Dans bon nombre de communautés rurales subsahariennes, la fin de l’exploitation minière rime parfois avec destruction de l’environnement et désastre économique et social. En effet, les problèmes que pose l’ère post mine dans ces situations sont de même nature que ceux liés aux effets du changement climatique, voire les amplifient. La mine de Kalsaka, au Nord du Burkina Faso illustre parfaitement la problématique, qui mérite bien de figurer au menu des préoccupations de la vingt-septième conférence des Nations unies sur le climat qui s’ouvre ce 6 novembre 2022 à Sharm-el-Sheikh, en Egypte.
«Si dans les pays du Nord, les problèmes environnementaux découlent de l’industrialisation galopante, dans les pays de l’Afrique subsaharienne, les activités minières sont en grande partie sources de dégradation de l’environnement», indique Karim Kaboré dans son mémoire de fin d’études de Master 2 à l’Institut International d’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2IE).
«Mémoire pour l’obtention du Master en ingénierie de l’eau et de l’environnement. Option : Qualité-Hygiène-Sécurité-Sécurité et Environnement», c’est l’intitulé du travail de recherche de Karim Kaboré qui a abordé la question des impacts environnementaux désastreux de l’exploitation artisanale de l’or à Poura. Avant l’orpaillage, cette localité de la province des Balé, région de la Boucle du Mouhoun, a connu les mêmes problèmes quand l’exploitation de la première mine industrielle y avait pris fin en 1999, après une douzaine d’années d’activité.
2457 ha de forêts détruits par an au Burkina
Au Burkina Faso, la superficie forestière dégradée due à l’exploitation minière est 2457 ha en moyenne par an, selon un rapport de la stratégie nationale sur la réduction des émissions provenant du déboisement et de la dégradation des forêts, associées à la gestion durable des forêts, la conservation et l’amélioration des stocks de carbone forestier (REDD+). Cette stratégie nationale REDD+ devrait être présentée à Charm-El Sheikh, en Egypte, lors de la prochaine COP27.
Pour Eléonore Lèbre, qui a effectué aussi des recherches sur la fermeture des mines, «les mines fermées seraient une énorme source de préoccupation». Car, «dans les zones rurales, où il peut y avoir des exploitations minières (…), vous avez des communautés qui ont grandi pour en dépendre», explique la chercheure. Mieux, «il y a un certain nombre de personnes [supplémentaires] qui dépendent indirectement des sites miniers, ce qui aggraverait la situation».
Ce qui s’est passé à Kalsaka
Le drame de Kalsaka illustre à merveille les résultats de recherche du Dr Lèbre. Pour la petite histoire, le site aurifère de ladite localité situé dans la province du Yatenga au nord pays, soit à quelques 160 km de Ouagadougou, a été exploité de fin 2008 à 2004 par la société Kalsaka Mining SA. Cette petite mine d’or industrielle de Kalsaka a produit en 5 ans, 18 tonnes d’or, généré des revenus pour le budget de l’Etat et pour les employés locaux. Mais, ce fut un cauchemar à sa fermeture tant cela a engendré beaucoup de problèmes qui attendent encore d’être réglés, malgré la reprise la mine par une autre compagnie minière.
L’exploitation minière s’est soldé par un désastre environnemental sans précédent. Des trous béants pouvant atteindre la profondeur de 80 à 120 m ; des eaux verdâtres par-ci, par-là, bref, un environnement chaotique.
Au Ghana aussi… situations désastreuses pour l’environnement
Les paysans qui ont cédé leurs terres à la mine, ne peuvent plus l’exploiter ; les animaux des éleveurs meurent, faute de pâturages, le problème de l’eau potable se pose avec acuité, la nappe phréatique étant polluée. La misère est palpable : les parents ont du mal à nourrir leurs familles et à envoyer leurs enfants à l’école.
Dr Emmanuel Obuobie de l’Institut de recherche de l’eau de Accra au Ghana, soutient aussi que l’exploitation minière pose des sérieux problèmes environnementaux qui impactent les conditions de vie des populations locales. Le Ghana, qui a une longue histoire dans l’exploitation minière, a connu aussi ces situations désastreuses pour l’environnement du fait de l’exploitation minière.
«Menaces sur la biodiversité»
Cette triste situation fait penser à Laura Sonter, une autre chercheuse dans le domaine de l’exploitation minière et de la biodiversité, et à ses collègues qui ont prévenu que l’extraction des matériaux dans le monde augmenterait les menaces pesant sur la biodiversité. «Sans une planification minutieuse, ces nouvelles menaces pourraient dépasser celles évitées par l’atténuation du changement climatique».
En effet, il y a corrélation entre la course au développement des technologies des énergies renouvelables dans les pays développés et la prolifération des exploitations minières dans les pays du Sud. Ainsi, pendant que les métaux précieux sont exportés dans les pays du Nord pour être utilisés, les pays du Sud où ils ont été pour la plupart extraits, sont confrontés aux conséquences environnementales et socioéconomiques difficiles à gérer sans planification et mécanismes efficients.
«Selon une étude, les 20 % des plus riches de la population mondiale ont accès à 60-75 % du stock mondial de métaux en usage par habitant, une répartition encore plus inégale que celle des émissions de carbone», confie à ce propos le géologue économique, Simon Jowitt, de l’université du Nevada aux Etats-unis.
Tendre vers l’empreinte matérielle
C’est pourquoi, dans l’optique de tirer les bonnes leçons de ces différents échecs, il importe dans l’intérêt du pays, pour les différentes parties des projets miniers de réussir ensemble leur planification et la fermeture. Comme ailleurs, cela reste possible, pour peu que l’on se donne les moyens.
Mais, au-delà, l’on doit travailler pour l’adoption et l’opérationnalisation de concepts comme celui de l’empreinte matérielle qui permettra une meilleure contribution des pays du Nord, principaux bénéficiaires des projets miniers, à la gestion des conséquences environnementales, économiques et sociales de l’après-mine.
Vivement, que la vingt-septième conférence des Nations unies sur le climat qui s’ouvre ce 6 novembre 2022 à Sharm-el-Sheikh, en Egypte, en parle, et surtout prenne des résolutions dans ce sens !
Car, comme le rappelle Svobodova, K. dans son article «La vie après la fermeture : perception et utilisation des sites miniers réhabilités par les communautés locales» ; «les dimensions sociales de l’extraction des ressources ont toujours représenté un défi majeur pour les industries. Cela est particulièrement aigu vers la fin du cycle de vie du projet, lorsque plusieurs pressions s’alignent. La planification de la fermeture réussie de la mine est un facteur clé dans la conception, la planification et le processus de séquençage de la mine. Cela permet à la mine d’être progressivement réhabilitée vers un relief final bien compris et acceptable et un résultat d’utilisation des terres». Comme quoi, il y a aussi une vie après la mine. Et elle mérite d’être vécue par bien des communautés des localités minières en Afrique, à l’image de Kalsaka.
Réussir les prochaines fermetures de mine
Dans cette perspective, le Burkina Faso doit tirer toutes leçons des expériences passées, notamment de Kalsaka et Poura, pour réussir ses prochaines fermetures de mine.
«La première condition pour une fermeture réussie d’une mine, c’est de s’y prendre longtemps à l’avance, notamment avec la réhabilitation progressive du site. Fermer une mine, cela coûte cher et prend du temps. Donc, il vaut mieux commencer le processus pendant que la mine est encore en bonne santé économique et génère des revenus importants. En théorie, il faut penser à la fermeture le plus tôt possible, quitte à voir le planning évoluer au fil du temps, au fur et à mesure que les choses se précisent», préconise Dr Eléonore Lèbre, spécialiste de la question.
Grégoire B. Bazié
Burkina Demain