciaire spécialisée dans la lutte contre le terrorisme a également été mise sur pied. Dans le cadre de la nouvelle loi antiterroriste, des procédures spéciales ont été élaborées pour donner aux magistrats les instruments juridiques nécessaires pour I ‘accomplissement de leur mission. Au terme d’un procès placé sous haute sécurité, la justice burkinabé a donc condamné à 20 ans de prison, mardi 10 août, deux terroristes du groupe Ansaroul Islam auteurs d’une attaque en 2018 contre une école. Cette peine est assortie de 15 ans de sûreté.
Ces terroristes du groupe armé Ansaroul Islam ont attaqué et incendié l’école primaire de Bafina, localité située dans la province du Sanmatenga (région du Centre-Nord) le 02 mai 2018. Accompagnés de quatre autres personnes, ils avaient également incendié le domicile du directeur de l’école, avant d’emporter deux motos. A la barre, les deux accusés ont reconnu les faits, expliquant avoir ciblé l’école primaire et les enseignants « parce que les enseignements qui y sont donnés sont contraires aux dispositions de la charia » prônée par le groupe islamiste Ansaroul Islam. Dans le contexte actuel, il n’est pas superfétatoire de rappeler quelques dispositions de la loi anti-terroriste. La maxime est connue. Nul n’est censé ignorer la loi.
Que renferme la loi anti-terroriste de 2015
Pour faire face aux incessantes attaques terroristes auxquelles le Burkina Faso est confronté depuis 2015, la loi anti-terroriste datant de décembre 2009 a été révisée en décembre 2015. Cette révision a permis d’élargir le champ des incriminations d’actes terroristes en vue d’une plus grande efficacité dans la lutte contre le terrorisme. Ainsi, sont considérés comme «actes de terrorisme» les infractions qui, par leur nature, visent à intimider ou à terroriser une population ou à contraindre un Etat ou une organisation internationale, à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque. Il en va ainsi de la prise d’otage, des infractions contre l’aviation civile, les navires et les plateformes fixes, les moyens de transport collectif, des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale y compris les agents diplomatiques, des infractions par utilisation de matières dangereuses (explosifs, matières nucléaires ou radioactives,…)
Le délai de la garde à vue dans le cadre d’actes terroristes, initialement de 10 jours, a été augmenté à 15 jours avec une possibilité de prorogation de 10 jours. Les peines d’emprisonnement vont de 10 à 20 ans, voire l’emprisonnement à vie, si l’acte entraîne mort d’hommes. Les actes préparatoires et d’appui au terrorisme sont réprimés des mêmes peines que les auteurs exécutants. La juridiction qui prononce une peine d’emprisonnement ferme pour des actes terroristes doit l’assortir d’une peine de sûreté au moins égale aux deux tiers de la peine prononcée. La peine de sûreté détermine une période de détention maximale incompressible.
Relativement aux matières dangereuses, la loi précise qu’est puni d’un emprisonnement de 20 à 30 ans quiconque « détient, transfère, altère, cède, disperse, utilise illicitement ou menace d’utiliser des matières nucléaires ou radioactives, entraînant ou pouvant entraîner la mort ou des blessures graves pour autrui ou des dommages substantiels aux biens ou à l’environnement ». Les poseurs d’IED et leurs complices doivent se le tenir pour dit.
Est puni de deux à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de deux à vingt millions de francs, le fait pour toute personne de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à l’un ou plusieurs des actes terroristes définis dans la loi. La loi autorise, sous certaines conditions, le recours aux techniques spéciales d’investigation telles que les écoutes téléphoniques, la surveillance électronique, la captation d’image ou de son et les infiltrations pour faciliter la collecte de preuves des infractions prévues. Le terrain est suffisamment déblayé pour l’ANR qui en use à bon escient en témoigne la qualité des renseignements collectés.
Les perquisitions et visites domiciliaires peuvent s’opérer à toute heure de jour et de nuit dans les locaux supposés abriter les auteurs et autres éléments de preuves, ou servant de lieux de préparation des infractions visées par la loi. La lutte contre le terrorisme doit être multidimensionnelle. Le Burkina Faso doit mettre toutes les chances de son côté pour une réponse à la fois énergique et efficace. Sur le plan militaire, la traque contre les terroristes et tous leurs affidés doit se poursuivre sans relâche. Sur le plan judiciaire, les actes terroristes doivent être réprimés selon toute la rigueur de la loi.
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant Chercheur
Ouagadougou