Yé Lassina Coulibaly, artiste auteur-compositeur interprète, Chevalier de l'ordre du mérite, des lettres et de la communication (agrafe musique et danse) du Burkina-Faso

L’homme à la fois défenseur de l’authenticité culturelle africaine et de la diversité culturelle universelle, Yé Lassina Coulibaly que l’on ne présente plus, est depuis longtemps un acteur majeur de la lutte pour l’avènement d’un nouveau métissage de grande portée humanitaire et écologique. Chez lui, on est en plein dans ce que l’on peut résumer ou titrer ‘’Mondialisation, métissage en musique’’.

 En effet, l’ancien contexte historique du métissage, nous le connaissons tous : c’est une triste attitude de l’humanité qui l’a suscité. Il s’est fait en Amérique sur trois cents ans, peu à peu. Aujourd’hui c’est un nouveau contexte et ce ne sera pas le même métissage, quel nom portera-t-il ? quelle musique en sortira ?

On peut dire que, des negro spirituals en 1700 au jazz en 1920, c’est un enfant né quasi d’un viol, enfant qu’une maman noire aurait pourtant choyé, éduqué avec amour, une maman pieuse et noble. C’est facile de dire cela. C’est encore plus facile et joli que de filer la métaphore, certes propice à la polémique, et de dire que maintenant dans les années 2020 ce serait un vrai acte d’amour consenti d’un enfant d’une femme blanche et d’un papa noir. Mais en fait on n’en sait rien, ni même le résultat, il est trop tôt.

Métisser durablement une deuxième fois la musique

Ce que l’on peut dire c’est que l’approche de Ligeti, aussi ethnographique fusse-t-elle, avec tout l’amour qu’elle a donné pour sa source, et celle de Reich et de beaucoup d’autres qui nourrissent la musique contemporaine par la polyrythmie/polyphonie de l’Afrique noire, n’est pas un métissage, car c’est une quête de nourriture pour ressourcer une veine qui se continue, voire tendre à l’universalité première et comme chercher à reconstruire une langue plus avant que l’indo européen. Il y a certes admiration mais non pas métissage : plutôt greffe ou re-pygmentation, retour au temps où tous les homo sapiens avaient la peau noire. Ce qui est beau dans cette vision est que la notion de progrès est effacée et que l’art intemporel est admiré et revivifié. La musique qui en ressort reste pourtant sur la ligne occidentale et sporadique.

Mais c’est aux hommes et femmes noirs de métisser durablement une deuxième fois la musique avec la trop (mais c’est ainsi désormais) répandue culture d’Europe de la polyphonie sur une organisation spécifique de la résonance harmonique, et de la mélodie structurée issue de la seconda pratica (retour à l’importance antique du texte soliste), avec les rythmes issus du latin, et des langues du nord (pour être exhaustif).

Ce métissage a déjà commencé parce que, dans une remise en cause générale de l’expansion de sa culture, retrouvant sans cesse sous ses yeux les traces malheureuses et les destructions du passé lors de la marche de la mondialisation qu’elle a suscitée, la culture occidentale, devant assumer son passé tout en s’accusant, a enfin ouvert l’oreille à la richesse et la beauté de ce qui reste encore des autres cultures, et commence désormais, communément et non plus élitistement, à les apprécier, les admirer. Un concert de musique Papou ou Pygmée, Lobi, Bamanan, Senefou, etc, musiques les plus virtuoses et sophistiquée du monde, se trouve désormais ovationné sans réserve et pour ce qu’il est là où il a lieu.

A propos de Yé Lassina Coulibaly : un engagement de longue date à faire avancer le métissage

Dans cette récente publication «Art et Culture», l’homme de culture burkinabè Yé Lassina Coulibaly décrypte l’art et la culture en Afrique

Yé Lassina Coulibaly est depuis longtemps une figure majeure qui œuvre dans sa tête créatrice géniale à faire avancer ce nouveau métissage à l’issue lointaine. Il met en écho et revivifie avec un regard poétique et romantique tout ce qui se touche dans l’universalité de ces deux cultures en train de faire l’amour. Il nous rappelle la diversité des langues parlées et la riche histoire de l’ Afrique,  porteuses d’ une culture d’engagement et d’amour de l’humain.  Sa réflexion part de l’omniprésence de la musique en tout instant de vie de l’humain : l’artiste doit tout naturellement consacrer sa vie à la musique. La musique a toujours été un support de la transmission des valeurs traditionnelles ancestrales : l’artiste s’en fait un passeur.

La musique est le reflet de la société : il plonge dans ses problématiques et ses engagements, d’ailleurs la musique n’est-elle pas toujours et seulement actuelle, y compris à travers le besoin de renaissance des musiques anciennes? il se lance alors dans la salutation des corps de métiers, ceux qui n’ont pas la parole, les infirmières, les travailleurs, les fonctionnaires, les artisans, les commerçants, « la rue », les artistes eux-mêmes dont il rappelle que la société africaine fait toujours surgir un mécénat anonyme collectif quand il voit que l’artiste ami est dans le besoin, tandis qu’ici la conscience collective ne supplée pas encore aux carences des soutiens publics de plus en plus amenuisés. C’est donc une philosophie du vivre de l’autre à soi et de soi à l’autre.

Cet amour – l’engagement, se fait alors aussi baume et musicothérapie : il l’applique alors autant sur les autres (d’où son récent livre « L’art des sons, l’art du soin ») que sur lui-même et son acte créateur. Il mène alors son instrument fétiche, qui est le djembé, dans la forêt pour apprendre à écouter le plus profond de l’existence, le silence, la vibration, la note.  « La note majeure, dit-il, pour moi c’est le grave, et le djembé est bien placé pour me le donner, puis vient le medium et l’aigu, au point de mesurer l’intensité de la hauteur des différentes notes sur la peau de l’instrument. Après je me sers du balafon, soit pentatonique soit diatonique, et aussi de la sanza et de la kora, pour élaborer la première composition».

Neuf albums enregistrés

Sur la technique de composition proprement dite ? « Ce n’est pas un monde facile, il faut te remettre en question pour pouvoir composer». Il utilise le balafon avec l’accord diatonique qui lui permet d’écrire ses grilles, tout en s’appuyant sur sa sensibilité très personnelle pour enrichir l’harmonie.

« Je suis séduit par les polyphonies, c’est l’harmonie qui m’attire le plus, car c’est là où l’on est porté de la terre vers le ciel et le ciel vers le mouvement.  Je compose particulièrement des rythmes binaires et ternaires syncopés, et ternaire et binaire mélangés, 5 temps, 6 temps, 7 temps, 9/8 ou 4/4.  Pour moi la richesse des mouvements, c’est le ternaire, j’aime bien travailler sur le ternaire qui est plus complexe, plus difficile et plus délicat que le binaire, et après une fois que j’ai composé sur trois claviers de balafons, je peux m’ouvrir à inviter la kora, la flûte peule, à enrichir avec d’autres instruments africains ou, suivant les albums, avec d’autres couleurs européennes». Yé Lassina Coulibaly a enregistré neuf albums qui témoignent de la diversité et de la richesse de ses compositions sur le marché international.

Construire ces musiques harmonieuses…le résultat

Mais alors quel est le résultat du métissage obtenu par notre artiste ? C’est le résultat sonore impressionnant de sa sensibilité artistique de compositeur qui nous touche tout particulièrement et agit comme ce baume qu’il réclame pour l’humanité et lui-même. Son travail avec son Ensemble de polyphonies de balafons aboutit à une technique chromatique qui puise ses racines dans la matrice de la terre africaine. Il avance, il cherche désormais à atteindre un métissage orchestral et vocal, et suit les pas des Ligeti et Reich qui se nourrissaient de musique africaine. Mais, pour lui, Africain, se nourrir de musique baroque occidentale, signifie jouir d’un vivier nouveau   où le métissage avec les sonorités de sa terre natale peut faire jaillir de nouvelles fleurs.  Ce terrain d’improvisation qui s’offre à lui est d’autant plus vaste, qu’il est enrichi par la renaissance récente des techniques dites de diminutions ou d’embellissements, techniques qui s’étaient perdues juste après Chopin…

On a envie de le voir construire ces musiques harmonieuses qui bouillonnent dans sa tête et son esprit, mais qu’il faut attendre… Car dans notre temps, si riche culturellement, où l’importance de la culture est niée et où les artistes sont de plus en plus nombreux à devoir se débrouiller de plus en plus seuls et avec peu, l’avènement de tels bouillons de création est à coup sûr ralenti, voire relève du miracle!

Une composition illustrative de Yé Lassina Coulibaly

«L’arbre géant, l’ancêtre,

Celui qui donne la vie… Tellement géant qu’il relie entre elles les forces du ciel et de la terre.

Son impressionnant tronc signe l’avancée immuable du temps : les 7 jours de la semaine, les 12 mois de l’année, les siècles…

Ses gigantesques racines puisent si profondément l’eau indispensable à sa suivie qu’elles ne font qu’un avec la terre, les rochers, les volcans, l’océan…

Les ramifications de ses branches symbolisent la croissance, le poumon de la vie, toutes les créations de l’univers, la connaissance, la recherche, la curiosité de l’homme pour l’espace, les ressources et trésors naturels…

La multitude de ses feuilles évoque la légèreté et la fragilité de ce qui nous est donné et peut nous être repris: la naissance, la mort, l’amour, l’amitié…

Ses fruits généreux nourrissent les hommes au sens propre, les soignent et, au sens figuré rappellent les bienfaits de ce qui est fécondé qu’il s’agisse de phénomène naturel, d’éducation, de culture ou de développement personnel…

La nuit, les étoiles, le clair de lune, autant que les rayons du soleil, magnifient cet arbre grandiose.

Aucune civilisation n’a le monopole sur cet arbre. Il est planté à l’intérieur de chaque homme et de tout ce qui est vivant sur terre.

Ce qui pose problème c’est que chaque peuple pense pouvoir dominer la nature et que l’homme oublie que c’est elle qui, au bout du compte, impose sa loi.

Tout ce qui crée un déséquilibre est nuisible à la nature, comme à l’humanité, mais l’homme n’entend pas les colères et les avertissements de la nature. On continue d’exploiter ses ressources et de produire massivement au risque de contraindre des population humaines, mises en péril par cette folie, à se déplacer. On veut ignorer l’énorme poubelle de déchets que la terre ne peut plus absorber. Les effets de l’activité humaines, insuffisamment mesurés, sont sources de perturbation des cycles naturels et de dérèglement climatique.

Poussé par l’orgueil, la pulsion de domination et l’appât du gain, l’homme n’écoute pas l’arbre plein de sagesse qui vit en lui, je dirais même qu’il le fait taire!

Si l’homme était connecté à son intérieur intime, laissait émerger ses émotions, il reviendrait à des valeurs fondamentales et pourrait se freiner sur beaucoup de choses.

Il serait temps d’écouter cet arbre imaginaire qui n’a rien demandé à l’homme et qui peut donner l’espoir.

Ce sont nos comportements humains qui détruisent les valeurs qui sont en nous.

L’homme n’est pas le seul être vivant sur terre, il n’a aucun droit sur les autres et surtout pas celui de détruire la nature.

Notre intelligence devrait servir à autre chose, par exemple à se défaire de nos habitudes de consommation, à accepter de marcher, de méditer…

Et comme je reste un irréductible optimiste, je veux croire que nous parviendrons à modifier nos comportements afin de protéger notre bien commun : notre mère Nature… Et que ce n’est pas une utopie!

Ma sensibilité et l’engagement de mes textes et de ma musique, tout au long de ma carrière artistique, témoignent de mon adhésion, de ma sincérité et de mon combat au service de cette cause.

 

Yé Lassina Coulibaly

-Artiste auteur-compositeur interprète,

-Musicothérapie sociétaire de la SACEM, ADAMI, SPEDIDAM, Union des Artistes Burkinabé

-Chevalier de l’ordre du mérite, des lettres et de la communication (agrafe musique et danse) du    Burkina-Faso

-Concert, spectacle, pédagogie 00 336 76 03 71 66»

 

Martin Philippe

Burkina Demain

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