C'est à Casablanca que les représentants de l'Afrique de l'Ouest et du Nord se sont retrouvés pour se pencher sur la problématique de la sécurité alimentaire et énergétique

La Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) a animé ce mercredi 2 novembre 2022 à Casablanca, au Maroc, une conférence de presse virtuelle ayant porté sur la problématique de la sécurité alimentaire et énergétique en Afrique du Nord et de l’Ouest.

C’est à Casablanca que les représentants de l’Afrique de l’Ouest et du Nord se sont retrouvés pour se pencher sur la problématique de la sécurité alimentaire et énergétique

“Sécurité alimentaire et énergétique en Afrique du Nord et de l’Ouest dans un contexte de crises multiples”, c’est autour de ce thème que la directrice du bureau sous régional pour l’Afrique de l’Ouest de la CEA, Mme Ngone Diop et la directrice UNECA SRO-NA, Mme Zuzana SCHIDROWSKI, ont livré leurs analyses.

C’est depuis le Maroc (Casablanca), où les bureaux sous- régionaux pour l’Afrique du Nord et de l’Ouest de la Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) sont en réunion, que les es deux conférencières se sont prêtées aux questions des journalistes.

Dans sa prise de parole, la directrice du bureau sous régional pour l’Afrique de l’Ouest de la CEA Mme Ngone Diop a rappelé l’importance de cette conférence de presse pour la commission économique pour l’Afrique (CEA). Leur mandat, a-t-elle dit, est d’appuyer les pays en tout temps et en tous lieux indépendamment de la préoccupation du moment. Et en espèce selon la directrice, la préoccupation c’est la problématique de la sécurité alimentaire et énergétique.

«On parle beaucoup de la crise de Covid-19, de la guerre Ukraine-Russie… parce que ça exacerbe tous les problématiques que nous vivons. Mais il y a également d’autres crises sous-jacentes dont la crise sécuritaire surtout dans notre région en Afrique de l’Ouest où le terrorisme continue à être actif, la crise liée au changement climatique et les effets pervers inhérents à cela. Mais si on se concentre sur l’alimentaire et par ricochet les différentes crises inhérentes à cela, la manière dont cette problématique a été exacerbée, il faudrait qu’on reconnaisse que c’est une problématique exacerbée par la crise Covid-19 », a-t-elle déclaré.

Malgré ses richesses, la sous-région Afrique de l’Ouest, du fait du pauvre taux de transformation de ces ressources, les économies sont très vulnérables à toutes les crises. Même si les crises se passent sur d’autres régions, ipso facto la même région les ressent de manière directe et parfois indirecte, a-t-elle souligné.

Autre problématique soulevée par la conférencière, c’est le fait que les efforts déployés par les pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest pour relancer leurs économies touchées par la pandémie du Covid-19 sont entravés par des prix élevés et volatiles des denrées alimentaires et de l’énergie. Le tout résultant de la guerre entre l’Ukraine et la Russie. En effet, ces deux pays sont d’importants exportateurs de denrées alimentaires, représentant près de 30% des exportations mondiales de blé ces dernières années.

Les pays d’Afrique du Nord, notamment l’Égypte, la Tunisie, le Maroc et la Libye, importent plus de la moitié de leur blé de l’Ukraine et de la Russie, l’Égypte étant le premier importateur mondial de blé.  En Afrique de l’Ouest, selon la récente évaluation conjointe de la CEDEAO, du Programme Alimentaire Mondial (PAM) et de la FAO, 46% de la farine de blé est importée de la région de la mer Noire, principalement de la Russie et de l’Ukraine.

«Depuis la crise de Covid-19, les problématiques sous-jacentes, structurelles ont été exacerbées par les blackouts, c’est-à-dire la plupart des économies étaient fermées. Il s’agit des secteurs agricoles, service commercial etc. Mais cela a été exacerbé par d’autres crises. Les différentes statistiques, les études que nous avons menées à la CEA mais également de manière générale aux Nations Unies, nous rappellent que la plupart de nos pays sont sur la ligne de démarcation en matière de sécurité alimentaire (…). Cette ligne de démarcation qui est très fine a été exacerbée par la crise ukrainienne.

Pourquoi ? Parce que les 15 pays de l’Afrique de l’Ouest, pratiquement tous ont un certain rapport de dépendance en terme d’importation de produit alimentaire de blé et d’autres céréales Ukrainiens et russes. Le Bénin, le Sénégal et le Togo sont fortement dépendants des importations du blé en provenance de la Russie, avec des parts respectives dans leurs importations de blé s’élevant à 68%, 52% et 45%, selon les données de la FAO, FEWS NET et PAM, sur la situation des marchés de l’Afrique Centrale et de l’Ouest pour le premier trimestre 2022 Mai-2022 », a indiqué la directrice sous régionale de la CEA.

D’autres pays sont aussi dépendants mais beaucoup moins. Les chiffres oscillent parfois entre 25%, 15% du fait des habitudes alimentaires différentes. Cette même évaluation de la FAO a également mis en exergue une baisse estimée à 20% de la protection agricole. Conséquence du changement climatique mais également du processus de relèvement de l’économie des différents secteurs post Covid.

Par ailleurs, par rapport à la période de soudure, période où les acteurs du système agricole ne produisent pas par manque de pluies, le taux d’insécurité alimentaire s’avère à plus de proportion de 27,1% à plus de 32,2% soit une hausse de 70%. C’est pour dire que la crise Ukraine-Russie, la crise covid-19 et les crises climatiques combinées, ont des impacts directs sur la sécurité alimentaire dans les différents pays de l’Afrique de l’Ouest, a souligné la Directrice.

Pour Mme Ngone Diop, si on prend tous les 15 pays de l’Afrique de l’Ouest, on a des cycles alimentaires variables omniprésents et qui demandent des actions concrètes. Dans cette même perspective, avec la banque mondiale, certaines données de celle-ci comparant les années 2019 et maintenant, il s’est avéré qu’en terme d’énergie il y a 63,7% de consommation. Mais à partir de 2020, une baisse exponentielle de ces consommations-là, a été notée parce que dans certains pays, de manière officielle, c’est en de ça de 40 à 50%.

« Toutes ces préoccupations commandent des innovations. Il nous faut repenser nos politiques économiques, repenser l’articulation de nos réponses de manières qu’elles soient beaucoup plus novatrices qui ne permettent pas seulement de répondre aux symptômes de ces problématiques mais aux causes fondamentales qui affectent pendant plusieurs années. Malgré les ressources dont on dispose, nous sommes toujours vulnérables à toutes sortes de crises, qu’elles soient régionales, globales, celles liées à la nature en l’occurrence les crises climatiques avec les inondations et tout ce qu’on a vu et tous les effets qui s’en suivent. Sur la base de ce contexte, en Afrique du Nord et de l’Ouest, nous avons voulu venir ensemble, créer cette dynamique de synergie dans la réflexion, le partage des expériences dans la création et la formulation des solutions qui puissent répondre à ces problématiques », a indiqué Mme Gone Diop.

En Afrique du nord, les défis sont similaires selon la directrice UNECA SRO-NA Mme Zuzana SCHIDROWSKI. Elle relève toutefois que l’Afrique du nord qui a une situation un peu différente peut apprendre de l’Afrique de l’Ouest sur différents domaines.

«Permettez-moi de parler de la résilience face aux crises dans un contexte où nous sommes en plein milieu de multiples crises. Et, il se peut que nous soyons à l’arrivée d’une autre crise encore. Il faut voir quelque chose pour en tirer de cette conjoncture. C’est très important que des pays aient accès à des liquidités pour pouvoir manœuvrer et adopter des politiques en cas de problème de sécurité alimentaire, par exemple, pouvoir transférer des fonds aux pays les plus vulnérables. Nous avons aussi environ 40% des budgets de ménage les plus vulnérables qui sont alloués aux dépenses alimentaires. Mais ces crises surviennent à une période où les politiques d’espace fiscale et la majorité de nos pays en Afrique sont catégorisés comme étant dans une détresse de la dette », a rappelé Zuzana SCHIDROWSKI qui cite le Soudan comme exemple.

Pour faire face à la problématique, elle pense que ce qui doit être fait pour la majorité des pays, c’est une consolidation fiscale. « Cette réunion devrait nous permettre d’avoir une voix unifiée de l’Afrique pour faire face à ces défis communs. Les pays à revenus intermédiaires doivent aussi être pris en compte dans le cadre de ces initiatives. Donc, nous aurons des délibérations sur les financements des changements climatiques.  C’est extrêmement important », a indiqué Mme la directrice de UNECA SRO-NA, Mme Zuzana SCHIDROWSKI.

Africaguinee.com

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