En 2022, la croissance économique en Afrique subsaharienne (ASS) devrait décélérer, passant de 4,1 % en 2021 à 3,3 % , en raison du ralentissement de la croissance mondiale, de la hausse de l’inflation exacerbée par la guerre en Ukraine, de conditions météorologiques défavorables, du resserrement des conditions financières mondiales et du risque croissant de surendettement. Ces tendances compromettent la réduction de la pauvreté, déjà mise à mal par l’impact de la pandémie de COVID-19. Ce sont là des conclusions de la dernière édition (26ème) du rapport semestriel de la Banque mondiale «Africa Pulse» sur l’économie subsaharienne. Rapport publié le 4 octobre dernier à Washington.
En effet, dans ce dernier numéro, la publication semestrielle de la Banque mondiale Africa’s Pulse analyse encore les perspectives économiques régionales à court terme, prévoyant une décélération de la croissance en Afrique subsaharienne, de 4,1 % en 2021 à 3,3 % en 2022, soit une révision à la baisse de 0,3 point de pourcentage par rapport aux anticipations du mois d’avril. Cette dégradation est principalement due au ralentissement de la croissance mondiale, et en particulier à la baisse de la demande chinoise de biens de base produits en Afrique. La guerre en Ukraine exacerbe une inflation déjà élevée et pèse sur l’activité économique en contribuant à déprimer à la fois les investissements des entreprises et la consommation des ménages. En juillet 2022, 29 des 33 pays d’Afrique subsaharienne pour lesquels des informations sont disponibles présentaient des taux d’inflation supérieurs à 5 %, tandis que 17 pays affichaient une inflation à deux chiffres.
L’impact de la forte augmentation des prix alimentaires, l’aspect le plus préoccupant
« Ces tendances compromettent la réduction de la pauvreté, déjà mise à mal par les conséquences de la pandémie de COVID-19, indique Andrew Dabalen, économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique. L’impact de la forte augmentation des prix alimentaires sur les personnes qui peinent à nourrir leur famille est l’aspect le plus préoccupant, car il menace le développement humain à long terme. Cette situation nécessite la prise de mesures politiques d’urgence pour rétablir la stabilité macroéconomique et aider les ménages les plus pauvres tout en réorientant les dépenses dans le secteur agricole et alimentaire, de manière à renforcer la résilience future. »
La hausse des prix de l’alimentation entraîne des difficultés aux conséquences particulièrement graves dans l’une des régions du monde où l’insécurité alimentaire est la plus forte. La sous-alimentation a fortement augmenté en Afrique subsaharienne ces dernières années, en raison des chocs économiques, des violences et des conflits ainsi que de conditions climatiques extrêmes. En Afrique, plus d’une personne sur cinq souffre de la faim et le nombre des personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë a été estimé à 140 millions en 2022, contre 120 millions en 2021, selon les indications du Rapport mondial sur les crises alimentaires actualisé en milieu d’année.
Marge de manœuvre budgétaire quasi inexistante pour les gouvernements
Ces crises étroitement liées arrivent à un moment où les gouvernements n’ont quasiment plus de marge de manœuvre budgétaire pour financer une réponse efficace. Si certains pays disposant de ressources naturelles ont pu profiter des prix élevés des matières premières pour améliorer leur bilan, beaucoup d’autres ont épuisé les réserves publiques avec les programmes précédemment mis en place pour contrer les répercussions économiques de la pandémie.
En 2022, la dette devrait rester élevée en Afrique subsaharienne, à 58,6 % du PIB. Les gouvernements africains ont consacré 16,5 % de leurs recettes au service de la dette extérieure en 2021, contre moins de 5 % en 2010. Huit des 38 pays de la région admis à bénéficier de l’aide de l’IDA sont en situation de surendettement, et 14 risquent fortement de les rejoindre. Par ailleurs, dans un contexte de coûts d’emprunt élevés, il devient difficile d’emprunter sur les marchés nationaux et internationaux, tandis que le resserrement des conditions financières mondiales affaiblit les monnaies et augmente le coût des emprunts externes pour les pays africains.
Tendances diverses d’une région à l’autre
Si la croissance en Afrique subsaharienne devrait rebondir à 3,5 % en 2023 et à 3,9 % en 2024 ; le rapport relève des tendances diverses d’une région à une autre. Parmi les trois plus grandes économies africaines, la croissance est modérée au Nigeria et en Afrique du Sud, tandis que l’économie angolaise bénéficie de la hausse des prix du pétrole, d’une augmentation de la production pétrolière et des bonnes performances du secteur non pétrolier.
À l’exclusion de l’Afrique du Sud et de l’Angola, la sous-région de l’Afrique orientale et australe devrait connaître une croissance de 4,5 % l’année prochaine et de 5,0 % en 2024.
À l’exclusion du Nigeria, la sous-région de l’Afrique occidentale et centrale devrait connaître une croissance de 5,0 % en 2023 (contre 4,2 %), et la croissance se raffermira en 2024 (5,6 %). Les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA ou WAEMU en anglais) devraient se redresser en 2023 après le ralentissement de 2022 (4,9 %), pour atteindre 6,4 %, et se raffermir encore en 2024 pour atteindre 7,0 %.
L’impact de la guerre en Ukraine sur l’inflation
La guerre en Ukraine a accéléré une inflation déjà orientée à la hausse dans la région. La hausse de l’inflation pèse sur l’activité économique en ASS en déprimant à la fois les investissements des entreprises et la consommation des ménages. En juillet 2022, 29 des 33 pays d’Afrique subsaharienne pour lesquels des informations sont disponibles présentaient des taux d’inflation supérieurs à 5,0 %, tandis que 17 pays affichaient une inflation à deux chiffres.
L’inflation fonctionne comme une taxe régressive, touchant de manière disproportionnée les pauvres. En ASS, la forte répercussion des prix des denrées alimentaires et des carburants sur les prix à la consommation a fait grimper l’inflation à des niveaux record dans de nombreux pays, dépassant le plafond des objectifs des banques centrales dans la plupart des pays qui en ont un. La grande majorité de la population d’Afrique subsaharienne est touchée par les prix élevés des denrées alimentaires, car elle consacre en moyenne plus de 40 % de ses dépenses totales à l’alimentation.
Amplification du déficit budgétaire
Les présents défis économiques surviennent à un moment où la capacité des pays à soutenir la croissance et à protéger les ménages pauvres est fortement limitée. La marge de manœuvre budgétaire est presque épuisée dans certains pays d’Afrique subsaharienne, principalement en raison du niveau élevé de la dette, de la hausse des coûts d’emprunt et de l’épuisement de l’épargne publique. Le déficit budgétaire de la région s’est creusé pendant la pandémie pour atteindre 5,6 % du PIB en 2020 (contre 3,0 % du PIB en 2019). En 2022, le déficit s’élève à 4,8 % du PIB en raison des efforts de consolidation.
La question de la dette…nécessité de politiques économiques cohérentes
La dette devrait rester élevée à 59,5 % du PIB en 2022 en Afrique subsaharienne. Huit des 38 pays éligibles à l’IDA dans la région sont en situation de surendettement, et 14 risquent fortement de les rejoindre. Les gouvernements africains ont consacré 16,5 % de leurs recettes au service de la dette extérieure en 2021, contre moins de 5 % en 2010.
Pour préserver les acquis du développement dans la région, les pays doivent en priorité protéger les ménages les plus pauvres tout en maintenant la stabilité macroéconomique. Pour cela, il faut mettre en œuvre des politiques monétaires, budgétaires et d’endettement cohérentes afin de faire baisser l’inflation et de dégager une marge de manœuvre budgétaire. Si les pressions inflationnistes ne sont pas maîtrisées, cela pourrait entraîner des troubles sociaux, intensifier les conflits et, en fin de compte, provoquer une instabilité politique.
La hausse des prix des denrées alimentaires entraîne des difficultés aux conséquences graves dans l’une des régions du monde où l’insécurité alimentaire est la plus forte. La faim a fortement augmenté en Afrique subsaharienne ces dernières années, en raison des pertes de revenus et des perturbations de la chaîne d’approvisionnement causées par la pandémie, des conflits régionaux et mondiaux, des conditions climatiques extrêmes et de l’invasion de criquets. Plus d’une personne sur cinq en Afrique est confrontée à la faim – une proportion bien plus grande que dans les autres régions du monde. L’insécurité alimentaire aiguë (phase 3 de la CIP ou plus) est également en hausse : on comptait 140 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë en 2022, contre 120 millions en 2021. Au moins 55 millions de personnes dans la Corne de l’Afrique sont en situation d’insécurité alimentaire grave, l’Éthiopie, le Kenya et la Somalie connaissant la pire sécheresse depuis 40 ans.
– Si les décideurs africains ne prennent pas de mesures urgentes, la sécurité alimentaire continuera de se dégrader, avec des conséquences dévastatrices pour les populations les plus pauvres et les plus vulnérables d’Afrique. En période de crise et de ressources limitées, il est impératif que les gouvernements trouvent des moyens de soutenir les ménages les plus pauvres tout en réorientant leurs dépenses agricoles et alimentaires vers les biens publics qui produisent les meilleurs résultats en matière de développement.
Burkina Demain
Source : 26ème Rapport Africa’s Pulse Banque Mondiale