Le parcours artistique de Boncana Maïga fait honneur à l’Afrique et à toutes ses valeurs. C’est une grande fierté pour moi de rappeler une partie de l’histoire et du parcours artistique de l’un des auteurs africains, compositeurs, arrangeurs, interprètes de génie.

Créateur infatigable, homme visionnaire ancré dans sa culture africaine conjuguée avec d’autres cultures, il n’a cessé de former des Ensembles et des Orchestres au Mali, Côte d’Ivoire, Niger avec lesquels il a parcouru le monde. Sous sa baguette magique, en tant que chef d’orchestre, il a mené des projets, touché à nombres de styles de musique : classique, jazz, reggae, latino, chanson, etc…

Homme de culture

Boncana Maïga n’a cessé de promouvoir les musiques du continent africain

Boncana  Maïga  surprend toujours avec de nouveaux artistes talentueux, qu’il ne se contente pas de découvrir mais accompagne afin de les valoriser et de les faire connaître sur le marché national et international. Grâce à lui et à sa connaissance des milieux du show biz, beaucoup ont acquis un statut professionnel (artistes de renommée mondiale, enseignants, créateurs de leur propre label…)

Il a soutenu de nombreux festivals tant en Afrique qu’en Europe.. En outre, j’admire son élégance et sa recherche en matière d’habits traditionnels.

Boncana Maïga n’a cessé de promouvoir les musiques du continent africain et de les transmettre aux générations futures.

Il a fait connaître les instruments traditionnels, qu’il a su faire évoluer dans les milieux des orchestres et des ensembles, sans dénaturer leur identité culturelle.

Au-delà de son talent artistique, Boncana Maïga est un homme de culture sensible à la littérature, au cinéma, au théâtre, aux arts plastiques… C’est aussi un homme doté d’une infinie sensibilité humaine et qui incarne les valeurs familiales ancestrales.

D’une grande générosité, il savait donner et communiquer la joie, l’amour, la paix : il suscitait l’adhésion de toutes les couches de la société…

Dans la sous-région d’Afrique de l’Ouest dont il est issu, dans la dynamique créée par les indépendances au Mali et en Côte d’Ivoire, il a été le précurseur de l’ouverture entre tradition et modernité, avec son orchestre « les Maravillas de Mali ».

Ce groupe s’est distingué par un destin hors du commun en Afrique. Il croisait les rythmes cubains et africains, produisant une musique d’un rythme endiablé, particulièrement dansant (Chachacha, Guarachas, Son-montunos et autres Boléros). Ce groupe a fait danser des générations d’Africains à l’indépendance et des tubes sont restés planétaires, comme « Rendez-vous chez Fatima » et « Mariétou« .

Titres de ses albums

C’est ainsi que j’ai découvert la musique de Boncana Maïga avec « Mariétou », un des titres de ses albums qui a connu un immense succès.

Beaucoup plus tard ma trajectoire professionnelle aurait pu croiser celle de Boncana Maïga dans le cadre d’un projet artistique d’un grand producteur, Jean Singgellos du label suisse Dancing City, avec lequel nous collaborions, séparément, tous les deux. Le décès prématuré de Jean, que j’appréciais beaucoup, paix à son âme !  a mis un terme à ce projet.

Ce fut pour moi, comme pour beaucoup d’Africains une véritable initiation à la musique contemporaine avec l’introduction dans les arrangements d’instruments tels que : guitare, batterie, basse, clavier, clarinette, saxo, flûte traversière… Cette ouverture vers d’autres cultures, portée par un courant intellectuel rayonnant dans la Sous-Région (Côte d’Ivoire, Mali, Guinée-Conakri, Niger, Cameroun, Sénégal, Togo, Bénin, Burkina-Faso, Ghana), c’est cette génération qui l’a initiée, avec d’autres orchestres.

Il fallait avoir du courage et l’amour de l’Afrique pour entreprendre ce que ces musiciens ont fait, à l’époque, en réalisant des tournées dans des conditions souvent aléatoires et précaires…

Ils devaient, en outre, être à l’écoute de toutes les sensibilités des populations. Ils évoquaient les grands hommes de l’épopée mandingue, chantaient la bravoure, la fierté de l’homme noir, c’était très puissant.

Le passage des orchestres créait une dynamique, y compris économique. C’était un évènement qui faisait rêver… Nous étions émerveillés par les sonorités des instruments de musique et par l’élégance des costumes de scène des musiciens.

Nous avions conscience que ces orchestres jouaient un rôle d’ambassadeurs de l’Afrique à l’étranger. Je n’ai pas de mots pour exprimer ce qu’ils ont fait pour l’Afrique.

L’œuvre de Boncana Maïga et son aventure avec « Les Maravillas

Chapeau à cette génération d’artistes monuments de la musique africaine! Pourtant beaucoup sont décédés dans la pauvreté, par manque de structures solides pour les soutenir dans la production et la diffusion…

Boncana Maïga a toujours lutté pour faire reconnaître le professionnalisme et l’importance de l’art pour la société.

C’est un résistant de la culture qui a su sauvegarder son indépendance artistique grâce à des commandes d’acteurs culturels publics ou privés en Afrique ou ailleurs. Il a recherché des soutiens partout où des hommes et des femmes étaient sensibles à la culture.

Il a fait preuve de détermination dans ce qu’il entreprenait. Pour preuve, les émissions télévisuelles qu’il a créées ont remporté un grand succès auprès du public africain comme européen. En 2022, l’émission « Stars Parade », diffusée sur TV5 Monde, a fêté son 1200 éme numéro…

L’œuvre   de Boncana Maïga et son aventure avec « Les Maravillas » continue de rester vivante.

Boncana Maïga a fait renaître Les Maravillas en réalisant, en 2016, avec deux musiciens seuls survivants de l’aventure, un album « Africa Mia », réédité en 2020, qui est un mixage des chansons originales datant de l’âge d’or du groupe.

De plus, un film documentaire du même nom, réalisé par Richard Minier et Edouard Salier, en 2019, retrace leur incroyable parcours.

Ne pourrait-on pas honorer un tel parcours en perpétuant l’enseignement et le patrimoine culturel que nous laisse Boncana Maïga, en créant un lieu à la mémoire de celui-ci?

Un lieu pour transmettre aux jeunes générations ce que l’on n’apprend ni à l’école, ni dans la rue, où l’on enseignerait l’écriture singulière et les méthodes de Boncana Maïga…

La notoriété de Boncana Maïga est grande

Un lieu qui soit un pont entre tradition et modernité, gardien de l’histoire et du patrimoine de la musique africaine, mais aussi ouvert à la recherche et à l’éclectisme des approches artistiques de toute une génération d’artistes.

Un lieu de rassemblement pour tous ceux, compositeurs, arrangeurs…qui voudraient contribuer à la mémoire et la modernisation de la musique africaine.

Un lieu d’émulation intellectuelle et artistique qui accompagnerait les évolutions et n’oublierait aucun artiste.

Parce que la notoriété de Boncana Maïga est grande et notre patrimoine immense, parce qu’il ne faut pas que la culture s’appauvrisse, je lance un appel à tous les acteurs culturels et politiques afin de concevoir et réaliser un tel lieu.

Il est temps de se détacher des dispositifs post- coloniaux : c’est une question de dignité…

La culture est une composante très importante à prendre en compte dans toute société, comme l’exprimait le président Modibo Keita : « La culture d’un peuple est l’expression la plus intrinsèque de sa faculté d’adaptation à son milieu, à sa condition propre, aux réalités philosophiques et sociales qui la conditionnent, dans son être comme dans son devenir ».

Quant à moi, je pense que c’est le partage, au travers de la musique, qui relie les hommes, qui ouvre la voie à l’émotion, qui leur permet de voir le monde autrement. Car, à la croisée de culture et discipline, la musique est une source intarissable de douceurs, elle permet de plonger au plus profond de soi et simultanément d’entrer en résonnance avec son prochain.

Par Yé Lassina Coulibaly

 

Annexe: Biographie

De son vrai nom : Boncana Issa Tandagari Maïga est né à Gao au Mali. D’origine malienne, il grandit au Niger. Au début des années 60 il crée un petit orchestre appelé le « Négro Band »avec lequel il fera le tour du Mali.

En 1963 il est envoyé à Cuba par l’Etat malien au prestigieux Conservatoire de La Havane avec neuf autres compatriotes musiciens.

C’est l’occasion pour lui de perfectionner son aptitude naturelle à la musique, d’apprendre à jouer de tous les instruments. .Il s’y perfectionne notamment dans la maîtrise de la flûte et du saxophone, particulièrement la flûte traversière  qui est depuis toujours son instrument de prédilection

C’est ainsi qu’il devient naturellement chef d’orchestre, arrangeur et directeur artistique et crée, en 1968, un orchestre dont le concept est de métisser la musique cubaine à la musique africaine. Sans le savoir, il initie, avec les Maravillas de Mali, les premiers pas de la musique afro-cubaine.

Ceux-ci obtiennent rapidement un succès phénoménal : le groupe devient incontournable, est invité à jouer dans les ambassades, participe aux grands évènements cubains… Fidel Castro faisait partie de ses fans.

Après un bref retour au Mali en 1972, Boncana Maïga décide de s’exiler en Côte d’Ivoire où il réalise une partie de sa carrière.

Il devient successivement professeur de musique à l’Institut National des arts, puis directeur adjoint du Conservatoire de Côte d’Ivoire.

Pendant quatorze ans, il forme et dirige l’orchestre de la télévision ivoirienne (RTI) avec Manu Dibongo. Il a participé à la tournée africaine triomphale des « Fania All Stars ».

Il se consacre aussi aux arrangements pour des artistes, comme Alpha Blondy pour ne citer que lui.

En 1988, il écrit la musique du film « Bal poussière » réalisé par Henri Duparc, pour lequel il avait déjà composé la musique du film « Aya » en 1986.

En 1990, il quitte la Côte d’Ivoire pour la France.

A Paris, de sa rencontre avec  Alpha Blondy naît  un album  » Masada »,  qui a fait le tour de la planète.

En 1992, en collaboration avec le producteur Ibrahim Sylla, il fonde le groupe « Africando », formation musicale panafricaine qui devient l’un des orchestres les plus célèbres du monde et représente une véritable fierté pour le continent africain. Ses compositions sont reprises par les plus grands comme l’orchestre « Aragon ».

Depuis 2001, Boncana Maïga présente l’émission « Stars Parade » consacrée aux musiques africaines et diffusée sur TV5 Monde.

En 2006, il signe la musique du film « Moolaade » du réalisateur Sembène Ousman.

De retour au Mali à partir de 2005, Boncana Maiga a ouvert Maestro-Sound Mali, une maison de production audiovisuelle et discographique3.

En 2009, il produit et anime l’émission « Tounkagouna » dans laquelle il fait découvrir les nouveaux talents de la musique africaine, l’émission est diffusée sur TV5 Monde.

Boncana Maïga a reçu de nombreuses distinctions : il est officier de l’Ordre national du Mali depuis 2017, chevalier de l’Ordre national du Mali depuis 2009 et chevalier du Mérite ivoirien depuis 1980. En outre, il reçoit, en 1997, le Kora Award du meilleur arrangeur.

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